Cœur de flamme (Tome 2)

Folie terre à terre

PDV Ecclésia

Trahison. Déception. Colère.

La mélopée qui excite mes pensées et sentiments n'a de cesse de hurler sur la scène de mes émotions.

Trahison. Déception. Colère.

Leitmotiv incompréhensible qui influence ma manière d'être et d'agir. Je ne suis plus qu'une boule de nerfs Obscure depuis que Genesis, Icanée et moi avons passé la porte du motel. Parfois, l'une des émotions prend le dessus sur les deux autres, qui se démènent pour s'imposer. Un cocktail étourdissant qui me confère des allures d'alcoolique.

— Non, soufflé-je pour la énième fois, en passant une main lourde sur mon visage.

Comme si ce simple geste allait me laver de mes tourments... D'autant qu'une terrible sensation de manque me perce la poitrine par à-coups.

— Allez, quoi ! insiste Icanée.

— J'ai dit non. La carte ? ajouté-je sèchement à l'attention de Genesis.

Nous marchons dans un espace encadré par quatre grands immeubles. Le silence est à l'honneur, si bien que nos pas me font l'effet de marteaux percutant une lignée d'enclumes.

— T'es super chiante ! bougonne-t-elle en me jetant un regard glacial. Bon, je commence, insiste-t-elle.

Icanée trottine vers l'aire de jeu délimitée par des grillages. J'observe d'un œil mauvais la petite rousse se précipiter vers les infrastructures pour enfants humains. Ces cheveux flamboyants tranchent avec le noir corbeau de sa petite robe, trouvée à l'hôtel.

Toboggan, bac-à-sable, balançoire et cabanon en plastique l'accueillent à bras ouverts.

— Est-ce à moi que tu t'adresses ?

Mes pieds s'arrêtent net. Tendue comme un arc, je serre les poings et prends sur moi pour éviter d'en faire usage, avant de me tourner vers le Soigneur. Genesis a l'apparence trop sereine pour refléter ses véritables pensées et les lèvres trop pressées pour ne pas trahir son agacement.

— Ne me cherche pas de noises, ce n'est vraiment pas le moment, susurré-je entre mes dents serrées.

— Ecclésia ! me hèle Icanée, sa voix de gamine suraiguë s'élevant dans le quartier. Je t'attends !

J'appuie deux doigts sur mes tempes, dans l'espoir ambitieux d'apaiser mon pseudo mal de tête.

— Es-tu... malade ? souffle Genesis.

Je redresse assez le menton pour pouvoir le fusiller du regard.

— Si ce n'est pas le cas, je cherche encore à comprendre pourquoi tu t'adresses à moi de cette façon.

J'inspire tandis qu'une nouvelle salve de déception me submerge, aussitôt rattrapée par une vague de colère. Remous inexplicables. J'ai envie de frapper. Sans aucune raison valable.

— Je devrais sûrement être désolée, murmuré-je, foudroyée par un éclair de raison.

Bref, très bref.

L'Obscurité n'a jamais fait obstacle au respect que nous nous vouons mutuellement. D'aussi loin que je me souvienne, Genesis et moi avons quasiment toujours été proches. Pourtant, à cet instant, sa voix m'énerve, sa présence m'exaspère et j'ai la fervente impression d'avoir été trahie.

— Et si tu m'expliquais ?

Colère.

— Et si tu me foutais la paix ? m'emporté-je.

Icanée cesse subitement de sauter sur place pour tenter d'attirer mon attention. Deux paires d'yeux se mettent alors à me fixer, surprises. Très surprises.