La guerre des estomacs

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PDV Ecclésia

Kyra et Evan ont déniché une voiture familiale qui nous a conduits jusqu'ici : en bordure d'une grande ville Française, devant une forêt de bâtiments baroques. Les rues sont jonchées de vieux mégots et de détritus nauséabonds. En hauteur, sous la couverture nuageuse, prospère une horde de pigeons affamés. Nous sommes plongés dans le noir quasi total. Total, s'il n'y avait pas eu cette poignée de lampadaires esseulés.

À première vue, il n'y a pas âme qui vive. Seuls quelques sacs se déplacent sur le bitume au gré du vent, animant la ville fantôme.

-Peut-on savoir ce qu'elle fiche ? crache Kyra.

Au milieu d'une large avenue, devant notre voiture, je me retourne pour la toiser. Les autres membres de l'escouade retirent leurs armes du coffre, préoccupés par les événements à venir.

-Je prends connaissance des lieux.

-Génial, Dora l'Exploratrice, rétorque-t-elle en retenant le haut du coffre ouvert. Si tu pouvais te magner...

Alicante, qui vient de sangler son fusil à son torse, se penche pour récupérer ma mitrailleuse et me la tendre.

-Merci.

Nous avons passé le reste du vol soudés : ma joue contre son épaule et sa tête sur la mienne. Le regard de Kyra nous aurait perforé le crâne s'il avait duré une minute de plus ; Armorie et Genesis semblaient incapables de refermer leurs bouches, et j'avais clairement cru que les yeux d'Icanée rouleraient hors de leurs orbites lorsqu'Alicante m'a aidée à descendre les escaliers de l'avion alors que rien ne menaçait à l'horizon. Au pire, une torsion de la cheville... si j'étais devenue la maladresse personnifiée.

Non, il n'a pas perdu de pari, Icanée, avais-je répondu à sa question.

Alicante plante ses yeux dans les miens, incertains. Il s'aventure dans un domaine qui lui est étranger, où ses envies cohabitent avec les miennes et où il se doit de s'ouvrir à moi.

S'adonner aux nuances des sentiments et des gestes. Découvrir qu'une main de fer peut s'envelopper d'un gant de velours. Apprendre qu'un cœur, même froid, peut servir de réceptacle à l'Amour.

Il esquisse un sourire mal assuré, avant de refermer le coffre d'un coup sec. La voiture bondit sur place. Je passe la lanière en cuir au-dessus de ma tête puis cale l'arme entre mes omoplates. À nos pieds, plus précisément collé à la jambe d'Alicante, le canidé glapit.

-Ces choses-là sont extrêmement collantes... marmonne-t-il.

Avec un sourire, je me baisse pour caresser la tête du chien. La salive qui dégouline de sa gueule surdimensionnée atomise un caillou. Au contact de mes doigts, l'animal découvre sa dentition. Ses crocs acérés luisent à la lueur d'un lampadaire.

Une fois dressé, ce chien sera une véritable bête de combat.

-Assis ! ordonné-je.

Sans surprise, l'animal m'ignore. Alicante hausse les sourcils avec un air de défi et se tourne vers le chien.

-Assis, répète le Prince.

Le chien obéit.

Une bête de combat, oui, mais privatisée.

Je lui tire la langue. Il sourit.

-Il nous faut un hôtel, déclare Kyra.

La déesse trimbale sa kalachnikov par-dessus son épaule, tandis que ses jambes fuselées s'immobilisent pour nous faire face. Un bref geste de la nuque renvoie la majorité de ses cheveux dans son dos, semant un parfum enivrant tout autour d'elle. Et comme s'il s'agissait d'une milliardaire qui jetterait des liasses de billets en l'air, Evan s'approche instinctivement dans l'espoir de humer les fragrances qui émanent de sa peau.

Cœur de flamme (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant