Dix.

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« Et je sens que tout m'échappe mais je n'arrive pas à remonter la pente... »

 Après.

- Je crois que Niall et moi, c'est fini.
Silence religieux dans l'assemblée.
Je tournai la tête de part et d'autre mais personne ne bougea. Les huit autres personnes présentent dans mon groupe de parole ne parla pas. Tous me regardèrent, surpris par la nouvelle que je venais de leur annoncer. Tous savaient l'amour que je portais pour Niall et tous savaient que je ne supportais pas qu'on remette nos sentiments en question. Joanna et les coups que je lui avais infligé quand elle avait douté de notre amour s'en souviennent encore. Mais j'énonçais un fait. Niall et moi, c'était fini. Quelque chose s'était brisé et personne ne pourrait le repérer. « Nailis », c'était semblable à une fracture. A un os qui se brise. D'abord, très nettement. Il faut du temps mais au bout de quelques semaines, on voit l'os se reformer. Plus épais, plus fragile mais bel et bien fixé. Et puis, l'os se brise à nouveau. En plusieurs fragments. Et là, il faut un peu plus de temps. Dans certains cas, il faut opérer. On met des broches, on plâtre, on essaye de sauver tout ce qui reste intact mais arrive toujours le moment où l'os n'est plus en état d'être fixé. Niall et moi étions cet os. Et désormais, on avait cessé d'être en mesure d'être rabiboché. On était les deux morceaux du même os qui se faisaient face sans plus pouvoir être raccordé.
J'ai toujours pensé que rompre définitivement avec Niall marquerait la fin de mon bonheur (et de ma vie, certainement) mais la réalité était différente. J'éprouvais presque une sorte de soulagement. En tombant, je ne l'emmènerais plus dans ma chute. Il resterait à la surface lorsque je me noierais. Et plus que tout, je me sentais à nouveau libre. Je ne dépendais plus de lui, ni de son absence de preuves d'amour. Je pouvais respirer comme avant, maintenant. Avant. Et c'est à cela que je pensai durant plusieurs minutes jusqu'à ce que la psychologue qui animait le groupe –Margarette- ne se repositionne dans son siège et me demande de parler de ce que je ressentais. J'optai pour un silence lourd de sens avant de me tourner vers Mona qui venait de se mettre à pleurer. Elle était la plus « normale » du groupe (peut-on se considérer comme « normal » quand on est atteint de schizophrénie et qu'on a de nombreux délires de type paranoïaque et persécutoire ?). Elle pleurait comme si elle venait de perdre Molly, son hamster, le seul membre de sa « famille » qui comptait vraiment. Elle pleurait comme si je venais d'égorger son maudit animal devant ses yeux. J'ai lancé un regard paniqué à Margarette qui a préféré mettre fin à la séance pour ne pas perturber l'ensemble du groupe et une trentaine de secondes plus tard, les infirmiers faisaient leur apparition dans la salle pour dissoudre le groupe. Je fus la seule à rester sur ma chaise avec Mona qui pleurait chaudement devant Margarette et Donald, l'un des aide-soignant. Le seul que j'appréciais, d'ailleurs. Mais pas aujourd'hui. Parce qu'après que Mona lui ait parlé, il m'emmena directement dans le bureau du docteur McCall. Une punition. On me punissait tout ça parce que Mona la normale s'était mise à chialer alors que je prenais la parole !
Ce qu'on oublie trop souvent de dire à propos des hôpitaux psychiatriques, c'est que les vrais fous, ce ne sont pas les patients mais les employés. Il faut avoir un sacré problème pour passer sa vie auprès de déséquilibrés et aimer ça, par-dessus tout. Nous, au moins, on déteste être figés entre ces murs. Le docteur McCall annula l'une des séances qu'il animait seulement pour que je puisse bénéficier d'un entretient privé avec lui. C'est ce qu'il m'expliqua en tout cas lorsque je me trouvai devant lui, à fixer mes mains avec lesquelles je jouais nerveusement. Je détestais être dans cette pièce ridiculement petite à devoir parler de ma vie sans que cela m'ouvre les portes de la liberté. J'étais prise au piège de cet hôpital et je ne savais comment le quitter. Et je ne savais pas si j'avais vraiment envie de le quitter.
Plus rien ne m'attendait dehors.
Rien.
Rien.
Rien...
 
- Mona est très triste, m'a dit le docteur McCall avec sa voix de docteur.
C'est étrange mais j'ai toujours trouvé que le médecin n'avait pas le même langage que nous, les autres non-médecins. En plus d'utiliser des termes étranges et scientifiques pour parler d'un simple rhume, ils avaient un accent. Un truc bien à eux qui faisait que, même lorsqu'ils parlaient avec un vocabulaire simple et adapté, ils restaient supérieurs. Un fossé me tenait éloigné du psychiatre et encore maintenant, je le ressentais. Et puis, il me parlait de Mona comme s'il connaissait la profondeur de sa détresse parce qu'il l'avait lu dans ses bouquins. Sauf qu'imaginer la douleur, ce n'est pas la même chose que vivre avec. La ressentir chaque jour. L'endurer. La supporter. Et parfois, faire d'elle son amie pour ne plus être contraint de se battre contre soi-même. Mais je ne pouvais décidément pas dire ça au docteur McCall. Il le noterait dans mon dossier et prolongerais mon séjour au pays des antipsychotiques.
- Elle est en colère, aussi. Elle croit que tu as fait exprès de rompre avec Niall.
- Elle est schyzo, c'est pas étonnant. Elle pense que ma vie tourne autour d'elle, répondis-je du tac au tac, sans vraiment penser à l'importance de mes paroles.
Le docteur McCall dut être surpris car il ne parla pas pendant cinq minutes. Il avait posé son stylo plume sur son bureau et se contentait de me fixer. Je sentais son regard sur moi et je ne pus m'empêcher de penser à la vision négative qu'il devait avoir de moi. Je n'étais qu'une gamine égoïste qui ne connaissait rien de la vie et qui se croyait supérieure aux autres sous prétexte que moi, je n'étais pas malade. Pourtant, je l'étais. Malade. Seulement, à cette époque, mes maux n'avait pas de mots. Pas pour moi.
- Tu sais, m'expliqua-t-il, Mona n'est pas que schizophrène. C'est aussi une personne, une jeune fille de seize ans qui a des émotions et des sentiments. Tout est troublé par sa maladie mais il y a une partie d'elle qui est vraie et sincère. Elle est profondément triste que ce soit fini entre Niall et toi.
J'haussai les épaules.
- Je ne l'ai pas fait exprès. C'est arrivé, c'est tout, dis-je. J'irais m'excuser auprès de Mona.
- Elle croyait en vous, poursuivit le docteur McCall. Elle voulait être comme vous. Je crois que tu as fait rêvé tout le monde ici avec ton histoire.
Je soupirai et fis rouler mes yeux. Le psychiatre décida d'arrêter sa méthode pour en essayer une autre. Puisque parler de Mona ne m'aidait pas à parler de ma rupture avec Niall, il me donna l'autorisation de quitter son bureau. Et il l'a dit de cette manière, avec son ton de médecin et son accent du nord : « Tu peux quitter mon bureau, Ailis ». C'était quelque chose qu'il ne disait pas. Quand on est psychiatre, on se lève, on ouvre la porte, on échange une poignée de main avec son patient et on le regarde à peine partir avant d'en appeler un suivant. Ou, dans certaines circonstances, ce sont les infirmiers qui nous ramènent dans notre chambre mais O grand jamais le docteur McCall ne m'avait proposé de partir. Je partais et puis c'est tout. Sauf cette fois. Parce que je n'avais pas d'amis à qui parler de ma rupture avec Niall et que je ne pourrais écrire dans mon carnet que ce soir. Et attendre ce soir, c'était trop long pour moi.
Alors, je suis restée assise sur la chaise en cuir du docteur McCall, mon regard toujours posé sur mes mains jointes, et j'ai expliqué ce qu'il s'était passé. J'ai résumé brièvement la journée que j'avais passée avec mon ancien copain et son meilleur ami. Et j'avais fini par parler de ma presque rupture avec Niall. Ce n'était pas seulement notre histoire à laquelle j'avais renoncé mais aussi et surtout à lui.
- Tu ne l'aimais pas tant que ça alors.
- Vous êtes en catégorie deux.
- Je te demande pardon ? Me demanda le médecin.
Je relevai la tête vers lui et réussis à maintenir mon regard planté dans le sien pendant quelques instant avant de le détourner pour fixer un tableau sur ma droite.
- Il y a deux groupes de personnes, dans la vie. Ceux qui croient que quitter, c'est aimer et ceux qui croient que quitter, c'est renoncer. Vous pensez qu'en quittant Niall, je l'ai oublié mais ça, je ne sais pas faire. Je ne sais pas dire à mon cœur d'arrêter d'aimer quelqu'un. J'aimerais mais je ne sais pas faire.
- Je ne comprends pas, avoua-t-il.
Il remonta ses lunettes sur son nez et cessa d'écrire sur ses feuilles. A vrai dire, depuis le début de la « séance improvisée », il n'avait presque prit aucune note. Il restait là, bien droit sur son fauteuil, à m'écouter parler de ce que Niall et moi étions avant que je ne gâche tout.
- Tu as tenté de mourir à cause de Niall ?
Je secouai la tête.
- Je ne voulais pas mourir, expliquai-je tant bien que mal.
Déjà, je sentais les larmes venir chatouiller mes yeux et je refreinai mon envie de pleurer en me mordant violemment l'intérieur de la joue. Le docteur McCall ne put percevoir mon trouble et je continuai sur ma lancée, le cœur comprimé :
- Je voulais mourir correctement. J'avais tout un programme pour ma mort. Je savais quand et comment je voulais me suicider mais ce jour-là, ce n'était pas prévu. Je... J'avais tellement mal. J'ai pris des cachets, des tas de trucs pour arrêter d'avoir mal mais... L'un de mes sanglots déchira le silence. C'était physique, repris-je un peu plus tard. Tout ce que je ressentais à cet instant, je vous jure que ce n'était pas que dans ma tête. Tout mon corps avait mal. Et moi, je voulais juste que ça s'arrête. C'est que quand j'étais allongée sur le sol que j'ai pensé à Niall et oui, je me suis dis qu'il aurait ma mort sur ma conscience mais non, ce n'était pas pour lui que je l'ai fait. Je ne voulais pas lui échapper ou qu'il m'attrape. Je voulais aller mieux. Finalement, c'est pire. J'aurais dû sauter d'un pont.
Sans trop savoir pourquoi, je remerciai le docteur McCall d'avoir joué le rôle de journal intime pour moi et je quittai son bureau en silence. Il ne chercha pas à me rattraper et ne demanda à personne de le faire à sa place.
En voulant regagner ma chambre, je croisai Donald dans les couloirs et il me donna une tablette de mon chocolat préféré. Je savais que ce n'était qu'un cadeau de mes parents et que rien ne venait vraiment de lui mais j'aimais croire que j'étais suffisamment attachante pour qu'il puisse vouloir me faire plaisir. Je lui fis un sourire triste en guise de merci et je décidai de prendre place sur le sol, à côté de Mona, avant de retrouver ma chambre. Je m'assis en tailleur et une fois la tablette de chocolat ouverte, j'en proposai à Mona. Elle me remercia en silence et je sus que c'était le moment idéal pour m'excuser.
- Je suis désolée d'avoir rompu avec Niall, lui dis-je en le pensant sincèrement – ce qui me surpris moi-même.  Je ne voulais pas que tu sois triste et que tu pleures. Je ne pensais pas que tu nous enviais. Je ne pensais pas qu'on avait un truc spécial avec Niall. 'Fin si, je le savais mais on m'a toujours dit que c'était malsain et étrange donc je ne pensais pas qu'on pourrait être l'exemple de quelqu'un. Je suis désolée d'avoir brisé ton rêve, Mona. Je suis désolée d'avoir brisé le mien.

***  

Niall était inconsolable. Depuis que Harry et lui avaient posé Ailis à l'hôpital, le blond n'avait pas dit un mot. Il pensait. Il était perdu dans ses pensées, repassant en boucle les paroles de la jolie blonde lorsqu'il n'était pas en train d'imaginer toutes les choses qu'il aurait aimé lui dire et qu'il n'était pas parvenu à exprimer. Il était bloqué dans son chagrin et ce dernier ne connaitrait jamais de fin. Niall en était persuadé. Mais la vie avait continué, après Ailis. La carrière de One direction continuait son ascension et le groupe avait dû reprendre la route.
Alors que le tour bus roulait en direction du Nevada, l'ensemble du groupe s'interrogea sur l'état de Niall. Combien de temps tiendrait-il dans de telles conditions et surtout, qu'est-ce qui avait pu se passer ce soir-là pour qu'il finisse ainsi ? Une seule option était envisageable pour le plus jeune de la bande : Niall venait de rompre avec Ailis. Ou l'inverse. Mais jamais l'irlandais n'avait été dans cet état lors de toutes les ruptures de la blonde. Qu'est-ce qui était différent, maintenant ? « Tout », pensa Niall qui ne tarda pas à sombrer dans un sommeil court et agité. Harry quitta la couchette qu'il partageait avec son meilleur ami et retrouva Louis. Il se laissa tomber sur le canapé et soupira en voyant que tous étaient aussi tourmentés que lui. L'ancien Niall leur manquer. Le Niall d'Ailis...
- Redis-nous ce qui s'est passé en Irlande, chuchota Liam, voulant analysant chacun des mots de la jeune femme pour être sûr d'en comprendre leur signification.
- Je te l'ai déjà dit, Liam, répliqua Harry en soupirant. Je n'en sais rien. Je suis monté prendre l'appel de Zayn et quand je suis redescendu, plus rien n'était pareil. Ailis a demandé à ce que je lui parle de nos concerts et Niall est resté dehors à regarder droit devant lui.
- Et où est-ce qu'elle a dormi ? Renchérit Louis.
- J'en. Sais. Rien. Articula le bouclé. J'ai dormi dans ma chambre habituelle, Niall dans la sienne. Je n'ai pas pour habitude d'aller voir s'il baise quand ils se retrouvent, vois-tu.
- Tu n'es pas obligé d'être vulgaire !
- Arrêtez donc de me faire chier avec eux ! S'énerva-t-il. J'en ai marre de vos putains de questions. Je ne sais pas ce qui s'est passé là-bas, ça fait vingt fois que je vous le dis. Ils étaient ensemble et là, pouf, ils ne le sont plus. Ce n'est pas la première fois qu'ils rompent et ce ne sera certainement pas la dernière. Comprenez-le, merde, et laissez-moi tranquille.
Harry fit volte-face, prêt à abandonner ses amis pour retourner dormir car au final, c'était la seule activité qu'il réussissait à faire convenable depuis ces huit derniers jours. S'oublier dans les bras de Morphée. Et monter sur scène. Ca, c'était quelque chose qu'il adorait. Lorsque le stress montait, que la musique dans la salle s'arrêtait et que les lumières s'éteignaient. Il aimait ce moment où les fanatiques se taisaient pendant une micro seconde. Ce moment où tout le monde se demande s'ils vont arriver alors que oui, c'est prévu qu'à un concert, l'artiste apparaisse. Mais l'angoisse est réelle. Et la magie opère. Il arrive en compagnie de ses quatre meilleurs amis. Et c'est ce moment unique qui permettait à Harry d'avoir la force d'avancer.
Le châtain s'éloigna mais avant de disparaître complètement, il entendit une remarque de Louis qui brisa les dernières parcelles de son cœur. Parce que la vérité venait de lui sauter au visage. Encore.
- Tu crois qu'il dit ça car il est toujours amoureux d'Ailis ?

Baisers Salés.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant