Chapitre 6 - Cœur perturbé

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Le lendemain fut atroce. Françoise n'arrêta pas de me réprimander sur tel ou tel article qui n'était pas rangé convenablement. Je pense que la démission de Clarice lui avait fait un choc. Et maintenant, c'est moi qui prenais toutes ses jérémiades.

La plupart de ses paroles ma caressèrent sans plus. Pendant toute la journée, je repensai à Clarice. Au fait qu'elle m'aimait. Je me sentais tellement coupable de n'avoir rien vu. Je passais toutes mes journées avec elle, et pourtant j'étais aveugle de ses sentiments pour moi.

Comment ? Je ne le savais toujours pas, même en passant les scènes dans ma tête.

Pourquoi elle ne m'avait rien dit ? Je ne pensais pas être si étroite d'esprit pour ne pas accepter au moins d'entendre la portée de ses sentiments. Ou peut-être l'étais-je...

Tu sembles forte pour tenir le coup, mais moi je ne suis pas comme toi.

Ses paroles avant son départ me revinrent en mémoire. Forte, moi ? J'en avais toujours douté, mais c'était apparemment comme ça qu'elle me voyait.

En marchant dans la rue, je pris mon portable et vis son numéro dans mes contacts. Devais-je l'appeler ? Mais pour lui dire quoi ? Que j'étais désolée de ne pas partager ses sentiments ou que j'étais désolée de ne pas m'en être rendu compte plus tôt ? Mais qu'est-ce que cela changerait ? Je n'étais pas amoureuse d'elle. En l'appelant, je ne ferais que la briser encore plus.

Mes yeux piquèrent de larmes que je tentais de contenir tandis que j'accélérai le pas vers mon appartement. C'était le seul endroit où je me sentais en sécurité. Contre qui ? Les gens, les sentiments, la vie. C'était tellement stupide de penser que ces murs pouvaient me protéger de ma propre souffrance. Au contraire, c'était un récipient qui ne faisait que les contenir.

Chacune de mes larmes, chacun de mes cris, chacune des blessures de mon coeur se trouvaient logés entre ces murs.

Je poussai la porte d'entrée de mon appartement et lançai les clés dans le petit panier.

« Je suis rentrée !

– J'ai fait les courses, me répondit la voix de Mathieu qui me fit sourire.

– Merci, t'es génial, envoyai-je en l'aidant à ranger ce que contenaient les derniers sacs.

– ça va ?

– Assez, oui. Pourquoi ?

– Hmm, pour rien, souffla-t-il en me regardant dans les yeux d'un air pénétrant qui me mettait mal à l'aise. Hugo, Sarah et Paul viennent demain. Ça ne te dérange pas ?

– Non, ça fait longtemps qu'ils n'étaient pas venus par ici. La dernière fois c'était pour me souhaiter la bienvenue. »

Il n'en dit pas plus sur leur venue, et cela m'intriguait. Mais il prépara son repas tandis que je ne bus que de la soupe. Assis autour de la table, il commença à parler de deux nouveaux patients et de la nouvelle aide-soignante qui se montrait collante. Soudain, il devint silencieux. Son regard était planté dans le mien comme s'il attendait que je dise quelque chose.

« Euh... d'accord. »

Ma réponse fut pitoyable, et son soupir me fit comprendre qu'il souhaitait d'autres mots. Je le fixai avec interrogation. D'un coup, il sourit et me fit une bise sur le front avant de partir dans sa chambre. Complètement déboussolée, je regardai son dos disparaître derrière la porte, ne comprenant rien à sa réaction.

Je soupirai avant de faire la vaisselle puis m'assis sur le canapé en zappant les chaînes. Je restai à regarder un film jusqu'à ce qu'il finisse, mais mes pensées divaguèrent souvent vers Mathieu qui me semblait perturbé. Je savais qu'il voulait me dire quelque chose ou au moins me faire comprendre quelque chose, mais idiote que j'étais, je n'avais rien compris. Je soupirai une énième fois avant d'aller me coucher vers minuit sachant que je ne travaillais pas demain, et Mathieu non plus.

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