L'Emprisonnement

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Le pèlerin fut menotté et emmené une nouvelle fois à travers les dédalles qui formaient le quartier des soldats. Il entendait les marchants vanter leurs produits et les citoyens ordinaires négocier de bons prix. Tout cela semblait le remplir de joie, mais le Sombre Signe rechignait à lui donner ce sentiment. Il naviguait donc entre deux états d'âme. Il aurait tellement voulu se promener parmi ses pairs, partager leur plaisir de vivre. Mais il avait d'autres problèmes.

Il passa sur une promenade qui suivait une volée de marches encombrées de détritus que deux jeunes hommes crasseux s'affairaient à ramasser sous l'oeil vigilant d'un garde. La promenade surplombait un camp d'entrainement où s'affairaient plusieurs dizaines de soldats. Certains s'entrainaient à l'épée, d'autres au maniement de la lance. Quelques uns tiraient des carreaux d'arbalète sur de grands panneaux de bois.

L'atmosphère était assez détendu, car la journée s'achevait, alors plusieurs soldats organisaient de petites compétitions amicales de combat à l'épée. Le Sombre Signe le poussait à aller se battre, mais il fit taire ces immondes pensées. Il ne souvenait pas bien de ce qui s'était passé dans le cachot avec les autres fous, mais il se rappelait le goût métallique du sang et l'énergie noire qui parcourait son corps, propulsée par les battements morts-vivants du Sombre Signe.

On lui fit faire un brusque virement sur la gauche et il monta une nouvelle volée de marche. On lui fit passer une porte et là, il fut mêlé au gens normaux de la cité. Les gardes criaient fortement de les laisser passer, fendant le flot humain de peine et de misère, puisque l'énorme pont était complètement encombré par de divers étalages ainsi que par la multitude de clients qui venaient acheter les produits.

La proximité des gens le comblait, mais la plupart l'ignorait complètement et la minorité qui croisait son regard détournait rapidement les yeux. Qu'importe, il sentait que son coeur mort-vivant se cachait au plus profond de ses entrailles comme si la compagnie humaine le torturait. Cela le soulagea grandement et désirait ardemment rester au milieu de ces inconnus, car il voulait redevenir comme eux. Seulement, ses jambes refusaient de le porter plus loin. Les gardes s'arrêtèrent devant une porte gardée par deux individus qui ébahirent le pèlerin. Ils n'étaient sûrement pas naitfs de la région, parce qu'ils se détachaient des autres personnes par leur grande taille, leur mâchoire carrée et leur yeux noir de jais. Leur armure était entièrement noire et étaient composées de lourdes plaques probablement en fer, à en juger par leur apparence. Leur attirail se terminait par une lourde hallebarde. Après un échange qui échappa au pèlerin, l'un des gardes cria un ordre à un troisième personnage derrière la grille qui actionna un levier et leva la grande grille pour leur permettre le passage.

Le mort-vivant vit plusieurs personnages encapuchonnés à genoux devant une statue qui représentait une grande femme portant un enfant dans ses bras. Le poupon tenait une longue épée sur son ventre, comme si elle était un jouet dont il ne pouvait se séparer. Deux portes menaient à l'extérieur et il entraperçu le piédestale d'une autre statue, mais ne put voir ce qu'elle représentait. La statue de la jeune femme disparut de son champs de vision, car il venait de passer un autre portail et déboucha sur une petite place. Ici, les nombreux marchands ainsi que leur clientèle était bien plus posés que sur le pont. Le vacarme de l'extérieur se faisait encore bien entendre, mais était diminué par la muraille qui les séparait. Cette partie de la ville semblait appartenir aux nobles. Plusieurs groupes de femmes bien en chair et ornés de toutes sortes d'artifices se promenaient de kiosques en kiosques pour s'y procurer une bague ou un chapeau de fourrure, alors que les quelques hommes étaient assis à parler de la vie quotidienne.

Le groupe de soldat continua droit devant en écartant les passants qui leur bloquaient le passage. Ils passèrent sous une passerelle d'où deux gardes armés d'arbalètes leur firent signe de la tête. Le pèlerin se gavait des images, des odeurs et des sons qu'il recevait de cette ville. Le voyage lui était à peine pénible, puisque ses geôliers le trainait assez bien pour qu'il n'ait pas à forcer avec ses épaules pour rester confortable.

Puis, il la vit, la grande église qu'il avait aperçu en arrivant avec le corbeau. Trois gardes armés de sabres et de longs boucliers ouvrirent les deux portes et les firent entrer dans les murs sacrés de l'église. Alors qu'il passait les portes, une voix retentit dans sa tête:

-N'oublie pas! Un homme ne doit pas se soumettre à la volonté des dieux. Cherche la porte des Abysses et je t'aiderais à devenir ce que tu dois devenir.

-Garde silence, servant de Ténèbres, rugit une autre voix.

Le pèlerin crut alors que sa tête allait exploser sous l'intrusion qu'il subissait. Quelque chose se battait pour entrer dans son esprit et détrôner la voix qui y était déjà installée. Il sentait qu'un combat faisait rage, sans qu'il y ait aucune confrontation physique.

Complètement fou de douleur, le mort-vivant planta ses deux pieds au sol et tenta de se prendre la tête à deux mains, comme si leur contact aurait pu le soulager. Comprenant que son hôte perdait le contact avec la réalité, le Sombre Signe jaillit de ses entrailles et le poussa à combattre. Les deux bras du mort-vivant se crispèrent et envoyèrent valser les deux gardes qui le retenait. Celui qui fermait la marche tenta de dégainer son arme, mais son bras ne se rendit jamais à la garde. Le pèlerin s'en saisit et le fit tourner dans une direction impossible et l'arracha d'un violent mouvement de bras. Le pauvre type tomba au sol, agonisant..

Le vacarme attira tout les gardes des environs et fit fuirent les prêtres occupés à prier dans le bâtiment. Après quelque secondes de résistance, le pèlerin reçu un violent coup derière la tête et s'effondra, assomé.

Dark Souls/Sombre ÂmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant