Baisers Salés.

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« C'est le bordel dans ma tête ; personne ne doit savoir à quel point. »

« Tu engendres le chaos », m'avait-il dit un jour. Mais dans sa bouche, cette phrase m'avait paru être le plus doux des murmures, la plus agréable des poésies. J'avais posé mes lèvres sur les siennes et je l'avais supplié de m'aimer encore. De m'aimer plus. De m'aimer mieux.
 
Et je me trouvais là, étendue sur le sol dans un océan de chagrin. On dit que le malheur est noir, le mien était rouge et je baignais dedans. J'étais dans l'immensité de ma perte, perdue dans les décombres d'une vie que je n'ai jamais souhaité et qu'enfin, j'abandonnais.
J'avais toujours pensé mourir de manière cérémoniale. Enfiler la plus belle de mes robes avant de me mettre à l'écriture d'une lettre bouleversante à l'intention de ma famille et de mes amis. Boire une coupe d'un champagne classé et en savourer chacune des bulles qui viendraient claquer contre mon palet. Choisir le plus doux des foulards dans mon placard, l'accrocher délicatement autour de mon cou et coincer l'autre extrémité à la porte. Et claquer très fort, à en faire trembler les murs et crier les voisins. Je prévoyais de me tuer un mardi. J'adorais le mardi. C'était le jour où madame Goodman laissait refroidir sa tarte aux prunes sur la fenêtre, dégageant une agréable odeur dans ma chambre se trouvant au-dessus. Mais il n'y avait pas d'odeur, aujourd'hui. Et on n'était pas mardi. On était jeudi. Et c'était une journée ordinaire à l'exception que ce soir, mes parents perdraient un enfant et une aide sociale, par la même occasion. Ils pleureraient peut-être ma perte, je ne savais pas. Et Niall serait celui qui découvrirait mon corps inanimé, noyé par tout ce sang qui s'écoulait encore de mes poignets et de mes chevilles. Il découvrirait alors des cicatrices anciennes et celles plus récentes marquées sur mon corps pour ne jamais oublier qui j'étais et ce qu'il m'avait fait. Je devinais son incompréhension, la surprise sur ses traits fins et la terreur sur son visage. Il m'avait abandonné, c'était à mon tour maintenant. Et je lâcherais mon dernier souffle contre sa bouche, comme une ultime déclaration de mon amour. Et il pleurerait, submergé par le chagrin, à moins qu'il ne ressente rien. Parce que depuis le début, il ne m'avait jamais aimé.
J'essayai de me souvenir où je me trouvais mais j'oubliai. Je sentais ma peau nue sur une surface lisse et froide. Si froide... Mon corps tremblait et je croyais entendre des voix tout autour de moi, comme si on m'appelait. Mais il n'y avait personne. J'étais seule. Toujours seule. Et je me sentis disparaître...

Baisers Salés.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant