Ma mère vint frapper à ma porte avec insistance. Je me levai d'un bond, prise de panique. J'étais encore habillée de la veille. Il était 10h du matin. Ma fenêtre était encore grande ouverte.
-« Mélo ? Tu n'es pas encore réveillée ? Me demanda ma mère avec une voix teintée d'inquiétude qui ne lui ressemblait pas.
- Maintenant, si. » Lui répondis-je un peu trop durement. Je l'entendis s'éloigner dans le couloir. J'avais la boule au ventre.
J'avais dormi beaucoup plus tard que d'habitude en raison de mon escapade nocturne de la veille. Je ne savais même plus quel jour on était. Je fermai ma fenêtre, me changeai rapidement, me lavai, pris mon sac à dos en cuir, et descendis les escaliers en vitesse. Ma mère était devant la télé, une tasse de café brûlant à la main. Elle me lança un regard étrange, presque suspicieux.
-« Tu t'es couchée tard, hier soir ? Marmonna-t-elle, en fronçant les sourcils. Mon cœur cessa de battre quelques instants. Puis, je me repris.
- Oui, je lisais. Je n'ai pas vu l'heure. » Mentis-je en essayant de paraître la plus crédible possible.
Je pris une petite bouteille d'eau dans le réfrigérateur et quelques biscuits que je glissai dans mon sac. J'avais envie d'aller me promener dans la forêt de jour. En particulier, pour revoir la clairière des attrapes-rêves. Mon sang cognait violemment contre les parois de mes veines tant j'étais impatiente d'aller retrouver la magie de l'endroit. Je sortis sans rien dire de plus qu'un « salut » distrait à ma mère. De toute façon, elle paraissait être de mauvaise humeur, mieux valait donc ne pas trop lui parler aujourd'hui.
Dehors, il faisait un soleil resplendissant, le vent léger caressait doucement ma peau, les nuages ressemblaient à d'énormes barbes à papa, blancs et sucrés. Mon cœur s'emplit d'un bonheur inexplicable quand je me mis à courir sur le petit sentier de terre battue qui menait aux premiers arbres de la forêt. Malgré cette très courte nuit de sommeil, je ne m'étais jamais sentie en si bonne forme qu'aujourd'hui. Je me sentais légère et libre. Comme l'oiseau à qui on rendrait sa liberté.
La clairière m'apparut moins inquiétante au moment où elle était chauffée par le soleil que lorsqu'elle était baignée par la triste lueur de la lune. Tous les souvenirs de la veille me revinrent en mémoire avec délice. Un sourire se dessina sur mon visage. Les attrapes-rêves étaient toujours là, suspendus aux branches des érables qui rougeoyaient dans l'ombre du matin. Une sorte d'aura apaisante se dégageait de ce lieu si particulier. La douce brise faisait tinter joliment les petites perles, les coquillages, et les pierres brillantes des pendentifs amérindiens. Je me mis en tailleur sur l'herbe, au milieu de la ronde des grands arbres, qui se tenaient par les branches pour m'encercler de leur sécurité silencieuse. Paisible et rassurée, je fermai les yeux pour une durée indéterminée. Mes autres sens se multiplièrent sous l'effet de la concentration extrême dont je faisais preuve. Je percevais nettement les oiseaux qui chantaient mélodieusement sur ma droite, je sentais la fragrance de la sève qui collait sous l'écorce, j'entendais les insectes qui frottaient leurs pattes les unes contre les autres, je captais les petites abeilles qui bourdonnaient sur ma gauche. La forêt me parlait et je buvais ses paroles qui avaient le goût des pommes de pins et du miel. Je me sentais à nouveau transportée dans un autre monde. Un monde paradoxalement sauvage, magnifique et doux. Je ne sus combien de temps encore je m'étais laissée imprégner par la suavité de la forêt enchanteresse, quand un bruit inhabituel me sortit de ma transe agréable. On aurait presque dit une brindille qui se brisait. J'ouvris les yeux. Le soleil m'éblouissait, mais je distinguais quelqu'un, sous l'ombre du plus haut des érables de la ronde. Je me levai d'un bond, plus intriguée qu'anxieuse par cette soudaine apparition. Lorsque la vue me revint dans sa totalité, je reconnus la personne qui me faisait face. Des cheveux noirs, un teint cuivré, un œil clair et un autre foncé. C'était le garçon de la friperie. Il s'approcha lentement de moi, toujours en me fixant de son regard si perturbant. Je constatai qu'il tenait plusieurs Asubakatchin et de la ficelle blanche dans sa main droite.
-« Tu veux m'aider à les accrocher ? » Me demanda-t-il en désignant les reliques amérindiennes que le vent faisait osciller imperceptiblement.
Mon cœur, quant à lui, s'envola.

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Les Voyous.
AventuraIl était une fois une belle histoire avec de jeunes gens qui jouaient à devenir grands. Il était une fois une bande d'amis aux allures de voyous, qui remplissaient la vie avec des doses excessives de danger. Il était une fois une aventure de jeunes...