Rapt.

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La petite troupe d'intrus progresse rapidement dans les égouts à sec ; l'enfant les guide en silence. En tête, le Maure fouille les ténèbres de sa torche. Les haschischins le suivent de près.

Du bruit. De la lumière.

Le Reïs dégaine son cimeterre et fait passer l'enfant à l'arrière. Arcs bandés, ses guerriers l'encadrent et se tiennent prêts. Il chuchote à leur intention :

« Personne ne décoche flèche avant que je n'en aie donné l'ordre. Compris ? »

Les trois enturbannés hochent la tête comme un seul homme ; sous le chèche, on ne distingue que leurs yeux de loups.

La rumeur se précise.

Toute une troupe, des femmes portant des enfants endormis, des vieillards, débouchent d'un tunnel. S'ils sont surpris de la rencontre, rien ne permet de le dire ; ils se pressent vers la sortie en ordre et en silence. Les maures s'adossent au mur pour les laisser passer.

Impassibles, les gardes du corps interrogent le chef du regard.

« Des fuyards, juifs, ils ne sont pas nos ennemis. Laissons cela et avançons. »

L'enfant repasse en tête et les guide dans un labyrinthe de caves vides pour aboutir à un cellier ; un escalier droit qu'ils gravissent. Ils sont dans les cuisines, désertes à cette heure.

L'enfant s'éclipse. Ils continuent sans lui.

Le hall du castel, personne, le poste de garde de l'entrée, vide, un escalier coudé, les appartements seigneuriaux sont à l'étage.

Dans l'antichambre dort un soldat, assis, la tête dans ses bras. Percé simultanément de trois flèches dans le cou et le corps, il ne se réveillera pas.

Le Reïs entrouvre la porte et se glisse au chevet de la belle endormie sous les draps fins, ses longs cheveux dorés répandus sur un coussin de soie blanche.

Il se penche pour la respirer.

Le flamboiement la réveille.

Elle recule dans le lit, se redresse, effarée...

« Garde ! Garde !

- Dame, il ne se réveillera plus.

- Vous êtes le diable, maure, et vous êtes venus en mon château, de nuit, pour me tuer avec vos assassins ?

- Calme-toi et suis-moi, Scribote, je te prie.

- Et vous savez mon nom ?

- Dans cette ville, j'ai mes espions.

- Mes frères en Dieu corrompus par des suppôts de Satan ? Je ne le crois pas. Vous mentez !

- Et comment serais-je donc arrivé si facilement jusqu'à ta couche ?

- Que voulez-vous ?

- Par ma foi, tu seras reine en mon palais. Je me moque de ta cité. C'est pour toi que je suis venu, pour te prendre.

- Jamais.

- Si tu ne me suis pas, je massacre les tiens... Viens, et tu feras de moi un homme comblé.

- Maure, je te hais.

- Et moi, je t'aime.

- Plutôt Mourir ! Sainte Marie, mère de Dieu...

- Ne perdons pas une minute. Emportez-la, ligotez-la, vous en répondez sur votre vie. Á cet instant, elle est mon bien le plus précieux.

- Comment retrouverons-nous la sortie, Seigneur ? L'enfant est parti.

Le Goliard et la ScriboteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant