Chapitre 1 : Damian

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La sonnerie de mon Iphone me tire du pays des merveilles. Je ne veux pas me lever. Je hais les lundis. Mon téléphone indique 6h02. Je m'offre quelques minutes de plus en réglant le réveil à 6h10. Je replonge.

‒Aby, qu'est-ce que tu fais, il est 6h40. Ton bus va arriver ! Crie ma mère depuis la cuisine.

‒Et merde, pensais-je tout haut.

Je me lève difficilement et me dirige vers la salle de bains. J'allume l'eau et me déshabille. J'observe la chair de poule recouvrir tout mon corps dans le miroir.

‒Elle est à toi cette sale tête ? Demandais-je à mon reflet.

Je me glisse sous l'eau brûlante et ferme les yeux. Je pense à ma journée au lycée. Marcher seule le long du trottoir, entrer dans le bâtiment, passer devant les élèves en baissant les yeux, rejoindre mes « amis » et essayer de m'inclure dans la conversation. Sourire quand il faut sourire, rire quand il faut rire. Faire semblant, je ne fais rien de mieux en ce moment, il faut dire que j'ai de l'entraînement.

Je m'empresse de m'habiller en sortant au hasard des habits de ma commode. Il y a bien longtemps que je ne soigne plus mon image. Personne ne fait attention à moi de toute façon, alors pourquoi faire des efforts inutiles ? Je passe distraitement un coup de mascara le long de mes cils et enroule une écharpe autour de mon cou.

Je dévale les escaliers, avant de me rappeler que je n'ai pas pris mon sac. Je glisse sur les marches en essayant de faire demi-tour. La douleur fuse. Je me relève en grimaçant.

Je fourre mes affaires de cours dans mon sac, en n'oubliant pas des tampons. Car cela ne suffisait pas que je sois en retard, il fallait en plus que j'ai mes règles. Un lundi dans toute sa splendeur.

Je descends les escaliers en faisant un peu plus attention cette fois. Mes parents ne sont plus à table, je vais pouvoir éviter leurs questions désagréables.

Je croque dans une tartine de Nutella. Si je suis laide, j'ai au moins l'avantage de ne jamais prendre de poids. Ma mère et mon père ne cessent de me répéter que je suis belle, mais je sais bien que c'est ce que disent tous les parents à leurs enfants. Qui dirait à sa fille "tu es très moche tu sais, mais je t'aime quand même." ? Personne.

Je regarde l'heure : 6h59. Plus qu'une minute avant que mon bus n'arrive. Je cours jusqu'à la salle de bains pour me laver les dents. Le conducteur klaxonne. C'est encore jouable. Je me presse, enfile mes Vans, et claque la porte. Le chauffeur attend, habitué à mon retard. Il m'a déjà attendue un quart d'heure une fois. Mais il répète sans arrêt que ce sera la dernière. J'affiche mon plus beau sourire en montant dans le bus.

‒Abygaëlle, tu es en retard.

‒Je suis désolée Lucas...

Il me fait un sourire contraint.

Je vais m'asseoir sur un siège et pose mon casque sur mes oreilles. Je monte le volume au maximum et regarde à travers la vitre. Un peu cliché je vous l'accorde. Des flocons blancs atterrissent délicatement sur le sol gelé. Il neige. J'ai toujours aimé la neige, particulièrement lorsque j'étais petite. Mais cette fois-ci je ressens de la nostalgie : il y a tellement longtemps qu'il n'a pas neigé, et cela me rappelle mon enfance, si simple...

Le bus se gare devant le lycée, mon cœur se serre. Je prends une grande inspiration avant de descendre du bus. Je marche, en regardant droit devant moi.

‒ Salut Aby !

Je me retourne et aperçois Edward, un grand sourire aux lèvres. C'est un garçon gentil, mais certaines personnes trouvent qu'il est trop "enfantin".

Je souris à mon tour.

‒Salut.

‒Ça va ?

Je hoche la tête. Je l'aurai à mes bottes pendant un bon moment. Cela me permettra au moins de ne pas être seule. Il continue à me parler, mais tout ce qu'il dit est ennuyeux. Alors je fais semblant d'être intéressée, je lâche des « ah » de temps en temps. Je passe devant un groupe de garçons. Parmi eux, Damian, un ancien ami. Je l'aimais vraiment bien, je riais sincèrement avec lui, chose que je n'ai pas faite depuis... Je ne sais même plus. Mais nous ne nous parlons plus depuis que nous ne sommes plus dans la même classe. Nous étions de « bons camarades ». Mais il était plus à mes yeux : la seule personne qui parvenait à me faire passer du bon temps, à révéler ma véritable identité. Car pour moi, chaque seconde passée dans ce lycée est un supplice. C'est pour cela que j'aime tant le sommeil : je n'ai plus conscience de ma souffrance, tout en restant vivante.

Je ne peux m'empêcher de leur jeter un coup d'œil... Ce que je regrette aussitôt. Ils me dévisagent. Mon pouls s'accélère. Je suis certaine de rougir. À chaque situation gênante, mes joues s'enflamment. Je détourne les yeux. Je passe à côté de Damian tout en retenant ma respiration. Tous ses amis me regardent, c'est une bande « populaire », ce qui m'intimide d'autant plus.

‒Hé Aby, t'es avec Edward ? C'est ton petit copain ? Me lance Nacime.

Il s'esclaffe en constatant ma gêne.

‒N-non, on est juste amis...

‒Oh, vous entendez ça ? Ils sont amis, que c'est mignon !

J'essaie de le regarder avec un air de pitié, mais je ne parviens qu'à grimacer. Ils rient tous de plus belle. Je regarde Damian, les joues en feu. C'est le seul qui ne rie pas. Il ne prend pas ma défense pour autant. Edward ne dit rien. Alors j'accélère, le laissant seul sur le trottoir. Je bouscule Damian sans le faire exprès, mais je ne le regrette pas du tout. Il n'a rien fait. Je pensais que nous étions amis, à défaut de passer du temps ensemble. Je les entends se moquer de mon attitude dans mon dos. Nacime imite ma voix. J'ai les larmes aux yeux. Je les sèche après être sûre d'être hors de vue des garçons.

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