L'ombre qui plane

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Le silence retomba. Siem n'entendait que son coeur qui battait à la chamade et sa respiration sifflante. Il venait de terrasser un drake de plusieurs mètres de long, tout seul.

Machinalement, il enleva les quelques pièces d'armure qui étaient toujours accrochées à son corps. Sa vue faiblissait. Il se sentait lentement tomber. Ses genoux percutèrent le sol fumant et ses talons vinrent bloquer son corps. Là, il resta immobile, à sentir le souffle paresseux du vent sur son visage.

En dépit du massacre, le jour tombait, affichant de magnifiques couleurs allant de l'orange au bleu foncé. Le soleil couchant lui rappela l'espace d'un instant les journées normales d'une vie qu'il avait oublié. Une vie où il n'était ni une bête traquée, ni un pèlerin choisi.

Il inspira un bon coup, força des abdominaux et se releva. Il marcha jusqu'à la grande carcasse encore chaude. L'impact avec la lance de foudre avait fait des dommages incroyables au monstre. Sa tête ne tenait plus que par quelques tendons, l'endroit où la lance avait finit son parcours était complètement bousillé et carbonisé, même le cou avait reçu des dégâts, en dépit du fait que la lance ne l'ai que frôlé.

Le pèlerin inspecta sa main. À l'inverse du drake, il n'avais aucune blessure, aucune marque, rien. Il était pourtant sûr que c'était lui qui avait tiré. Pourquoi alors ne portait-il pas les même blessures que son adversaire? Il chercherait des réponses plus tard.

Il entendit des cris venant de l'intérieur des murailles. Sentant qu'il tomberait sûrement sur la garde de l'église, il tenta de prendre ses jambes à son coup. Seulement, ses forces l'abandonnaient. Son premier pas fut facile, mais plus il mettait un pied devant l'autre, plus il était ardu de rester debout.

Arrivé seulement au niveau de la queue du drake, il dût arrêter. Ses jambes tremblaient et n'iraient pas plus loin. Derrière, il percevait les cris des gardes qui accouraient sur le pont. Il mobilisa toute sa volonté pour fuir et rester loin de cette église maudite.

Cependant, ce dernier effort draina toutes ses forces et il s'écrasa face contre terre. À demi conscient, il se maudit. Il se maudit de ne pas être capable de bien faire les choses. Il aurait simplement put mourir contre le drake et il n'aurait plus de problème. De la même façon, s'il avait été assez fort, il se serait sauvé comme n'importe qui et serait allé se perdre sans que personne ne sache qui il était.

Perdu dans ses pensées, il n'entendit pas les énormes bottes de fer à ses côtés. Une puissante poigne le retourna. C'était un de ses immenses colosses au teint foncé qui gardaient les murailles.

-Ici monseigneur! appela-t-il. Je crois que je l'ai trouvé!

Du coin de l'œil, Siem aperçu le prêtre qui l'avait enfermé quelques temps auparavant. Arrivé à sa hauteur, le grand prêtre soupira. Un soupir sincère étonnement, qui reflétait non pas de l'exaspération, mais une sorte de tristesse morbide.

-Encore vous? Je vous avait pourtant prévenu. Pourtant, vous voici. Comment croyez-vous que les gens vont réagir quand ils apprendront que c'est un mort-vivant qui a terrassé ce monstre? Je le sais, moi. Tout plein de morts-vivants essaieront de faire comme vous. Ils sortiront de leurs trous crasseux et viendront briser notre paix déjà précaire pour tenter de reproduire vos actions. Un héros mort-vivant en quelque sorte, une icône pour tout ceux qui sont perdus. Une image qui montre que ceux qui sont maudits peuvent tout de même faire quelque chose de bien. Non, impossible malheureusement. Les morts-vivants sont une peste dont il faut se débarrasser. Je ne veux pas encore plus de Carcasses sur le pavé de mon église. Je ne peux laisser une telle chose arriver, puisque cela détruirait tout notre monde.

-Cette fois l'extermination est la seule issue possible. Je ne parle pas de la mort, non. Je ne peux vous faire ce cadeau. Les morts-vivants doivent être annihilés, détruits jusqu'au dernier morceau. Sinon, qui sait où vous irez revivre.

Revivre? Que voulais dire le prêtre? Personne ne sait renaître. C'est une chose que même les dieux ne peuvent faire.

-Gardes, emmenez-le. Nous allons envoyer les prisonniers au taureau. Ce soir...

-Bien monseigneur! répondit un colosse.

Celui-ci empoigna Siem et le souleva comme s'il ne pesait rien.

Taureau? Ses pensées étaient confuses, mais il se rappelait que les gardes avait mentionné "le Taureau" lors de sa première arrestation. Il tomba vite inconscient sur l'épaule du garde.

Il reprit conscience lorsqu'on le poussa dans une grande cellule. Ses membres ne répondaient plus à ses commandes. Cependant, et à son grand étonnement, des mains le relevèrent. Incapable de se défendre, il se laissa faire, peu importe ce qui allait se passer.

Les mains défirent sa chemise et tâtèrent son torse. Elles allèrent directement toucher le côté gauche de son torse. Elles y restèrent quelques secondes puis, à travers le brouillard, il entendit :

-Il est marqué!

Ensuite, des soupirs et même quelques exclamations.

Que signifiait tout ceci? Pourquoi acclamait-on une bête maudite?

Quelqu'un lui porta alors un flacon aux lèvres. Le pèlerin but avidement. Rapidement, le brouillard se dissipa et il commença à distinguer les formes qui le retenait.

Siem balbutia un "merci" quelque peu rouillé.

La majorité des personnes présentes étaient des hommes, même s'il distingua deux femmes adossées au mur à sa droite. À son étonnement, ils avaient tous leur armure, mais aucune arme.

Siem voulait pousser l'analyse plus loin, mais un grand gaillard s'agenouilla devant lui.

-Je suis Tarkus Fer Noir. Je suis sincèrement heureux d'avoir un autre mort-vivant avec nous.

Siem tenta de foudroyer cet insolant du regard, mais il ne trouvait pas ses yeux derrière son gros casque.

-Ici, ne craignez rien. Nous sommes tous comme vous. Mais, malheureusement, ce soir nous finiront aussi tous au même endroit. Probablement dans le ventre du Démon-Taureau.

-Démon? articula Siem d'une voix brisée.

-Oui, c'est une des multiples races de démons qui est née de la corruption de la Sorcière d'Izalith lorsqu'elle tenta de recréer la Première Flamme. Il est venu s'installer ici il y a plusieurs années. Il exigeait un tribus. L'armée aurait facilement pût lui régler son compte, mais le Grand Prêtre y vu une alternative au problème des morts-vivants, qui commençaient à se faire plus nombreux.

-Parler au Grand Prêtre! gémit Siem. Il faisait tant d'efforts pour prononcer correctement que sa gorge le faisait souffrir.

Tarkus paru apparemment remarquer, car il enchaîna, complètement hors-sujet:

-Depuis combien de temps es-tu humain mon gars?

Siem leva deux doigts, pour signifier qu'il l'était depuis deux jours.

-Deux années?

Siem fit non de la tête.

-Mois?

Même réponse.

-Semaine?

Encore négatif.

-Jours?

Cette fois-ci, le pèlerin acquiesça vivement.

-Huh, alors cela explique la voix. Patches, venez aider ce pauvre homme avec vos miracles!

Dark Souls/Sombre ÂmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant