Cœur de flamme (Tome 2)

Jeux dangereux -Première partie

PDV Ecclésia

Des rais de lumière s'engouffrent à l'intérieur du cabanon, transportant la clarté de l'après-midi jusqu'au lit de Genesis. Ce-dernier dort à poings fermés, intact de la tête aux pieds. J'ai en effet eu recours à la Lumière afin de guérir ses blessures. Le bien-être qui accompagne les soins Lumineux l'a progressivement poussé dans les bras de Morphée. Mais peut-être se sert-il de sa somnolence pour fuir l'embarras.

Alicante a publiquement démontré son affection pour moi. Au milieu d'une armée d'Obscurs sanguinaires. Il y a peu, ces mêmes dieux effilochaient leurs cordes vocales dans le but d'acclamer leur meurtrier de Prince. Désormais, ils chuchotent, grimacent, jurent dès lors que leurs prunelles noires croisent le bleu des miennes.

A la fin du baiser, je peux affirmer que quatre moucherons se déplaçaient au-dessus de l'assemblée stupéfaite. Leurs regards se sont tout d'abord scotchés à Alicante. Puis, sitôt l'Altesse partie, les cous ont pivoté à l'unanimité vers moi, la Lumineuse. Et parmi le lot des ahuris, se trouvait Genesis.

Mon doigt trace une courbe le long de sa tempe avant de finir sa course sur son menton, où repousse sa barbe blonde.

Je comprends son sentiment d'injustice, vis-à-vis de ma relation avec Alicante.

Lui m'a presque toujours soutenue, jamais Alicante. Lui a toujours répondu présent pour moi, pas Alicante. Lui m'a le plus souvent prêté une oreille attentive, certainement pas Alicante.

Je soupire puis pose ma tête sur son épaule. Il est chaud et son souffle est régulier... apaisant. Pour ma santé mentale, j'ai besoin de stabilité. Une Lumineuse, par définition hypersensible aux émotions négatives, a besoin d'une source de bonheur immuable. D'un pilier sur lequel compter, envers et contre tout. Respect, attention et abandon de soi sont de rigueur. Des éléments que Genesis pourrait m'offrir. Mais je ne peux pas considérer le fidèle soigneur comme un vulgaire plan B. C'est indécent, irrespectueux. Et je n'ai plus aucune idée de ce qui se trame dans le crâne d'Alicante.

— Où est Ecclésia ?

Je me dresse comme un ressort. À l'extérieur, la réponse fluette de l'interlocuteur du Prince me parvient sous forme de murmure.

— Hausse d'un ton, je ne comprends pas un traître mot de ce que tu baragouines, s'agace-t-il. Lumineuse aux cheveux bleus ? embraye-t-il, si bien que je devine qu'il vient d'intercepter une autre personne.

J'imagine l'inconnu secouer la tête, puisqu'il ne dit rien.

— J'étais de bonne humeur, déclare-t-il, déçu. Vos commérages portent quasiment tous sur le contact qu'elle et moi avons échangé, et aucun de vous ne serait capable de m'indiquer sa position ? Avez-vous une idée de ce que j'ai tendance à faire, lorsque je suis irrité ?

J'ouvre la porte de la cabane à la volée, les poussant tous les trois à me regarder.

— Ah, vous voilà !

Les deux autres profitent de son désintérêt à leur égard pour détaler.

Un immense sourire fend son visage harmonieux. J'en reste un instant coite, transportée de joie, quoiqu'un brin perplexe. En suis-je la raison ? Est-il content de me voir ? Ne sois pas si naïve ! Il s'agit d'Alicante ! me sermonne ma raison. Toutefois, moi qui m'attendais à un évitement méticuleux de sa part, en raison de la honte qui pourrait découler du baiser, me voilà douchée.

Je dévale les escaliers en une fraction de seconde et atterris devant lui, munie d'un sourire presque aussi large que le sien. Mais la lueur enfantine qui transperce le brouillard opaque de ses yeux me prend de court. Il a l'air ravi, j'irai même jusqu'à le qualifier d'heureux. Ses bras se mettent à se balancer et ses pieds à sautiller sur place.