PDV ECCLESIA
« Faites-en la sérologie. Faites-en la sérologie, Simons ! ».
La voix transperce les défenses que dresse la morphine, comme le scalpel tranche ma peau ouverte de toutes parts. Je me tends violemment.
Des ombres flous s'agitent dans cl'espace éclairé. Bip. Bip. Bip, hurle le moniteur qui témoigne de mes palpitations. Des formes abstraites se penchent au-dessus de moi, rapides : ballet terrifiant dans lequel mes morceaux d'organes ont le premier rôle.
« Nous avons épuisé notre stock de morphine quotidien ».
Et, parfois, la morphine vient à manquer.
« Bilan hépatique effectué, Docteur, nous pouvons passer à l'étude de la fonction rénale ». « Mettez-les en culture ». « Prélevez quelques cellules du myocarde ». « Que donnent les examens cytobactériologiques des urines ? La coproculture ? ».
Des phrases perçues à la volée, des successions de termes scientifiques servant en justifier les tortures infligées à mon corps.
« Ecclésia, je suis là ».
Mais qui est là ? Sortez de ma tête ! Sortez-y immédiatement !
Les Hommes ne maîtrisent pas la télépathie. Ils ne le peuvent pas. Impossible. Je l'aurais su. Impossible. Ils ne le peuvent pas. Incapables. Ils en sont incapables. Oui, impossible.
« L'ECE correspond aux valeurs de la veille ». « L'ECG affiche de mauvais résultats ». « Injection d'adrénaline ». « Bradycardie, bon dieu ! ». « Électrochocs ! ». « Un. Deux. Trois, le cobaye nous quitte ! Quatre...
Le compte s'estompe en flou auditif.
« Tout va bien. Vous êtes en sécurité, maintenant ».
On éparpille mon corps dans quantité d'éprouvettes, boîtes de pétri, entre deux lamelles ou tiges de fer formant une fine pincette. Comment est-ce que tout pourrait bien aller ?
...trente ».
« Acharnement, vous dites ? N'est-ce pas au nom de la science que nous agissons ainsi, Simons ? L'éthique a-t-elle le pouvoir de nous délivrer du Mal ? Vous êtes viré ».
« Bien, chère Déesse, cela pourrait faire un peu mal... »
Le hurlement qui suit me parcourt tout entière, s'efforçant d'expulser le mal qui s'infiltre par ma cage thoracique et termine son tracé infernal à mon nombril. Mes pieds se heurtent aux chariots alentours tandis que je m'époumone, impuissante. Soudain, des bras chauds ceinturent ma taille. Ils atteignent une température telle que je me réveille en sursaut.
J'ouvre les yeux sur une fenêtre dont l'encadrement est assez large pour y tenir assise. Dans mon dos, les bras brûlants et musculeux qui m'ont tiré du sommeil se resserrent autour de ma taille. Leur propriétaire est lui aussi assis au bord de la fenêtre. Il fait nuire noire, dehors. Un bref coup d'œil à la vitre me renvoie le reflet des yeux enflammés d'Alicante. Deux flammes brûlant d'un feu de rage et de culpabilité à peine maîtrisé.
- Tout va bien, répète-t-il à voix haute.
Maintenant qu'il le dit, lui, je le crois. En effet, tout va bien. Son visage à la beauté farouche me dévisage par le biais de la vitre. Il passe un pouce sur mes joues pour en écraser les larmes. Un sillon rose suit le tracé de son doigt, trop brusque sur ma peau. Il est hors de lui.
Sans un mot, le Prince Obscur replace le drap dans lequel je suis enroulée autour de mon corps nu. Mes joues en auraient rougi de pudeur, si je ne sortais pas tout juste d'une séance de tortures scientifiques. La joie et le soulagement que me procure sa présence éclipse tout le reste. J'inspire l'air pur.
La lune est pleine, ce soir. Sa lumière éclaire la chambre simple dans laquelle nous nous trouvons. Je me détends, reposant ma tête au creux de son cou. Sa peau tiédit contre la mienne. Et alors que les souvenirs traumatiques passent du hurlement au murmure, je ressens cette attirance insensée crépiter au contact d'Alicante. Mon souffle se dégrade, mes poils se dressent sur ma peau, tandis que mon cœur s'agite et s'alourdit, se nourrissant frénétiquement de la présence de sa moitié. Comme un drogué en manque. Visiblement sur la même longueur d'onde, Alicante renforce sa prise autour de moi. J'aurais beau détenir tous les pouvoirs du monde, il me serait bien impossible de me libérer de son emprise. Si je le voulais.
Puis des flashs, à nouveau. Je me contracte.
- Ecclésia ? souffle-t-il, perplexe.
Une blouse. Deux blouses. Des lunettes brillantes. Un morceau de chair rose baigné de sang. Des lignées d'éprouvettes. Un masque. Trois masques. Des seringues.
Mais il a dit « Ecclésia », pas « cobaye ». Je suis libre, à présent. Alicante découvre une épaule pour me la mordiller.
- Je suis désolé de ne pas avoir pu vous venir en aide.
Je fronce les sourcils. Son soupir soulève mes cheveux, en partie humides, qui tapissent son torse. Des cheveux dépourvus de nœuds, de sang, de saleté en elle-même. Je réalise alors que ma peau sent le savon, ma chevelure le shampoing. Et les siens aussi.
- Vous étiez couverte de sang séché, s'explique-t-il. Certaines de vos blessures avaient du mal à cicatriser, à cause de quelques particules nichées à l'intérieur.
Des questions jaillissent en bloc : Pourquoi dites-vous ne pas m'être venue en aide ? Que s'est-il passé pour que je passe du chaos au paradis en si peu de temps ? Pourquoi sommes-nous seuls ? Où sont les autres ? Mais la main ferme qu'il presse sur ma hanche embrouille le fil de mes questions.
- Pas ce soir. Plus tard, les explications.
La souffrance qui perce dans sa voix me pousse à me retourner pour observer ses traits crispés. Ride entre les yeux, lèvres pincées. Derrière les mèches noir charbon qui pendent sur son front, il se perd dans la contemplation de la nuit Terrienne. Lorsque ses yeux hargneux s'accrochent aux miens, nos émotions s'entremêlent pour ne former qu'un. Une unité violente et... délicieuse qui ne fait qu'accentuer son mal-être. La toxicité du Mal suinte par tous ses pores de fils du Roi Obscur... Pourtant, en dépit du feu intimidant de ses iris, du dessin de ses muscles sous sa peau hâlée, de cette beauté sauvage qui n'a été créée que pour mieux pervertir, la Lumière d'Alicante n'a jamais été aussi palpable. Il s'en veut. Parce qu'il m'aime. Et je sais, au plus profond de moi, qu'il donnerait sa vie pour faire machine arrière et empêcher que je vive ce que j'ai enduré ces derniers jours. Sans la moindre hésitation. Mon cœur s'emballe et gonfle un peu plus à cette pensée. J'attrape son tee-shirt et le lui retire. Il m'observe faire, en silence, sans me quitter des yeux. D'un geste sûr, je pose mes mains sur son torse nu, les fais glisser en direction de son bas-ventre tandis que mes draps tombent autour de ma taille. Sa respiration se hache à mesure que je me rapproche de son entre-jambe et ses yeux s'assombrissent sous l'effet du désir qui nous tenaille avec une toute-puissance quasi divine.
- Et dire que vous aviez juré vos grands dieux que je ne poserai jamais la main sur vous, ahane-t-il.
- De l'eau a coulé sous les ponts.
Il esquisse un sourire. Je déboutonne son pantalon, ouvre lentement sa braguette, tandis qu'il serre les poings.
- Qu'a-t-on fait de vous, si prude et rougissante Lumineuse ?
- Cette Lumineuse-là a été immolée par son désir pour vous.
Il se redresse pour m'attraper par les hanches et m'asseoir brusquement sur la preuve inéluctable de la réciprocité de ce désir. Nos nez se touchent. Nos respirations fusionnent. Je fourre mes doigts dans ses cheveux en bataille, le corps en feu.
- Je ne vous laisserai plus jamais m'échapper, souffle-t-il sous le sceau de la promesse.
- Je ne demande que cela.
Alors, le Prince Obscur s'applique la majeure partie de la nuit à me le prouver de la façon la plus fusionnelle qui soit.
***
ENFIIIIN ! Oui, même moi, je le conçois... ça a été long mdr
Bon week-end :)
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Cœur de flamme (Tome 2)
Fantasy/!\ Ceci est un tome 2, je vous conseille donc fortement de lire le premier tome intitulé "Cœur de fer", si vous souhaitez éviter d'être largué(e) ! /!\ *** Absurde, ridicule, naïf... une multitude d'adjectifs peu glorieux se bousculent dans la tête...