Chapitre 11 - Cœur s'ouvre

505 80 15
                                    


Le lendemain, le réveil sonna. Je soupirai avant de l'arrêter. J'étais toujours sur le canapé, mais avec une couverture sur moi. Mathieu n'était plus là, donc il avait dû aller au travail. Je m'étirai avant de me lever. Après un tour dans la cuisine et la salle de bain, j'étais prête pour partir à la boutique.

J'espérai qu'il n'y aurait pas beaucoup de clients en cette journée ensoleillée. Mais bien sûr, à peine, j'eus le temps de traverser le seuil du magasin qu'un client se faufila derrière moi. Je laissai la patronne s'occupait de lui tandis que je filais dans l'arrière-boutique pour déposer mon sac.

La matinée passa rapidement avec peu de conversations entre nous. Et le plus étrange était l'attitude de Françoise. Elle ne rouspétait pas. Elle me demandait de ranger tel ou tel vêtement à cet endroit sans hausser la voix. À la pause déjeuner, je lui demandai si tout allait bien, mais seule sa voix sèche me répondit sans explication.

« Je peux peut-être vous aider Françoise... insistai-je tandis qu'elle se dirigeait vers la porte pour sortir.

– Pourquoi voulez-vous tant m'aider ? cracha-t-elle d'un air exaspéré en se tournant vers moi.

– Parce que vous n'allez clairement pas bien.

– Je... Ma fille... Elle est à l'hôpital, souffla-t-elle en fixant le sol.

– Que lui est-il arrivé ? Ce n'est rien de grave j'espère ? »

Mes questions la firent rires. Un rire sans humour. Je fronçai des sourcils, puis elle éclata en sanglots devant moi. Elle secoua la tête tout en évitant mon regard. Je l'emmenai dans l'arrière-boutique et la forçai à s'assoir sur la seule chaise disponible.

Je lui donnai des mouchoirs et m'en allai pour fermer à clé la boutique. Une fois fait, je repartis la rejoindre et attendis un instant qu'elle me raconte la suite, mais ses lamentations continuèrent.

« C'est de ma faute... Tout est de ma faute, répéta-t-elle en se mouchant.

– Que s'est-il passé Françoise ?

– Suicide...

– Quoi ? m'exclamai-je surprise.

– Elle a tenté de se suicider ! »

Son regard colérique se planta dans le mien avant de devenir triste.

« C'est de ma faute, je n'aurais jamais dû lui crier dessus hier. J'étais seule à la boutique, et il y avait du monde... En rentrant, j'étais épuisée et trop tendue. Je... Je l'ai giflée parce qu'elle m'a répondu... Après le dîner, j'ai voulu m'excuser, mais quand je l'ai vu dans la salle de bain... »

Françoise éclata en sanglots. Je caressai son dos pour qu'elle se sente mieux, mais je savais que ça n'aurait pas changé son état. Je lui conseillai de fermer la boutique pour cette après-midi. Après hésitation, elle accepta. Je marchai avec elle dans les rues de Paris, au milieu de la foule, puis nous nous posâmes sur un banc public. Elle resta muette avec les yeux dans le vide.

« Vous savez pourquoi elle est allée à cet extrême ? demandai-je doucement.

– Parce que je suis une mauvaise mère, répondit-elle de suite, mais elle continua avant que je ne réplique. Après qu'elle soit arrivée à l'hôpital, son père est venu donc je suis rentrée. En nettoyant... sa chambre, j'ai trouvé son journal intime. Elle y a écrit à quel point je la saoulais.

– Les parents sont saoulants pour tous les ados, soufflai-je.

– Non, il y avait plus. En tournant les pages plus loin, j'ai lu que chacune de mes répliques l'énervait. Elle n'en pouvait plus de vivre avec moi. Qu'elle préférait s'en aller ailleurs. »

Un silence nous enveloppa tandis que le soleil tapait sur nos tempes.

« J'étais comme elle avant..., commençai-je dans un souffle. Je voulais m'en aller loin de mes parents. Pourtant ils n'étaient pas embêtants. J'étais assez sage comme fille. Toujours à faire ce qu'il me disait. Toujours à écouter leur parole... Et un jour, j'ai découvert que je n'étais pas comme les autres. Et ça, ma mère ne l'a pas supporté. Elle m'avait cachée. Moi, ce que j'étais. Elle avait fait en sorte que je sois parfaite à ses yeux et aux yeux des autres. Mais je ne l'étais pas, alors à chaque fois que je lui disais que j'étais asexuelle, elle me répondait que ça n'existait pas, que je disais n'importe quoi. Elle me l'a répété pendant plusieurs années que je l'ai cru au bout d'un moment.

» Et quand j'ai eu ma première relation avec un gars, déception, puis la seconde et les suivantes étaient aussi mauvaises. J'ai commencé à détester mon corps tout entier. Toutes ses remarques désobligeantes et ma confiance en moi en chute libre m'ont donné envie de me taillader les poignets. J'étais tellement énervée et désespérée que j'ai continué jusqu'à m'évanouir dans la baignoire. »

Françoise avait mis sa main devant la bouche tout en versant des larmes. Son air horrifié m'arracha un sourire.

« Après l'hôpital, ma mère n'avait pas changé. Elle a rejeté la faute sur moi. Je ne suis pas comme elle aurait voulu que je sois... J'ai quitté le domicile familial pour me prendre un logement étudiant. J'ai continué mes études dans le commerce et me voici ici. Vous ne pouvez pas réparer ce que vous avez fait ou dit, mais ce n'est pas trop tard pour essayer de l'aider. Ne l'abandonnez pas. Restez avec elle et dîtes lui qu'elle est parfaite. Je ne pense pas qu'elle ait besoin d'en entendre plus. Et ne soyez plus aussi stricts, dis-je en souriant. Au moins avec elle. En boutique, j'arrive encore à vous supporter, mais il faudrait vraiment embaucher. »

Elle hocha la tête en essayant de sourire puis nous rentrâmes chacune de notre côté. Elle partit vers le domicile de son ex-mari tandis que je me mettais à marcher le long de la Seine. Je me dirigeai vers la salle de sports où Mathieu s'entraînait d'habitude. Le revoir me ferait peut-être du bien.

Un cœur à aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant