CHAPITRE VINGT-TROIS - Retrouvailles

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Au fil des sonneries, je perds mon sourire peu à peu. Je tombe finalement sur sa messagerie et je pousse un grognement mécontent. J'entends alors des grincements provenant des escaliers et ma mère apparait derrière le mur. Je reste appuyée contre le plan de travail en l'observant silencieusement. Malgré qu'elle m'en a fait baver ces dernières années, je n'ai jamais cessé de l'aimer, c'est ma mère après tout. Mes relations avec elle n'ont jamais été très roses mais si je lui dois bien une chose, c'est sa parfaite éducation. Elever trois enfants quand on est une femme au foyer n'a jamais été facile.

Moi : Bonjour, tu as bien dormi ? demandé-je gentiment

Mam's : Tu rentres quand ?

Je fais une petite grimace, du fait qu'elle a complètement et superbement ignoré ma question, pourtant sympathique. C'est à ce moment que je remarque qu'elle n'a pas forcément envie que je reparte. Je la regarde me dépassé pour prendre un verre et se servir un jus. Elle ne s'arrête pas une seconde pour me regarder. C'est à peine si elle l'a fait quand je suis arrivée, on aurait dit qu'elle ne pouvait pas le faire, que j'étais devenue une simple inconnue.

Moi : Maman, tu veux bien arrêter cinq minutes, soupiré-je durement

Mais elle ne semble pas m'écouter puisqu'elle installe une casserole sur les plaques et verse du lait à l'intérieur. Elle fait exprès d'avoir quelque chose à faire pour ne pas me regarder.

Moi : Maman, écoute-moi s'il te plait...

Elle s'entête à mettre la table, ce qui est un peu tôt je trouve. Je lève les yeux au ciel, sentant l'agacement qui monte progressivement en moi. Je tente de l'appeler plusieurs fois avant d'élever la voix, pour ne pas dire que je hurle :

Moi : Maintenant ça suffit ! Regarde-moi putain !

Elle sursaute et lâche les couverts qui tombent bruyamment sur le carrelage de la cuisine. Je peux entendre mon père grogner sur le canapé, qui dort encore. On va finir par le réveiller avec toute cette mascarade.

Ma mère soupire et se baisse pour ramasser les couverts et je l'aide. Mais une fois que je suis accroupie et que je commence à prendre une fourchette, je remarque des larmes silencieuses sur ses joues roses. Cette vision me déchire le cœur et j'ai l'impression qu'on me donne des coups dans le ventre. C'est une image que j'aurais aimé oublier.

Moi : Parle-moi, je t'en supplie. Dis-moi ce qu'il t'arrive pour que tu te comportes comme ça avec moi, supplié-je

Elle se relève et dépose les couverts sur la table. Je me redresse à mon tour et nous nous faisons face. D'un coup, elle fonce dans mes bras et je reste d'abord de marbre, totalement prise au dépourvu. Jamais ma mère n'avait montré pareille affection à mon égard. Mes bras restent mous, le long de mon corps et je dois me faire violence pour venir les entourer autour du corps de ma mère. Je n'en reviens tout simplement pas.

Mam's : Tu me manques tellement Cara, avoue-t-elle, tu n'imagines même pas...

Ça alors ! Je me reprends et la resserre fort contre moi. Je sens ma gorge se nouer, contrastant avec l'immense bonheur qui me submerge. En vingt-et-un ans d'existence, j'assiste tout juste aux rares marques d'affection de ma mère. J'ai les souvenirs de mon enfance qui me revienne, quand ma mère était dure avec moi, qu'elle me poussait toujours à mon maximum. Mais j'ai appris qu'elle avait fait toutes ces choses pour que je devienne une femme forte et autonome. Je ne sais pas vraiment si elle a réussis.

Au détour d'un trainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant