Stable

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Un contexte mauvais mais en voie d'amélioration donne une stabilité au déroulement de l'action. Dans un film, un récit, une histoire sortie de l'imaginaire, une situation stable bien que mauvaise a plusieurs issues exploitables, la préférée du spectateur étant la fin heureuse. L'imagination est une réalité fictive, ainsi les personnages n'ont aucun contrôle sur cet imaginaire là, puisqu'ils ne sont pas à son origine. Notre imaginaire devient donc leur réalité. On ne peut pas contrôler la réalité dans laquelle nous vivons au-delà de nos propres décisions. Et la stabilité, elle, ne dépend pas des décisions d'un seul personnage, ni même de tous ce qui figurent dans le récit. Elle dépend du hasard, de la chance, du contexte, de quel spermatozoïde a été le plus rapide. Les décisions prises par les personnages ne représentent peut-être que 10% du déroulement de l'histoire.

Est-ce que ça aurait changé quelque chose que Marion Crane ait décidé de ne pas s'enfuir avec l'argent de son patron et de se réfugier dans le motel de Norman Bates ? Pas vraiment, car il aurait suffi qu'une autre belle femme séjourne dans ce même motel pour que Norman décide de la tuer, que la famille de la dite résidente temporaire se mette à la chercher pour finalement tomber sur le meurtrier et procéder à l'arrestation. Marion Crane ne serait pas morte, mais elle aurait été remplacée par une autre et l'histoire aurait eu lieu malgré tout avec la même fin : un dangereux psychopathe diagnostiqué et enfermé. En revanche, si Norman Bates n'avait pas eu de trouble dissociatif ? Alors il n'aurait tué personne, Marion Crane serait reparti saine et sauve du motel, et il n'y aurait pas vraiment d'histoire à raconter. La folie de Norman Bates est le pilier de l'histoire mais elle ne dépend pas de lui. Elle dépend de gènes, de hasard, de traumatismes. Et en prenant en compte que c'était la double personnalité du meurtrier (celle qu'il imaginait être sa mère) qui tuait, alors Norman n'avait pris aucune décision, et le récit était 100% hors du contrôle des personnages.*

A partir du moment où vous n'avez pas un contrôle total sur votre propre histoire, que vous décidiez d'être acteur ou simple spectateur ne change pas grand chose à son déroulement. La machine est déjà en marche. Cela n'a bien-sûre rien à voir avec le destin : il n'y a pas de forces supérieures qui vous scellent à un chemin déjà tout tracé. Il n'y a du moins rien de mystique, tout n'est que faits, hasard, chance, encore une fois.

Donc, la stabilité, même tant bien que mal maintenue par les personnages, peut se briser, et voler en éclats. En un coup de vent elle peut s'écrouler, sans prévenir, sans que les personnages aient pu le prédire.


Un appel retentit. Jungkook émergeait à peine de son sommeil, il ne se voyait pas se réveiller si tôt, mais la seule personne qui pouvait lui téléphoner était également la seule qu'il ne pouvait pas ignorer. Alors tout simplement il s'était relevé, assis, avait regardé son écran et avait même pensé à sourire en pensant qu'il avait enfin eu l'énergie de bouger, de saisir son portable et d'appeler quelqu'un, Jungkook en l'occurrence. Alors il avait décroché, insouciant et soucieux à la fois.

« Taehyung, ça-

- J-Jungkook... »

Et c'était précisément là, que ça s'était brisé. Il ne savait pas pourquoi la voix de Taehyung était suppliante, ni pourquoi elle avait ce ton si tremblant et pourtant, Jungkook pris immédiatement conscience de la fragilité de tout ça. De leur petite stabilité éphémère.

L'ironie fut que ce même appel qui brisa leur stabilité, fut la clé. Disons plutôt, qu'il l'annonçait.

« Taehyung qu'est-ce qu'il se passe ?

- Ils sont là... Je... Je pensais qu'il reviendraient pas mais... Ils sont là et ils essayent d'entrer...»


Entrecoupée de sanglots, ou simplement de petits hoquets, sa voix faisait écho dans la tête de Jungkook. Il était censé avoir le temps pour comprendre ce qui se passait et espérer pouvoir faire quoi que ce soit quant au problème de Taehyung, mais là, il ne s'en sentait pas capable ! C'était trop rapide, il ne pouvait pas intervenir, pas apporter d'aide avec si peu d'informations, en tout cas. Mais si quelque chose arrivait ? Il n'était pas non plus envisageable de le laisser là. Jungkook n'avait jamais été brave, mais de quel Jungkook parlions nous ? D'un Jungkook qui n'était plus, d'un Jungkook qui n'avait jamais existé. Peut-être qu'être humain signifiait aller là ou la raison nous dit stop mais que notre coeur se serre à cette pensée.

Psycho w/ VkookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant