Chapitre 22

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J'ai toujours pensé qu'en étant discrète j'allais être davantage heureuse, car je ne m'attirerais aucuns problèmes. Alors depuis aussi loin que je me souvienne, j'ai pris soin de ne pas faire de vague, de rester dans le droit chemin coute que coute. Et depuis mon enfance, je vis avec ce sentiment de ne pas vouloir être un problème... pour personne.

Avec un peu de recul, je pense que j'ai commencé à réagir de la sorte lorsque mon père nous a quitté. J'avais six ans. Ma mère en a souffert. Beaucoup trop. Alors inconsciemment je n'ai pas voulu être une difficulté pour elle. J'avais de bonnes notes, j'étais obéissante, et par dessus tout je restais une épaule réconfortante. Je voulais qu'elle sache qu'elle pouvait se reposer sur moi. Que moi je ne lui ferai jamais de mal et que je ne la laisserai pas tomber. En plus d'être ce qu'on appelle une petite fille modèle, lorsque j'ai pris un peu d'âge et de maturité je l'aidais à travailler dans le bistrot où elle travaillait le soir et la journée dans la libraire qu'elle s'était offerte avec le peu d'héritage que lui a laissé mon grand père à sa mort. Parfois le rythme était dur, mais je ne me suis jamais plains. Je savais que ma mère ne cautionnait pas que je l'aide, mais elle n'avait pas le choix que d'accepter. Pour être honnête, on a vraiment galèré pour boucler les fins de mois. Mais je n'ai jamais manqué de rien, ni de vêtements, ni de nourriture, ni meme d'amour. Et j'étais fière de ce que nous avions accompli main dans la main.

Alors revoir mon père m'a fait l'effet d'une bombe. Pourtant je me suis longtemps imaginé cette scène. Ce moment où je pouvais enfin lui dire tout ce que je pensais. Tout ce qu'il nous a fait vivre après son départ. Le sentiment que nous avions eu de se sortir rejetté, abondonnee, d'être qu'une corvée de plus dans sa vie. Dans mon imagination, j'étais un tantinet plus bavarde, forte et assurée. J'aurai mis les choses au clair avec un sourire narquois, je lui aurais précisé que malgré tout je me suis très bien portée jusqu'ici, sans lui. Sans aucune aide de sa part. Que j'étais heureuse et que pour rien au monde je regrette qu'il soit parti. Mais force est de constater qu'il a laissé des plaies plus profonde que je ne pensais. L'absence d'un père ne se soigne pas à coup d'antibiotiques. Et même avec toute la bonne volonté que j'ai mis pour sourire à la vie qui s'offrait à moi, une telle blessure ça vous hante et sa vous terrorise mais ca vous forge aussi. Et lorsque j'ai croisé ses iris grises, je peux jurer que j'ai sentie ma frêle carapace se briser en l'espace d'une nano seconde. Alors oui je le hais. Je le hais du plus profond de mon être de nous avoir abandonné. De m'avoir fait sentir d'être de trop toute ma vie. Mais je me hais encore plus d'être aussi fragile.

Aujourd'hui, je n'ai pas décroché un mot de la journée. Pour combler le silence, Théo me raconte des histoires sur son père, sa sœur, sa ville... Je hoche la tête, et sors des "Ah bon ?", "d'accord", "ah c'est génial" alors que je ne n'écoute pas un trait mot. Au lieu de cela, je ressasse le moment où j'ai revu mon géniteur, les dents serrées.

Finalement, enfin de journée j'accepte l'invitation de Théo pour boire un verre. Je lui dois bien cela. Pour autant je ne suis pas bien plus bavarde. À bout de nerfs, Théo fait claquer violemment sa canette de soda sur le bois brun et me fusille du regard.

- Bordel, Ella, tu vas me dire ce qu'il se passe ?

Je relève la tête surprise. Mais je le comprends. Je n'ai pas été de très bonne compagnie aujourd'hui.

- C'est encore à cause de lui, c'est ca ? Lâche-t-il.

- Quoi ? Zac ? Non non. Ce n'est rien je t'assure, je suis un peu ailleurs à cause des examens qui s'approchent.

Il fronce les sourcils visiblement pas dupe.

- Te fous pas de moi. Tu es pâle comme jamais. Tu ne m'écoute pas quand je te parl... alors je veux bien être moins intéressant que Zac mais je t'en pris, ne me dit pas qu'il n'y a rien.

Je hausse un sourcils perplexe. Qu'est ce que Zac fait dans la conversation.

- Zac n'est pas plus intéressant que toi, Théo, enfin qu'est ce que tu racontes.

- Oh s'il te plaît, tu ne jures que par lui depuis le début de l'année. Zac ci, Zac ca... tu ne t'en rends même pas compte. On ne te même voit plus avec Charlotte, s'énerve t-il.

J'ouvre la bouche pour me défendre puis je la referme. Peut être qu'il a raison. Peut être que je blesse mes amis en les mettant de côté sans m'en rendre compte. Je baisse les yeux honteuse.

- Tu ne te rends pas compte hen ? Me demande-t-il plein de véhémence. Tu te rends pas compte qu'il se fout de toi ? Bordel Ella ouvre les yeux, merde. Tu n'es un appât. Tu ne lui sers que de monnaie d'échange.

Mon cœur rate un battement. Mais de quoi parle-y-il ? Des larmes menaces d'exploser à tout moment. Mais Théo ne s'arrête pas.

- Pauvre fille. Charlotte à essayé de te prévenir mais toi tu ne fais qu'à ta tête.... Zac sait que tu es la fille du doyen. Il a juste besoin de toi...

- Qu... Qu'est-ce que tu racontes ?

- Sa fraternité est sur le point de fermer. Tu es son seul recours, Elisa ... crache-y-il

S'en est trop. Le cœur battant, la tête bourgeonnant, je me leve précipitamment de la table. Je suis prise d'une terrible confusion. J'essaye aussi fort que possible de remettre mes idées dans l'ordre mais je suis énervée humiliée, et je perds le contrôle de mon esprit. C'est pas vrai. Pas encore. Qu'est-je fais au bon dieu ? Il faut que je sache. Non. Ça ne peut pas être vrai.

Sans que je ne sache comment et combien de temps j'ai marché. Je visage déformée par le désarroi, je me retrouve devant la fraternité. Sur le ponton Liam fume sa cigarette avec d'autres étudiants venu faire la fête à la fraternité et me regarde l'air moqueur. Si mes yeux pouvaient le fusiller, il serait mort dans la seconde.

-Il est dans sa chambre me prévient-il. Tape avant d'entrée hen, me prévient-il alors que je suis déjà dans les escaliers.

À l'étage je croise, un troisième année. Qui tente de me barrer le chemin.

- Hé qu'est ce que tu fais ? Tu ne devrais pas être la. Zac n'est pas ici.

Je le pousse de toute les forces et réussir à le faire vaciller. Je saisis ma chance et fonce au fond du couloir pour ne pas qu'il me rattrape. Dans la foulée j'ouvre la porte de sa chambre.

La scène qui se déroule devant mes yeux m'arrache le cœur.

Résiste-moi (en pause et réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant