PDV ALICANTE
Je reconnais bien là l'œuvre de Genesis. L'invocation du statisme instantané était un coup de maître. Il s'est contenté de les immobiliser, si bien que, n'étant plus capables de prendre la fuite, les petits protégés d'Ecclésia ont atteint un stade de vulnérabilité fatal. Tandis que moi, eh bien, je me chargeais de donner tout son sens au mot "fatal". Evidemment, il avait toujours bon dos.
Il a toujours fait en sorte de se plier aux convenances de ceux qu'il souhaite séduire. De piétiner son honneur d'Obscur, et de se glisser dans la peau de celui qui correspondra aux goûts de celle qu'il désire. Il faut dire que sa faiblesse de Soigneur est un excellent atout, dans ces cas-là. Empathique, compassionnel, adorable... Il n'a presque pas à feindre son affection pour elle, parce qu'il doit certainement en couver une véritable.
Je ne me souviens même plus de la dernière fois où il a pleinement laissé sa personnalité s'exprimer. A vrai dire, je me demande s'il ne s'est pas perdu lui-même en cours de route, à force de se mouler aux préférences de telle femelle, de tel chef ou de tels alliés.
Mais le fait qu'il use de son pouvoir psychique bien plus qu'il ne le devrait, ne lui a jusqu'à présent jamais fait défaut. Car, là encore, il est parvenu à remporter la partie : je ne devais plus tuer d'Humains, pourtant, me voilà imbibé de leur sang jusqu'aux os.
J'ai été contraint d'outrepasser les exigences de la Déesse.
Genesis, quant à lui, n'a pas levé le petit doigt pour éliminer les poursuivants d'Ecclésia... Si ce ne sont ses paumes, pour les immobiliser.
Il m'a tendu le bâton pour me faire battre.
Mon arc se brise dans ma paume.
Peut-être existait-il d'autres solutions. Officiellement, Genesis ne m'a pas fourré de hache dans le dos pour me forcer à les détruire. A admirer l'hémoglobine gicler sur mes cadavres, à sentir son délicieux fumet de rouille embaumer l'air, à entendre leurs hurlements terrifiés ou leur gémissements d'agonie... Je ferme un instant les paupières, transporté par la passion des derniers instants. Peut-être aurais-je pu éviter le massacre, peut-être... mais si les Humains ont pour réflexe de fuir le danger, moi, je le brave à coups de glaive, d'épée et de flèches assassines.
Je suis né pour tuer. Mes réflexes sont mortels. Mes envies sont mortelles. Mon addiction est mortelle. Hostilité égale combat. Combat égale mort. Ces équations sont intégrées à mon patrimoine génétique. Comment parviendrais-je à résister à la possibilité, non, au besoin, d'ôter la vie des impudents ? Suis-je seulement capable d'ignorer l'appel tentateur de la Mort ?
Suis-je assez perverti par Ecclésia pour fermer les yeux sur une nouvelle promesse d'extase ? Riche en sang, en supplication et déchirement de chair juteuse...
Un frisson me caresse la nuque.
Il m'a tendu une carotte empoisonnée, dans laquelle j'ai mordu à pleine dents.
Mon corps s'échauffe.
J'évacue le surplus de fumée en battant des ailes. Genesis ne s'est pas arrêté en si bon chemin, il lui a aussi fourni une raison supplémentaire de m'en vouloir. Le rapace a en effet propagé l'épaisse fumée d'un feu sur le groupe d'humains, de sorte à démontrer que l'on pouvait les affaiblir bien moins radicalement qu'une flèche fichée dans l'œil.
"Tu aurais pu attendre leurs toussotements, puis prendre le temps de les ligoter. Entre autres", m'a-t-il annoncé, alors que j'en tuais trois autres de mes mains.
Le brouillard noir roule sur les pavés avant de se disperser.
J'atterris en souplesse, sans me soucier des corps qui jonchent le sol. Mon pied se prend dans un fusil. Intrigué, je ne peux résister à l'envie d'observer l'engin de plus près. Cette arme est fascinante. Et d'après ce que les derniers Obscurs envoyés sur Terre m'ont renseigné, il y a peu, les Humains n'utilisent désormais plus que des balles d'argent. Il nous est cependant impossible de déterminer la façon dont ils ont pris connaissance de leur efficacité. L'argent permet de blesser un dieu, voire même de tuer un Lumineux aussi facilement qu'on élimine une biche.
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Cœur de flamme (Tome 2)
Fantasy/!\ Ceci est un tome 2, je vous conseille donc fortement de lire le premier tome intitulé "Cœur de fer", si vous souhaitez éviter d'être largué(e) ! /!\ *** Absurde, ridicule, naïf... une multitude d'adjectifs peu glorieux se bousculent dans la tête...