Chapitre 1

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- Ma chérie, détends-toi ! Tu vas avoir des rides avant même tes 20 ans, si tu continues à grimacer comme ça. Tout va bien se passer.

Je soupire et acquiesce à contrecœur. Ma mère n'est pas vraiment douée pour réconforter les personnes qu'elle aime. Pourtant elle y met tout son coeur, j'en suis certaine. Disons seulement elle n'a pas de tact. J'ai l'habitude. C'est plutôt moi qui tient ce rôle.

- Je t'ai mis quelques DVD dans la valise. Même, N'oublie jamais. Comme ça tu penseras à moi même à des milliers de kilomètres, continue-t-elle en me triturant les boucles dorés de mes cheveux.

Je souris. N'oublie jamais est sans conteste son film préféré et le mien par la même occasion. Du haut de ses 36 ans, elle reste toujours une grande guimauve. Nous l'avons probablement visionné une bonne centaine de fois. Surtout ces soirs où elle venait de se faire larguer. Je pense que ça lui redonnait foi en l'amour d'une certaine manière.

Des larmes menacent de couler à nouveau. Nos moments de complicités vont me manquer. Je l'enlace à lui en couper le souffle.

- Merci, maman ! Merci de m'avoir accompagné jusqu'ici...

- Tu vas t'y plaire ! J'en suis sûre... me murmure-t-elle, tu es certaine, tu ne veux pas que je t'accompagne jusqu'à ta chambre ?

- Oui, maman. Sinon je vais t'enfermer avec moi et tu ne pourras plus repartir...

Elle rigole et me prend une nouvelle fois dans ses bras, pour dissimuler ses yeux humectés. La minute d'après, elle m'embrasse sur la joue et me murmure à nouveau qu'elle m'aime avant de faire volte-face et de rejoindre sa voiture sans se retourner.

Je ne suis pas vraiment une adepte des scènes mélodramatiques. Pour autant, lorsqu'il s'agit de ma mère je ne peux m'y résoudre. Je ne veux pas qu'elle me laisse ici. J'ai encore besoin d'elle. Si je pouvais, j'installerai un matelas dans ma nouvelle chambre d'étudiante pour qu'elle reste toujours auprès de moi. Oui, je sais. Je n'ai pas coupé le cordon. En même temps, quand on vit une relation aussi fusionelle pendant dix-huit ans avec sa génitrice, ce n'est aussi simple.

J'aimerai pouvoir dire que je suis excitée de faire ma rentrée à l'université. C'est vrai quoi, n'est-ce pas ce que tout lycéen attend une fois son bal de promo passé ? L'indépendance, le début d'une nouvelle vie, les fêtes, l'alcool, le sexe... Mais moi, tout cela ne m'excite pas le moins du moins. Bien au contraire. Je suis effrayée. Pourtant c'est l'inverse qui aurait du se produire, je quitte enfin ses années d'enfer au lycée. Je peux me reconstruire. Être une autre version de moi... Essayer de l'être, du moins.

Je suis du regard la voiture de ma mère, jusqu'à ce qu'elle ne soit qu'un point noir dans mon champ de vision. Je prends une profonde inspiration. Ça y est. J'y suis. Je suis au Washington State University. Reprends toi en main ma pauvre, et va conquérir ce nouveau monde, me souffle une petite voix dans ma tête.

Le campus a l'air immense, un mélange d'architecture pittoresque et moderne à la fois, parsemé de grands chênes. Il n'a franchement rien à envier à Yale ou Harvard, mis à part peut-être les professeurs et les cours prestigieux. C'est beau. Bien loin des maisons multicolores de San Francisco, mais ça a tout autant son charme. Un peu à l'ancienne.

Je me dirige le coeur battant vers le bâtiment administratif après avoir demandé des renseignements à un groupe d'étudiant. La personne chargée d'accueillir les nouveaux arrivants, me donne un plan de l'établissement et la clefs de ma nouvelle chambre. "La résidence est jouxté au campus" prend-t-elle soin de me glisser. Je m'en vois ravie.

Après l'avoir remercier, je reprends en main mes trois sacs où j'ai pour ainsi dire empaqueté toute ma vie dedans. Surtout mes livres. Du Brontë, du Austen, du Wilde... J'ai tout ce dont j'ai besoin dans ses sacs assez lourds. Et bien évidemment quelques vêtements, sous-vêtement et autres nécessité hygéniques.

Résiste-moi (en pause et réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant