Mathieu, habillé d'un short et d'un t-shirt, faisait tourner les têtes du groupe d'amies assises non loin de ma table. Il ne les regarda même pas et me fit un sourire parfait que je lui rendis sans cette perfection. Je ne pouvais pas nier à quel point il était beau. Les regards d'autres femmes me le répétaient sans cesse.
Depuis, j'avais l'habitude. Ce qu'elles ne savaient pas c'était qu'il se tuait tous les jours pour avoir un corps pareil. Il s'entraînait dans une salle de sport non loin de notre appartement. C'était sa passion, son truc. Et certainement pas pour avoir des filles à ces pieds, même s'il m'avait dit que ça ne le dérangeait pas non plus. Ce qui était bien normal pour un gars hétérosexuel. Enfin, je le supposais.
« Alors tu abandonnes les pizzas pour un panini ? On n'avait pas eu une discussion sur ton poids y a pas longtemps ? me taquina-t-il en entamant son repas.
– Tais-toi, arrête de me faire complexer, et puis je mange ce que tu veux !
– Bien m'dame ! dit-il en souriant. Alors de quoi voulais-tu qu'on parle ? »
Il me connaissait trop bien. Je souris tristement puis m'excusai pour mon comportement ces derniers mois. Je n'avais pas été présente pour lui alors qu'il l'avait toujours été pour moi. J'étais une amie pitoyable quand j'étais dans une relation.
« T'en fais pas pour ça ! Quand j'étais avec mon ex, j'agissais comme toi. Tu étais juste amoureuse, » me rassura-t-il en m'envoyant un clin d'œil.
Nous continuâmes de parler de tout et de rien. Des courses à faire, de qui avait le temps de le faire, des collègues infirmiers et des aides-soignantes avec qui il travaillait... Il n'aimait pas parler de ses patients, mais dès qu'un d'entre eux était dans une situation grave, il partageait ses sentiments avec moi. Et je l'écoutai avec plaisir pour le consoler.
Bien sûr, au début notre relation n'était pas si intime. Lui, me dire ses émotions était impossible, mais après le décès d'un petit garçon victime de cancer, ses larmes avaient tellement coulé qu'il n'avait pas cherché à les cacher.
Mathieu me prit des frites tout en parlant de temps à autre.
« C'était pas aujourd'hui que la vieille rentrait normalement.
– Eh si...et elle a bien engueulé la pauvre Clarice. »
Je lui racontai ce qu'il s'était passé dans la boutique ainsi que l'épuisement de Clarice dans ce travail. Je soupirai en finissant mon récit. Il prit mon plateau et le sien pour débarrasser. Je commençai à aller dehors en passant devant le groupe de filles qui n'avait pas arrêté de parler bruyamment tout en riant à gorge déployée.
Je savais qu'elle me suivait du regard jusqu'à ce que je sorte. À travers la porte vitrée, je pus voir qu'elles chuchotaient à présent en baissant la tête vers la table. Je souris et attendis de voir leur réaction quand Mathieu se retournerait, et ça n'avait pas loupé.
Telles de belles biches, elles lui souriaient. Et j'éclatai de rire quand il passa sans même leur jeter un coup d'oeil.
« Tu pourrais finir la soirée avec l'une d'entre elles... lui suggérai-je en souriant au croissant de lune qui nous éclairait.
– Je préfère passer la soirée avec toi, argua-t-il.
– Que d'honneur ! »
Nous rîmes puis continuâmes notre marche non loin du Bois de Boulogne. Malgré une légère fraicheur, il était agréable de se promener comme le faisaient de nombreux Parisiens. Une ville toujours animée.
« Clarice, je pense plutôt qu'elle s'est mise en tête qu'elle ne devait pas t'aimer...
– Quoi ? demandai-je étonnée par ce qu'il venait de dire.
– Tu te rappelles quand je suis venue à la boutique pour te passer des chaussures, là elle m'a demandé si j'étais ton copain. Vu que j'ai dit non, elle a dit qu'elle t'aimait. Beaucoup. Tu es revenue tout de suite après de l'arrière-boutique en croyant que je la draguais, expliqua-t-il en tournant la clé dans la serrure de leur appartement.
– Je... Je ne savais pas, soufflai-je abasourdie en restant sur le palier. Elle ne me l'avait jamais dit !
– Tu étais avec l'autre gars, comment voulais-tu qu'elle te le dise ? déclara Mathieu avec un rictus tout en prenant mon bras pour que je rentre.
– Alors elle serait partie parce qu'elle ne supportait plus d'être avec moi qui ne savait rien en plus de ça ?! dis-je en me prenant les mains dans cheveux.
– Tu as encore des chances d'être avec elle. Tu as toujours son numéro. Si tu l'appelles, avec un peu de chance, elle te répondra, envoya Mathieu avec désinvolture tout en me tournant le dos pour allumer la lumière du salon.
– Être avec elle ?
– Bah ouais. »
Je le suivis jusqu'à me poster devant lui pour que je voie ses yeux. Pour que je voie la vérité et non la lueur d'une blague stupide qu'il me lançait. Pendant un instant, j'espérai vraiment que ce serait un bobard, mais son air soucieux et incompréhensif face à ma réaction était réel.
Je secouai la tête en fronçant des sourcils sachant ce qu'il voulait insinuer.
« Mathieu, je ne suis pas bisexuelle ou homosexuelle. Je suis attirée par les hommes, et c'est tout. Clarice est vraiment une femme charmante avec beaucoup de qualités, mais ma relation avec elle a toujours été amicale. En tous cas, pour moi ça l'était.
– Attends, t'es sérieuse ? demanda-t-il en penchant son visage vers moi.
– Oui ! criai-je presque d'un air exaspéré tout en levant les bras au ciel.
– Mais... »
Il ne finit pas sa phrase, et quand je lui demandai qu'il la termine, il m'envoya balader en déclarant que ce n'était pas important. Nous prîmes nos tours de douches, mais j'étais toujours chamboulée par ses révélations. Je ne la connaissais vraiment pas. Elle m'aimait, et moi je n'étais même pas capable de le voir.
Je me sentais tellement coupable.
« Je ne savais pas, sinon je lui aurais dit clairement...
– Je sais, » dit-il en déposant un baiser sur mon front.
Il me conseilla de dormir tout de suite au lieu de regarder la télévision. J'hochai la tête et restai dans ma chambre en repensant à tous les moments qu'on avait passés ensemble. J'essayai de retrouver ne serait ce qu'un petit indice, mais n'en trouvait aucun à part sa gentillesse et ses sourires.
Je m'endormis avec cette culpabilité qui me rongeait. Faire du mal aux autres était la dernière chose que je voulais. Mes parents étant les premiers à avoir souffert. Depuis je ne voulais plus revoir la tristesse ou la déception sur d'autres visages. Ça faisait trop mal.
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Un cœur à aimer
Roman d'amourUne jeune femme tente de trouver l'amour. Elle cherche un cœur à aimer désespérément, mais les échecs se suivent sans remords la laissant dans sa solitude.