Deux.

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« Je vais rester dans mon trou. »

Après.

Je n'ai jamais compris l'obsession de ma mère pour les apparences. Cette névrose de l'ordre, du rangement et surtout, de ma condition physique. Je devais toujours être dans les normes. Ni trop grosse, ni trop mince. Ni trop grande, ni trop petite. Ni trop brune, ni trop blonde. Et même au-delà des caractéristiques physiques, elle continuait de vouloir garder le contrôle.
 
Ce n'était pas Niall qui m'avait découverte le jour où j'avais tenté de me suicider. L'apprenti médecin qui était là, à mon réveil, m'expliqua que ma voisine m'avait découverte. Madame Shelley, cette fois-ci, ma voisine d'à côté. J'écoutais toujours l'album de One Republic entre quinze et seize heures, une habitude que j'avais prise sans même m'en rendre compte. Et à seize heures, j'enchaînais avec un CD que m'avait gravé une amie. Mais pas ce jour-là. Ce jour-là, le même album de One Republic continua de se rependre dans ma chambre. Mrs Shelley avait essayé de ne pas s'inquiéter, de se dire que j'avais sûrement d'autres habitudes avant son emménagement huit mois plus tôt mais elle s'était finalement décidée à ouvrir la porte de l'appartement de mes parents avec le double des clés qu'elle avait en sa possession. Ce fût elle, ancienne infirmière, qui fit un pansement compressif sur mes plaies avant d'appeler les secours. Ce fût elle qui m'accompagna dans le véhicule et qui tenu ma main pendant que j'étais plongée dans un sommeil que j'espérais éternel. Elle ne prévenue mes parents que deux heures plus tard, lorsque mes pansements furent fait et ma situation stabilisée. Je me trouvais encore sous sédatif, ce qui expliquait pourquoi j'avais oublié tous ces éléments. Moi, tout ce dont je me souvenais c'était cette chambre aussi froide que la mort et cet étudiant boutonneux en médecine qui était venu me demander ce qui m'avait poussé à commettre un tel geste. Il m'expliqua, plus tard, qu'il lui restait encore une année avant d'être un « vrai » médecin. Voilà, moi, j'avais le droit à un gamin alors que d'autres patients avaient des médecins reconnus. De bons médecins. Mais mon cas n'intéressait pas. Des suicidaires, il y en avait pleins les rues. Je les comprenais, après tout. Moi-même, je ne me trouvais pas captivante. J'avais foiré ma vie et j'avais été capable de foiré ma mort.
Je ne restai que trois jours à l'hôpital. Le premier, pour panser mes blessures et s'assurer que ma santé physique était hors de danger. Le second, à me justifier auprès du psychiatre qui était venu à ma rencontre. Le troisième, à regarder mes parents se creuser la tête pour trouver une solution pour me sortir de là. Ils avaient employé ce terme : « La sortir de là ». Mon père parlait de ma détresse ; ma mère, de l'hôpital. Rester trois jours dans le pôle psychiatrique, ce n'était pas bien. Ce n'était pas quelque chose qu'elle pouvait dire à ses copines du club de lecture. Ce fût d'ailleurs elle qui négocia ma sortie. Mon psychiatre avait demandé mon internement mais lorsque ma mère voulait quelque chose, elle l'obtenait. Et c'est ce qu'il se produit. J'étais obligée d'être soignée mais de loin. Je ferais acte de présence une fois par semaine dans un hôpital à la périphérie de Cork.
Je n'avais pas été autorisée à rentrer chez moi entre mon séjour à l'hôpital et ma séance avec le docteur McCall. L'interne qui était venu me voir le jour de mon arrivée était revenu par la suite. Je ne sais pourquoi, il s'était attaché à moi (ou peut-être était-ce l'inverse ?). Il connaissait toutes les procédures de sorties et il m'avait expliqué qu'à cause de la trop grande influence de ma mère sur son entourage, il était préférable que je ne reste pas seule avec elle chez nous. Pas tout de suite, du moins. Le docteur McCall devait d'abord me rencontrer. Et alors que je me demandais ce qu'il pourrait bien me dire au cours de sa séance, je laissai ma mère m'asseoir sur une chaise dans la salle de bains et s'appliquer à lisser mes cheveux. Elle entreprit de me faire une couette et y ajouta quelques pinces ici et là pour dresser les mèches qui viendraient lutter contre son autorité. Ma mère décida aussi de me maquiller. Un fin trait d'eye liner, un peu de fard clair sur mes paupières et un gloss très discret sur mes lèvres.
- J'ai lu dans un magasine que les femmes bien présentées ont moins de chance de finir en prison. C'est scientifique, ma puce. Ca doit être la même chose pour les adolescentes et les hôpitaux.
- Ce n'est pas ça qui les empêchera de m'interner, soufflais-je. Je serais juste la plus jolie des folles.
- Ne dis pas ça, Ailis !
Et puisque je n'avais pas le droit de dire la vérité à ma mère, je décidai de me taire et de la laisser me déguiser en une personne que je n'étais pas. Après la coiffure et le maquillage, je dus enfiler une robe écrue avec une paire de collant noir et des escarpins de la même couleur. Avec la forte dose de médicaments que l'on me donnait contre la douleur, j'avais tendance à avoir la tête qui tourne et la nausée. La hauteur de mes talons n'arrangea rien. Comme le regard que posa mon père sur moi lorsque je pénétrai dans la voiture. Il préféra ne pas dire un mot pour ne pas contrarier ma mère déjà déstabilisée par la situation mais je voyais qu'il n'était pas à l'aise par les vaines tentatives de ma mère à me rendre parfaite. Je ne l'étais pas. Parfaite. J'étais détruite, complètement brisée, et je m'apprêtais à me rendre dans un hôpital psychiatrique pour voir un psychiatre. Et ce sera à lui de dire si, oui ou non, je pourrais rentrer chez moi. A l'appartement. Dans ce taudis dans lequel on vivait depuis que mon père avait été muté. En soit, l'appartement n'était pas le problème. Il était plutôt joli, grand et bien situé mais il me tenait éloigner de tous ceux auquel je tenais. Surtout un.
 
- Vous l'avez appelé ? Demandai-je, mon regard posé sur les paysages qui passaient à vive allure par la fenêtre arrière de la voiture.
 
Au silence de mes parents, je compris leur réponse. Oui, ils l'avaient appelé mais non, il ne s'était pas intéressé à la situation. A quoi bon ? Je n'étais que sa folle de petite-amie qui avait essayé de se foutre en l'air et lui, il n'attendait que ça. Je suis sûre que, dans le fond, il savait que c'était la meilleure chose à faire pour moi. Mourir mettrait fin à mes souffrances. Et aux siennes. Je n'aurais plus été une corvée pour lui. J'aurais été bien là-bas, de l'autre côté. En Enfer, sans doute. Il n'y a pas de place pour les faibles au Paradis. Niall me rejoindrait donc un jour où l'autre.

Baisers Salés.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant