Clé

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A ce stade de l'histoire, le lecteur connait la clé, celle qui assurerait aux personnages une fin heureuse ou tout du moins, les aiderait grandement dans leur cheminement relationnel. La voici : le savoir. Ainsi, Jungkook pourrait régler le problème jusque là inconnu de Taehyung et ce dernier comprendrait la nature de Jungkook. Il comprendrait la réelle valeur de ses si rares signes d'intérêt et peut-être qu'ainsi, il ferait des efforts dans son sens.

Mais aucun des deux protagonistes ne détient pour l'instant cette clé.


Le brun déposa ses affaires à côté de sa porte et se laissa glisser sur cette dernière. Ses yeux étaient fermés mais malgré cela, il devinait très bien ce qui se tenait devant lui : la grande table de son salon, le canapé sur la gauche, et, en face, son gigantesque écran. Rien de nouveau, rien de personnel, rien qui n'ait bougé. Il n'avait pas envie de voir un tel décor, et garder les yeux fermés le tenait à l'écart du vide, celui dont le triste spectacle de son 3 pièces témoignait. Mais ça ne faisait que retarder l'échéance.

Après ce qu'il avait vu, il s'était simplement enfui de chez Taeyhung. Si se tenir loin de lui et rester dans son propre appartement le faisait se sentir vide, ça n'était rien comparé aux prunelles noires du châtain. Elles l'aspiraient, lui retirait toute vie, et le plongeait presque dans le même état que leur propriétaire. Elles étaient terrifiantes, car elles ne représentaient pas seulement un vortex sombre et lugubre, elles étaient surtout le reflet flou de l'intérieur de Taehyung ; elles étaient son esprit, son coeur, son corps. Elles étaient la matérialisation d'un mal-être incurable, d'une absence, d'une âme disparue.

Peut-être était-ce lâche de laisser Taehyung dans un si monstrueux état. La peur en soi n'était pas lâche, mais l'avoir laissé prendre l'avantage l'était. Seulement, Jungkook avait toujours été lâche. Non, en fait, Jungkook n'avait simplement jamais été. Il n'avait jamais existé. C'était un corps ambulant, sans émotions ni morale, sans profondeur d'âme. Seulement un esprit, mais qu'est-ce qu'un esprit sans le coeur ?

Et maintenant chez lui, la sensation n'était pas mieux. Peut-être était-ce le fait qu'il n'ait pas encore ouvert les yeux. Le noir ne lui avait jamais vraiment fait peur mais le fait d'y être plongé maintenant devenait inquiétant, et semblait lui rappeler les prunelles du châtain. Il voulait pourtant l'aider, mais il n'aurait pas pensé cela si dur. Et finalement, les émotions et les sentiments se révélaient être différents des milliers d'éventualités qu'il avait pourtant imaginé. Ils ne le décevaient pas, ils n'étaient pas non plus un bonheur éphémère. Ils étaient juste violents, terriblement douloureux, et bien loin d'être éphémères, ils semblaient vouloir rester jusqu'à la fin des temps. Ca n'avait pourtant jamais donné cette impression auparavant, quand il n'en était pas la victime ! Mais à la simple vue de Taehyung, quelque chose s'était brisé, quelque chose qui n'avait jamais semblé exister. Puis des milliers d'autres s'étaient mises à exploser d'une part, bouger de l'autre, comme des centaines de petites bêtes qui s'agitaient et essayaient de s'échapper.

Et avec tout ça, il n'avait même pas réfléchit à la nature exacte de ses sentiments.

Alors si les petites bêtes qui n'arrêtaient pas de grimper et de grouiller à l'intérieur de lui ne voulaient pas s'en aller, peut-être l'eau les feraient se noyer ? Il se dirigea donc rapidement vers sa douche, sans trop prêter attention à ce qui se trouvait autour de lui, sans regarder, sans perdre de vue son objectif, celui de se débarrasser de cette désagréable sensation.


« Taehyung ? » Appella-t-il doucement.

Habillé d'un simple jeans, d'un large t-shirt blanc et d'une veste noire, Jungkook se tenait une nouvelle fois devant la porte blanche de l'appartement du châtain. Malgré la valeur noble de ses actes, il doutait que ce fût le bon choix de revenir. Il avait par exemple peur que le concierge arrive et demande pourquoi il était là le matin, tôt, devant une porte que le propriétaire n'avait pas l'air de vouloir ouvrir. Il n'avait pas envie de passer pour un harceleur ou quoi que ce soit dans ce style. Il n'avait pas envie d'être remarqué et bien qu'il fût conscient qu'il n'était plus extérieur à l'Histoire, à la sienne, et à celle de Taehyung, il ne pouvait s'empêcher de regretter son invisibilité et son omniscience. Elles avaient toutes deux disparues, et il ne savait même pas à quel moment précis c'était arrivé. Peut-être le jour même où il avait rencontré son sujet.

Psycho w/ VkookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant