Chapitre Quatre : Le Batofar, Vague à l'âme

491 24 21
                                    

« Tu as décidé de ce que tu allais faire maintenant ? questionne Chôji de son regard conciliant.
- L'oublier. Pas la peine de me faire d'illusion. »

Mon ami soupire, se renfonce dans le canapé et pose un bras sur les épaules d'Ino. Quelques jours de plus sont passés, je trouve enfin un bon rythme au boulot, les sorties nocturnes sont plus organisées et je fais en sorte de ne pas y aller seul. C'est pourquoi je me retrouve encore une fois au centre de l'attention ce soir, assis avec mes amis dans un café à côté du travail.

« Et cette fille, dont tu refuses de nous dire le nom, tu vas réussir à l'oublier ? Vu les circonstances, j'ai du mal à y croire. T'es tellement un gros niais sentimental, accuse Kiba en se curant les dents. »

Mon cœur se fait transpercer par le reproche de Kiba que Chôji a invité à passer la soirée avec nous et je refuse de lui répondre, préférant filer aux toilettes. Je pose mes mains sur le rebord du lavabo et fixe mon regard cerné dans le miroir. Trois jours que je ne trouve plus le sommeil et que Temari tourbillonne dans mes pensées. Sans Ino, je n'aurais jamais réussi à boucler la quotidienne.

« On se revoit bientôt ?
- Comment ça ?
- Un café jeudi, ça te tente ?
- J'ai pas le temps pour ça, Nara. »

Ma naïveté me perdrait à cette allure. Fallait-il encore que je doute de la capacité de Temari à m'ignorer si facilement ? La soirée avait été bonne, le sexe avait été exceptionnellement agréable, Temari était redevenue ma Temari le temps d'une nuit. Le lendemain, pourtant, tout était revenu à la normale.

C'est décidé, à partir de maintenant, je repars à zéro. Temari ou pas Temari dans mon lit, rien ne doit changer. J'ai un boulot à assurer, toute une équipe à gérer et une jeunesse à vivre pour de vrai.

De retour auprès de mes amis, je leur glisse l'idée d'aller au Batofar ce soir. Offre qu'ils acceptent après s'être concertés du regard. Visiblement, ils sont partant plus dans l'idée de me surveiller qu'autre chose.

Je ne suis pourtant pas une bombe...

Le soir venu, nous nous retrouvons sur les docks et partons pour le Batofar, la seule boite accostée aux quais de Konoha. Les relents drum'n'bass de la boite me rappellent celle que j'ai connu la première fois que Temari m'a emmené en boite mais je ne le dis à personne. Pas la peine de mettre un coup à l'ambiance de la soirée. Peut-être que ce soir je ne la croiserai pas. Je ne sais pas si ça doit me rassurer ou pas.

« Hé, Gaara !! hurle Ino en secouant les bras pour se faire entendre à travers le brouhaha insistant. »

Je jure pour moi-même et me dit qu'il faudrait peut-être un jour que je dise à Ino que c'est Temari qui me détruit de l'intérieur. Histoire qu'elle arrête d'inviter son petit frère à nous rejoindre.

Vous vous souvenez quand je parlais de ce frère instable ? Gaara. Plus jeune que nous, il n'en reste pas moins un gentil garçon que mon groupe d'amis apprécie.

Gaara salue l'assistance, serre la main de Kiba et me sourit.

« Sympa d'avoir ramené Kankurô. Il a dormi jusqu'à dix-sept heures, c'était invivable ! hurle-t-il pour se faire entendre de moi. Tu comprendras qu'il ne soit pas là ce soir pour te remercier en personne. »

Tenten, juste à ma droite, la seule à avoir pu entendre ce que Gaara me criait aux oreilles, me jette un regard perçant et tire une gueule de dix kilomètres. Je crois qu'elle a compris. Je n'aurais pas dû mettre tant d'explications pour raconter cette soirée avec l'inconnue pas si inconnue à leurs yeux.

Elle sourit nerveusement à Gaara, m'attrape par l'épaule et me fait monter à l'étage, vers le coin fumeur en extérieur. Je regarde les quais pendant qu'elle rassemble ses pensées.

« Temari ? Vraiment ?
- Vraiment.
- T'es tellement un abruti, Shika. J'en reviens pas. »

J'aurais plutôt attendu ce genre de réflexion de la part d'Ino mais je m'en contenterai. Ses yeux me jettent des éclairs et elle se pose contre la rambarde du ponton.

« Tu aurais dû m'en parler, me sermonne-t-elle. Je la connais depuis si longtemps. Je comprenais pas qu'elle refuse nos sorties de groupe, mais... Mais tout s'éclaire maintenant. C'est toi qu'elle évite. Je croyais que vous vous entendiez bien. À la fac, vous étiez toujours fourrés ensembles. C'est quoi ces conneries ? »

Ok. Je vais lui dire. Lui dire comment tout s'est produit. Ça me répugne parce qu'il faut que je fouille dans mes souvenirs et dans mes stupides digressions que je me fais dans ma tête.

« Tout a toujours été très rapide avec Temari. Une rencontre vite expédiée, des virées nocturnes... Elle et moi, je lance en soupirant... C'était discret et sérieux. Sur les deux ans qu'on a passés à se fréquenter, j'ai passé les trois-quarts de mon temps à sortir, à oublier mes études et à coucher avec elle dans la B.U. »

J'aperçois les sourcils froncés de Tenten. Cette nouvelle doit lui faire un sacré choc maintenant qu'elle met un nom sur la fréquentation récurrente de son amie à cette époque.

« Lors de la dernière année, il y a eu de gros examens. Des trucs qui réclamaient notre attention complète. Mais nous on s'éclatait, après tout, on avait déjà déchiré sur tout le reste. C'est pas ça qui allait nous plomber, en théorie. En théorie. Parce que c'est en tout cas ce qui a complètement plombé ma note sur le dernier jury. Temari s'en fichait elle était déjà passée. Alors s'en fumer un c'était rien pour elle. Je l'ai suivi. »

Tenten lève les yeux au ciel, ébahie par ma stupidité. La drogue c'était stupide. Ça l'est toujours.

« J'étais tellement défoncé qu'ils ont même pensé à me renvoyer. Le jour des résultats, Temari est venue me voir, m'a sorti qu'elle était bien contente de ce qu'elle avait fait et s'est barrée en me laissant cette cinquième place qui m'a fait rater la carrière de ma vie. »

Je n'exagère en rien ma situation actuelle. Je me retrouve à être le larbin de monsieur S et elle se dore la pilule en bossant pour le plus grand bureau d'information de tout le Japon. Ne parlons pas des trois autres pecnos devant moi qui ont une belle carrière de rédacteur en chef dans des bureaux étrangers.

« Une première place n'aurait pas permis de vous départager si facilement pour ce poste, tu sais, Nara, jette une voix dans mon dos. »

Gaara se pose à côté de Tenten et me regarde fixement sans ciller. Le coin de ses lèvres reste coincé vers le bas et il continue : « Tu n'as pas l'air très au courant de comment fonctionne le journalisme au Japon. Venant d'un journaleux à la solde de Sarutobi, ça ne m'étonne qu'à moitié. Si tu avais été premier au classement national, tu n'y aurais pas été pris. Cette place était destinée à Temari. Rien d'autre. »

Ce petit morveux tente-t-il de dire que peu importe le résultat, je suis toujours moins bon que Temari ? Si ça ne tenait qu'à moi, je lui aurais déjà fait la tête au carré.

« Sabaku. On est les Sabaku. Réfléchis-y bien. »

Réfléchir à quoi, bordel ? Sans en entendre plus, je redescends dans l'étouffante chaleur du Batofar et j'accoste cette rousse que je ne connais pas et qui me fera la nuit.

Temari, on oublie. Mes stupidités du passé, on oublie. Mes vieilles rancœurs ? Oh allez, Shika, 'faut passer au-dessus. Je dois être quelqu'un de nouveau, d'accompli et d'intègre. À partir de demain, c'est Foire au vin et Festival du jeu-vidéo. Il faut la monter cette putain de chronique. J'ai peur de rien.

Peur de rien, hein. Pas même de mon Pet Rock.

« Temari est là ce soir, me murmure Chôji en pressant mon épaule. »

Ok, très bien. Qu'elle voit mon ascension. Qu'elle voit à quel point je peux être meilleur qu'elle. À quel point je peux être celui qui lui fera regretter ses abus d'universitaire.

Je suis un crouneur.


- – —

« C'est amusant cette manière que j'ai d'avoir un point névralgique dans toutes mes histoires qui me fait partir en vrille à ce moment-là. Shikamaru sort toujours de ses gonds. Il se promet toujours d'oublier sa grognasse et finalement la situation empire. Il faut peut-être que je retravaille tout ça... J'y réfléchirai plus tard.

Bonne soirée mes petits canards <3. »

Sandou-Soudy

Le CrouneurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant