Chapitre 5

8 0 0
                                    


Des tables et des chaises empilées du sol au plafond.

Un carrelage froid.

Une main posée sur son dos.

Michiya ferma les yeux et se laissa bercer par la caresse de la main de sa mère. Ce geste diffusait une douce chaleur dans tout son corps.

Elle se sentait bien.

Elle respira pour remplir ses poumons de cette odeur qu'elle connaissait par cœur et dont elle avait tant besoin.

Nolina sentait l'extérieur de la Cité : un mélange de terre, d'herbe coupée et de pluie ajoutée à l'odeur aigre douce de son corps après une journée de travail.

Mais la personne qui caressait le dos de Michiya en cet instant ne sentait rien de tout ça. Son odeur était celle du papier, de l'humidité et enfin -la jeune fille ne put s'empêcher de le reconnaître- celle d'un doux parfum de fleur qui la réconfortait sans qu'elle puisse expliquer pourquoi.

Elle sortit de son demi-sommeil et se redressa brutalement, laissant la main retomber sur le genou de sa propriétaire. Michiya étouffa un cri de stupeur lorsqu'elle reconnut la fille qui l'observait depuis la fenêtre de sa classe. Ses longs cheveux blonds et bouclés tombaient en cascade sur ses épaules, encadrant un visage mince aux traits fins.

« Bonjour », dit-elle avec un sourire. « Excuse-moi si ça a l'air bizarre mais tu pleurais dans ton sommeil alors j'ai voulu te consoler. Je m'appelle Liz. »

Michiya se souvint brusquement de la raison pour laquelle ses joues étaient humides et rougit. Elle était honteuse de s'être laissée aller devant une inconnue. Elle devait être forte pour Zoï.

« Moi c'est Michiya. »

Elle se redressa sur ses pieds et regarda autour d'elle. Le débarras était petit et encombré, rempli de vieux mobilier de classe. La faible lumière qui entrait dans la pièce provenait d'une minuscule fenêtre sale. Liz était toujours assise au milieu des bureaux, les épaules en arrière, les yeux rivés sur Michiya, un sourire au coin des lèvres. Gênée, celle-ci se racla la gorge

« Sortons d'ici, on étouffe.

-Comme tu veux », répondit Liz en se levant à son tour.

Les deux jeunes filles sortirent du cagibi. Le soleil était bien plus bas que lorsqu'elles y étaient entrées et Michiya se souvint alors à quel point elle avait faim.

Liz la guida dans le bâtiment jusqu'à l'aile qui abritait les dortoirs, au premier étage. Elle ouvrit une porte et elles se retrouvèrent dans une longue pièce sombre bordée de deux rangées de petits lits de métal. Seule une fenêtre, à l'autre bout du dortoir laissait échapper un rais de lumière grise, qui rendait l'endroit encore plus fantomatique. Michiya frissonna. Soudainement, alors que Liz s'avançait vers le fond de la pièce, Michiya distingua un mouvement du coin de l'œil.

Elle sursauta, avant de se rendre compte qu'il s'agissait d'une autre fille, assise à califourchon sur son lit. Elle avait un visage rond et des cheveux frisés châtain roux. Liz se retourna vivement et lui lança un regard noir.

« Qu'est-ce que tu fous là ? Tu devrais pas être avec les autres ? »

Michiya fronça les sourcils. Elle n'avait pas appréhendé cet aspect de la personnalité de sa nouvelle camarade et trouvait que son ton dur tranchait avec son attitude quelques minutes plus tôt.

« Non, souffla la petite brune en rougissant, j'ai été malade pendant la dernière heure et Madame Harmoin m'a envoyé me reposer...

-Fayotte », siffla Liz.

Elle fit encore quelques pas vers le fond de la pièce d'un air assuré et se posta devant la fenêtre.

« Voilà, c'est le dortoir. La dernière heure de cours va se terminer bientôt, tu peux t'installer tant que les autres ne sont pas là.

-Euh...merci. »

A cet instant, le ventre de Michiya laissa échapper une plainte particulièrement bruyante et Liz éclata de rire.

« Ne bouge pas, lança-t-elle, je vais te chercher quelque chose à manger. »

Et elle quitta le dortoir d'un pas dansant.

Michiya s'appuya contre un mur, les bras croisés sur la poitrine, avant de se rendre compte que l'autre fillette ne l'avait pas quittée des yeux.

« Comment tu t'appelles ? souffla-t-elle.

-Michiya, et toi ?

-Sonia. Tu devrais pas traîner avec Liz.

-Pourquoi ?

-C'est comme ça. Toutes ses « amies » ont eu des problèmes à cause d'elle.

-Quel genre de problème ? » demanda Michiya.

Sonia haussa les épaules et se recoucha dans son lit, alors que Liz revenait, les bras chargés de sandwiches.

« Whaouh, merci beaucoup ! s'exclama Michiya. Mais tu as trouvé ça où ?

-C'est un secret, sussura-t-elle. Et il faudrait que ça le reste... »

Michiya coula un regard vers Sonia. Peut-être avait-elle raison. Mais à l'évidence, l'amitié de Liz offrait aussi des avantages. Elle enfourna un sandwich dans sa bouche, résolue à ne plus se poser de questions.

 

La Cité de l'InjusticeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant