Chapitre 4 : Asubakatchin.

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Je me réveillai de bonne heure. Il devait être approximativement 7h30. Je m'étirai en faisant craquer mes articulations. La lumière du jour filtrait chaleureusement à travers mes rideaux beiges. Il faisait délicieusement bon dans ma chambre. J'allumai mon téléphone portable machinalement mais je savais bien que je ne m'en servais jamais. A quoi bon en avoir un lorsque l'on n'a ni amis ni famille à contacter ? C'était juste un accessoire inutile que ma mère m'obligeait à emporter partout pour ma sécurité.

Je me levai et descendis dans la cuisine. Ma mère m'adressa un sourire rayonnant en pressant les oranges de notre petit déjeuner rituel. Je me mis à beurrer le pain grillé. Le matin, c'était toujours un travail en équipe pour qu'on ne soit jamais en retard. J'étais encore en vacances pour quelques temps encore, je ne savais pas ce que j'allais bien pouvoir faire pendant que ma mère serait au travail.

-« Mélo ?

Je levai la tête de mon pain chaud et de mon beurre gras pour écouter ce que ma mère voulait me dire.

- Tu veux monter en ville avec moi ce matin ? Tu pourrais aller voir ton nouveau lycée, les boutiques, les gens. Je finis assez tôt, vers 11h. Je te rejoindrais après le travail pour aller manger en ville. Qu'en dis-tu ? me proposa-t-elle avec insistance.

- J'en dis que c'est une bonne idée. » Lui répondis-je, ravie.

Après avoir mangé et nous être préparées, nous montâmes dans la voiture et nous partîmes jusqu'à la ville. Nous n'étions qu'à une dizaine de minutes en voiture, ce n'était pas très loin du chalet. La ville était plus grande que je ne le pensais. De nombreux bâtiments étaient en bois, en étant néanmoins très modernes. La route semblait avoir été récemment rénovée, certainement avant la période touristique. En fait, Chittenden ressemblait en tout point à une ville de tourisme en pleine forêt. Autant dire une ville magnifique dans un cadre idyllique.

Ma mère gara la voiture devant l'office du tourisme et me tendit un peu d'argent avec un de ses sourires dont elle avait le secret et qui me mettait du baume au cœur.

-« Tu peux acheter ce que tu veux, Mélo.

- Merci maman, c'est super ! » Lui répondis-je, ravie en prenant avidement les billets.

Je descendis en lui souhaitant de passer une bonne matinée. J'avais dans l'idée de m'acheter quelques fringues et de me balader un peu partout dans la ville. Je me mis donc à déambuler devant les magasins de Chittenden et à faire du lèche-vitrine devant les bijoux artisanaux et les vêtements qui s'offraient à mes yeux. J'aimais beaucoup m'habiller sans trop me prendre la tête, mais sans tomber dans la simplicité non plus. Et j'aimais énormément mettre une multitude de bijoux.

J'entrai dans un magasin au hasard. C'était une friperie apparemment. Il y avait des attrapes-rêves aux quatre coins de cette dernière. Une vieille femme était au comptoir et lisait attentivement le journal datant d'hier, pendant qu'un jeune homme à la peau cuivrée mettait des vêtements en rayon. Ce dernier se retourna vers moi, sans vraiment me regarder. Je sentis son parfum très masculin lorsqu'il me contourna sans un mot. Mon cœur se mit à palpiter sans que je comprenne pour quelle raison. Pour chasser mon trouble incompréhensible, je fis mine de contempler un immense attrape-rêve artisanal sur un mur. Il était magnifique, cet attrape-rêve. Il me faisait un peu penser à celui qu'il y avait dans ma chambre quand j'étais petite. On habitait à Washington à l'époque, et ma mère l'avait accroché au dessus de mon lit pour que je sois protégée des cauchemars. Le plus beau dans tout ça, c'est que ça avait fonctionné. Ces objets un peu mystiques faisaient partie des bons souvenirs.

-« Tu cherches quelque chose en particulier ou tu regardes juste ? Fit une voix grave dans mon dos. Je sentis de petits frissons me parcourir la nuque. C'était le jeune indien qui m'avait interpellé.

- Je regarde pour le moment. Mais je me posais une question, répondis-je en essayant de garder mon calme, tant bien que mal.

- Je t'écoute, me dit-il en haussant les épaules.

- Ces attrapes-rêves, qui est-ce qui les fabriquent ? Demandai-je en fixant le garçon dans les yeux. Il avait les yeux vairons. Un vert et un autre noir, ou marron, je ne sais pas trop. C'était étrange. Mais ça lui donnait un charme singulier. Il avait sûrement du sang indien dans les veines. Sa peau était sombre, ses cheveux noirs et son timbre de voix d'une gravité magnifique.

- Les Asubakatchin, c'est moi qui les fais, me répondit-il sans un sourire. Le mot qu'il avait utilisé pour désigner les attrapes-rêves résonnait joliment à mes oreilles. Il me fixait aussi dans les yeux, mais je ne pensais pas qu'il trouvait en moi quoi que ce soit de rare ou de fascinant. J'étais plutôt banale, contrairement à lui.

- C'est vraiment très beau, en tout cas. »

Il haussa les épaules en marmonnant un simple « mouais » qui ressemblait à un grognement animal. Avant même que je puisse ajouter autre chose, il avait déjà disparu dans le rayon d'à côté.

Les Voyous. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant