La Cité de l'Injustice

Chapitre 18

Michiya éternua et ouvrit les yeux. Il y avait des cartons et de la poussière partout. En se redressant, elle constata que les participants à la réunion de la veille dormaient tous, éparpillés entre les piles de caisses. Mag et Serena étaient étendues sur des lits de camps, Alric sur un semblant de futon, Aïdan et Bertie roulés en boule côte à côte, à même le sol. Elle-même était simplement enroulée dans une veste qu'Alric avait dû poser sur ses épaules.

« Tu es réveillée ? » murmura une voix.

Michiya sursauta. Là, dans un coin de la pièce se tenait Irina, la jeune femme qui avait interrompu la réunion.

« Viens, dit-elle en lui faisant signe de la suivre, le couvre-feu est levé. »

Michiya avisa Alric qui dormait toujours. Elle n'avait pas envie de le laisser. Jusque là, il avait été comme une figure de référence, la personne la plus fiable. Mais Irina ne semblait pas être mauvaise, bien au contraire. Elle décida donc de la suivre.

La jeune femme ouvrit la porte de la remise et elles sortirent toutes les deux dans le couloir. A la faible lueur des lampes, Michiya détailla sa nouvelle guide. Irina était petite, ses cheveux châtain coupés en un carré court et irrégulier. Elle était vêtue d'une salopette trop grande et d'étranges chaussures à lacets.

« Oh, tu regardes mes vêtements ! dit-elle avec un sourire. Je sais que ce n'est pas très beau à voir mais c'est le mieux qu'on puisse faire. On rapièce à l'infini avec ceux qu'on apporte avec soi le jour de l'arrivée et quand ils sont vraiment hors d'usage, on en fait des sortes de chaussures.

-Et pour manger ? demanda Michiya.

-On a des taupes un peu partout, y compris dans le secteur agricole ou à la récupération d'ordures.

-Mais ce n'est pas un peu dangereux ?

-Quoi donc ? questionna Irina, amusée.

-Qu'autant de personnes soient au courant. Je veux dire, vous êtes juste sous le nez de l'Impératrice, des tas de rumeurs courent à vôtre sujet...

-Bien sûr, que ça l'est. Mais nous avons aussi de quoi étouffer les rumeurs avant qu'elles ne parviennent aux oreilles des personnes susceptibles de nous dénoncer, tu ne crois pas ? »

Michiya approuva d'un signe de tête mais resta tout de même pensive.

Elles arrivèrent rapidement devant une porte cachée. Derrière se trouvait une autre galerie, étroite et grossièrement creusée. Elles s'engagèrent dans le boyau, guidées par la lumière d'une lampe torche qu'Irina venait de décrocher du mur. Elles débouchèrent finalement dans une grande salle creusée à même la roche. A l'intérieur, une vingtaine de femmes et une poignée d'enfants s'éveillaient.

« Bienvenue au dortoir B. Tu resteras ici pour le moment. »

Irina s'avança entre deux rangées de couvertures, futons, valises et corps encore à moitié endormis et s'arrêta devant une couchette près de laquelle il restait encore un peu de place.

« Tiens, on va t'installer là. Celle-ci, c'est la mienne, » expliqua Irina.

Michiya aquiesca et retourna à la contemplation des autres personnes autour d'elle. La plupart des femmes était en train de s'habiller, de ranger les couchettes ou de s'occuper des jeunes enfants. Fascinée, elle observa presque en voyeur ces scènes de la vie quotidienne dont elle avait presque oublié l'existence. Une mère donnait le sein à son bébé, un sourire exténué sur le visage. Un petit garçon volait la poupée de sa grande sœur. Deux enfants échappaient à la surveillance d''une jeune femme et partaient en exploration à l'autre bout de la salle.