Comme la pierre

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PDV Alicante

Recroquevillée sur elle-même, la Déesse de l'Amour appuie son corps contre le mien. Nous sommes assis sur la berge ensoleillée, face au fleuve. En sous-vêtements.

Ecclésia somnole. Sa peau absorbe la lumière d'une telle façon qu'elle paraît satinée. Le tableau est innocent. Les pans nus de son corps le sont moins.

Je peux produire du feu, voler d'un pays à un autre, décimer nombre d'ennemis en période de conflit, et manifestement gérer ma frustration sexuelle avec brio. Une prouesse à ajouter à l'interminable liste de mes exploits. J'ose espérer que les générations à venir se souviendront du contrôle impensable de mon second cerveau comme d'une épopée mythique.

Il a vaincu ses hormones.

Aussi tendu que la corde d'un arc, les dents assez serrées pour les faire crisser, je m'efforce de fixer l'horizon depuis près d'une heure et demie. Il fait encore bon, le climat tempéré assèche nos vêtements bon marché.

Je suis invincible, mais sale.

Mon regard se pose sur le boxer autrefois trempé par l'eau du fleuve, puis sur le tee-shirt et le pantalon secs.

— Nous avons besoin d'autres vêtements.

Il faut surtout vous rhabiller.

— Hm ? marmonne-t-elle en relevant la tête, exposant ses yeux à la lumière.

Ecclésia cille afin d'améliorer sa vue.

— J'ai besoin de nouveaux vêtements, ceux-ci ne font plus faire l'affaire.

— Ah, bien. Allons en chercher en ville, avant que les autres ne se décident à nous tenir compagnie.

J'acquiesce à l'aide d'un hochement de tête revêche et fais mon possible pour me vêtir dos à la déesse, à l'exact opposé de sa beauté tentatrice. En se relevant, elle dépose un baiser à la base de ma nuque. Ce simple contact hérisse les poils de mes bras avec la force d'un blizzard. Je réprime un frisson, termine de lisser mon tee-shirt du plat de mes mains et me lève à mon tour. Habillée, Ecclésia se plante devant moi.

— Plus personne n'en veut à personne.

Sa phrase prend davantage le ton d'une question que celui d'une affirmation. J'effleure son front avec mon index en guise de réponse. Butée, la divinité attend que je termine pour hausser un sourcil.

— Libre à vous de décider ce qu'il adviendra du faiblard, verbalisé-je contre mon gré. C'est... votre corps.

— Merci de le reconnaître. Mais... ?

— Mais faites-vous à l'idée que le temps des alliances est révolu.

— J'imagine que je n'obtiendrai pas mieux de votre part.

L'expression de mon visage doit en dit long, puisqu'elle expire de lassitude.

Dans la ville, les pensées d'Ecclésia fourmillent en arrière-plan des miennes, bourdonnement confus étonnamment proche du chuchotis. Il me suffit d'y prêter une attention particulière pour parvenir à disséquer ses réflexions.

Sur l'instant, elle est psychiquement là. Ses sensations, ses impressions et critiques n'ont aucun secret pour moi.

Ecclésia glisse une main dans l'une des miennes. Nous arpentons le centre-ville désert, désormais liés physiquement et spirituellement. Sans Genesis, sans Kyra, sans Armorie... sans parasites. Lorsque ses yeux croisent les miens, je comprends que mes analyses mentales ne sont pas tombées dans l'oreille d'une sourde.

Cœur de flamme (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant