Un.

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« Si Niall avait eu envie d'écrire un livre, il l'aurait probablement intitulé « Comment

aimer Ailis en dix leçons » et la première phrase aurait été « Quoique vous

fassiez, ce ne sera jamais suffisant. » »

Avant.

8 Février 2012.

Il faisait froid ce jour-là. La température extérieure avoisinait les moins quatre degrés Celsius et d'épais flocons de neige venaient couvrir le sol déjà blanchi. On ne reconnaissait ni les routes, ni les rues. Qu'on se trouve au cœur de Londres ou en banlieue, le paysage restait le même. De la neige à perte de vue, des cris de joies des enfants et des soupirs de consternation de leurs parents – Sans compter les milliers d'automobilistes qui pestaient contre les conditions météorologiques. Noël était bien loin maintenant, le huit Février marquait la fin du bonheur des fêtes de fin d'années et le début des préparations de la Saint Valentin. Les hommes venaient chercher le cadeau qui conviendrait à leur conjointe alors que les femmes, elles, se demandaient si leur imbécile de petit-ami, fiancé, mari, amant, penseraient à leur offrir un cadeau. Parce que cela avait beau être la fête des amoureux, une interminable soirée au coin du feu avant de se confondre au milieu des bougies qui s'enflamment et des effluves de vin, une Saint Valentin n'était pas une Saint Valentin sans cadeau. Le commerce avait fait perdre son charme à cette fête. Et parmi eux se trouvait une jeune femme nommée Ailis. Du haut de ses dix-huit ans et de son mètre soixante, elle était postée contre la fenêtre de sa maison, regardant avec lassitude la scène qui se jouait devant elle. Le chauffage était enclenché mais son visage collé contre la vitre gelée l'empêchait de se réchauffer. Elle avait si froid à cet instant et Niall continuait de ne pas venir. Et parmi toutes les choses qu'elle détestait, elle pouvait inscrire un gros « Le retard ». Ailis trouvait que la vie était trop instable et que tout lui échappait. Sauf le temps. La ponctualité, c'était un moyen pour elle de maîtriser. Si elle ne pouvait pas gérer ses émotions, elle pouvait au moins gérer le temps et les aiguilles qui continuaient de tourner, lui prouvant une fois encore qu'elle avait choisi le pire des amants. Incapable d'être à l'heure. Incapable d'être présent pour elle. Son avion était censé atterrir à midi et elle lui avait laissé cinq heures pour regagner son appartement, ranger ses affaires et faire le chemin jusqu'à chez elle. Mais il n'était pas là. Il n'était jamais là et elle savait que cela n'était seulement dû à une carrière grandissante et à des voyages aux quatre coins du globe. Il avait décidé de ne pas être là.   Niall zigzagua entre les voitures. Il avait décidé d'abandonner son taxi et de parcourir les trois derniers kilomètres à pied. Il avait essayé de courir pour gagner du temps mais il avait chuté et maintenant, en plus d'être en retard, l'une de ses fesses lui faisait affreusement mal. Alors, il se contenta de marcher. Doucement. Qu'il soit en retard de dix-huit secondes ou de deux heures trente, le résultat serait le même. Ailis lui en voudrait. Elle l'insulterait sûrement, le frapperait peut-être et finirait par lui ordonner de partir. Et il le ferait. Niall venait voir sa copine pour qu'elle le rejette. Parfois, il se disait qu'il avait un problème. Qu'il ne fallait pas être normal pour s'accrocher à une personne qui ne savait pas l'apprécier à sa juste valeur et ce n'était pas faute de lui avoir dit. Harry avait été le premier à remarquer l'attitude étrange de la jeune femme. Il l'aimait bien, Ailis. Elle était mignonne avec ses longs cheveux blonds et ses joues potelées. Elle ressemblait à une enfant dans le corps d'une femme. Mais elle n'avait aucune limite. Harry avait essayé de convaincre son ami mais il se heurtait toujours à un mur. Niall ne voulait pas en parler. Jamais. Que ce soit de leur rencontre comme de tout ce qu'ils avaient traversé ensemble. Ailis était son jardin secret, la partie cachée de sa vie qu'il gardait précieusement près de son cœur. Et pendant tout le trajet qui le mena à la maison des parents d'Ailis, il se demanda ce qu'il pourrait lui dire en la voyant. Il songea à dire qu'elle était belle mais il savait que ce ne serait pas le cas. A chaque fois qu'il revenait de ses voyages, il retrouvait un cadavre. Une personne complètement détruite vêtue d'un pyjama avec des oursons en train de manger des céréales devant un dessin-animé. Parfois, elle baissait les armes et elle le laissait la changer. Souvent, il avait le droit à son refus. A ses cris. A ses larmes. A ses supplications. Comme aujourd'hui. Niall aperçut le rideau de la cuisine se baisser à son arrivée mais lorsqu'il sonna, il n'obtenu aucune réponse. La voiture des parents de la blonde était absente et il devina qu'ils étaient encore à un séminaire. Mais il ne leur en voulait pas. Comment pourrait-il le faire ? Ils ignoraient tout de leur fille, même son chagrin était invisible à leurs yeux et ils pensaient que la majorité atteinte, Ailis se responsabiliserait. Comme si avoir dix-huit signifiait être adulte. L'irlandais soupira et toqua à nouveau à la porte, le cœur vide d'espoir. Il s'était habitué à ses silences, à la culpabilité qu'elle lui poussait à ressentir. Elle était comme ça, Ailis. La belle colla son oreille contre la surface dure de la porte et essaya de percevoir les bruits de son cœur qui se morcelait alors que les larmes coulaient sur son visage. Elle se sentait si seule à l'intérieure, prise au piège entre les murs de sa propre personnalité.  

Baisers Salés.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant