PDV ALICANTE
Je finis la matinée au pied d'un mur, à attendre que le temps passe. Quelques hommes me gardent à l'œil – ce qui est assez risible, étant donné qu'ils frôlent la crise cardiaque à mon approche et prennent la fuite dès que mes yeux ont le malheur de se poser sur eux.
Je bascule ma tête en arrière, las.
L'avantage de l'ennui, c'est qu'il oblige à faire le point sur soi-même. J'ai ainsi le loisir de rembobiner le fil de mes actes, et de me rendre compte d'un fait intriguant : j'ai sans doute tué autant d'humains que d'insectes, depuis ma naissance.
Hum.
Il me paraît sur le coup important de souligner l'indiscutable sagesse dont je fais preuve en m'isolant sciemment. Les prochaines crises cardiaques ne seront plus à mettre sur le compte de mes talents d'acteur.
J'expire un filet d'air, gangrené par l'ennui.
Les Humains qui logent dans ce dépotoir sont peu agressifs, a contrario de ceux qui arpentent les rues délabrées. Je n'ai par conséquent plus aucune raison de les transpercer... si ce n'est pour le compte de mon bon plaisir, évidemment. A cette pensée, je me mets à jouer avec la pointe acérée d'une flèche souillée. Il s'agit là d'un désir que je tâcherai de contenir au maximum, car Ecclésia me fuit comme la peste.
Justement, celle-ci s'avère en grande discussion avec Genesis et l'humain armé. Evan, il me semble. Une curieuse coiffure, une paire de lunettes de soleil perchée sur le nez, des vêtements difformes, quel drôle de créature est-ce là ? L'engin sanglé autour de son buste lui permet de compenser sa frêle corpulence d'adolescent. Il suffit en effet d'un coup d'œil global pour remarquer son statut privilégié. A l'instar d'un sceptre, l'arme exerce un pouvoir tacite sur ses congénères.
Le petit comité converse à l'écart des oreilles indiscrètes, assis par terre, aux abords du même mur que le mien. Lorsqu'Evan prend congé des deux dieux, ceux-ci entament une nouvelle discussion. Il n'est d'ailleurs pas rare qu'entre deux éclats de rire, une petite tape s'abatte sur une épaule, un bras ou une cuisse.
Ecclésia semble combattre le pessimisme aux côtés de l'amitié si tentante que lui propose Genesis. Lui qui a toujours su séduire son interlocuteur.
Une bouffée de pure Jalousie m'envahit. Je tourne la tête, rageur, et tombe sur deux Humains enlacés, soudés l'un à l'autre.
Est-ce de cette façon que des âmes-sœurs doivent se comporter ? Se caresser, s'adresser des œillades appuyées, se susurrer une ribambelle de mots niais à l'oreille et produire d'atroces bruitages buccaux ?
Un nouveau rire retentit et je sens mes muscles se crisper. Depuis nos naissances respectives, nous avons toujours été rivaux. Mais cela s'est surtout remarqué dès ma libération, lorsque j'ai commencé à évoluer en communauté. Dans les premiers temps, j'étais asocial, craintif, à peine compréhensible. Il fallait que je m'habitue à la lumière, au regard des autres et à tout ce qui régit un monde d'êtres communicants. Genesis prenait inéluctablement l'avantage, creusant un peu plus le gouffre qui nous séparait. Seulement, un jour, Icanée faillit trépasser. C'est à partir de cet instant que j'ai enfin pu quitter son ombre, m'autoriser à croire en ma puissance et forcer les autres à la reconnaître.
Non, je n'étais pas ce parasite tenace, j'étais le Prince Obscur, fils du Roi Obscur.
Et j'étais puissant.
Il avait gagné la reconnaissance de Père, profitant du dégoût que je lui inspirais. Il avait charmé les femelles qui se risquaient à m'approcher, profitant de mon manque de savoir-vivre. Il m'avait vaincu bon nombre de fois, profitant de l'inexpérience due à ma séquestration. Et le voilà qui s'approprie Ecclésia, profitant de mon indécrottable personnalité. Ce contre quoi que je ne pourrai jamais lutter.
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Cœur de flamme (Tome 2)
Fantasy/!\ Ceci est un tome 2, je vous conseille donc fortement de lire le premier tome intitulé "Cœur de fer", si vous souhaitez éviter d'être largué(e) ! /!\ *** Absurde, ridicule, naïf... une multitude d'adjectifs peu glorieux se bousculent dans la tête...