Une semaine s'est écoulée après ma rupture avec Julien. J'aimerais bien faire un bilan, dire que je me sens beaucoup mieux ou au contraire qu'il me manque, mais honnêtement, je ne sais pas trop quoi en penser. Le soulagement de ne plus avoir à simuler une attirance pour lui est écrasé par le malaise que j'éprouve lorsque je suis près de lui. Sans compter la difficulté de l'éviter. En effet, nous appartenons au même groupe d'amis. Ce qui fait que je commence à m'éloigner d'eux. Mais je me dis que c'est peut-être ma chance, un signe du destin : il est peut-être temps pour moi de me créer de véritables amitiés. Des personnes qui me correspondent et avec qui je n'ai pas besoin de faire semblant. Je prends alors une décision : désormais, j'écouterai mon intuition. On verra bien ce à quoi elle me mènera...
Pour me changer les idées, j'ai fait les magasins ce weekend. Je dois dire que les vêtements dont j'ai fait l'acquisition sont un peu différents de ceux que j'ai l'habitude de porter. Ils sont un peu plus osés. Je sors une robe moulante vert émeraude aux manches trois quarts d'une poche Marks & Spencer et l'enfile. Je regarde le résultat dans le miroir et esquisse un petit sourire satisfait. Je dégage autre chose, de l'assurance. Je décide de laisser mes cheveux tels quels : mes larges ondulations aux reflets roux descendent en cascade sur mes épaule.
‒ Aby, crie ma mère en bas des escaliers, es-tu sûre de vouloir aller au lycée à pieds ?
Je l'entends monter les marches en bois.
‒ Je peux t'amener tu sais c'est mon jour de con...
Elle arrête sa phrase lorsqu'elle m'aperçoit.
‒...gé.
‒ Maman ! Tu aurais pu frapper avant d'entrer. Et merci, mais je me débrouille depuis petite pour aller à l'école par mes propres moyens. Et je n'y vais pas à pieds, mais par le bus.
‒Tu... tu es vraiment très belle.
Je croise son regard et ce que j'y vois me met mal à l'aise. Une sorte de déception ? De tristesse ? Elle doit m'avoir remarquée, car un sourire forcé apparaît tout à coup sur son visage lisse, laissant ainsi son masque parfait réapparaître.
‒ Tu sais ma chérie, tu grandis si vite... je... enfin bon, je vais prendre ma douche je suis en retard.
En retard ? Un jour de congé ? Elle doit s'être rendu compte du manque de logique de sa phrase car elle rajoute :
‒ J'ai rendez-vous chez le coiffeur.
Je hoche la tête et lui adresse un sourire léger. Lorsqu'elle sort de ma chambre, je secoue la tête. Elle s'est déjà faite coiffer il y a une semaine.
‒ C'est fou comme je te suis étrangère, maman... chuchotais-je.Parfois, je me dis que si je suis devenue aussi fausse avec les gens, si je me suis façonné cette image qui ne me correspond pas, c'est à cause d'elle. Elle est comme ça, elle soigne toujours les apparences. Elle joue à la citoyenne modèle. Mais elle est loin de l'être...
J'attache une chaîne en or autour de mon cou et m'asperge d'un jet de parfum. Je glisse mes pieds dans ma paire de baskets et fais mes lacets. J'attrape mon sac à dos et dévale les esclaliers. Je marche tranquillement jusqu'à l'arrêt de bus tout en allumant mon téléphone. Je vérifie mes réseaux sociaux et mes messages, une chance que j'ai internet en permanance. Je ne sais pas ce que je ferais sans.
‒ C'est pour aujourd'hui ou pour demain ? Me demande Lucas avec une touche d'humour, une main sur le volant.
Je n'avais pas vu le bus arriver. C'est assez rare que je sois là avant lui. Je monte et me dirige vers les places du fond. Je souris à Emma qui m'a gardé une place à côté d'elle, lorsque je sens un bras m'attraper derrière moi. Je me retourne et découvre Stan, assis un rang derrière Emma, de l'autre côté du bus.
‒ Alors, on ignore son pote ? C'est pas très sympa, me dit-il en m'adressant un clin d'oeil charmeur.
Je souris, avant d'apercevoir un coquart sur son oeil gauche. J'avance ma main vers son visage.
‒ Stan... est- ce que... oh mon dieu ce n'est pas lui qui t'a fait ça ?! M'exclamais-je, effarée.
J'effleure sa peau, lorsqu'il étouffe un grognement de douleur.
‒ Ça va, assieds toi, chuchote-t-il en me tirant par le bras.
Je me retourne et m'excuse du regard vis-à-vis d'Emma pour la laisser tomber de cette manière. Je me penche vers Stan et dit, d'un ton plus bas cette fois :
‒ Tu me dois des explications. Je veux toute la vérité.
Il hoche la tête et baisse le regard. Il trouve un soudain intérêt à la bague autour de son doigt et la fait bouger entre ses mains.
‒ Ce que je m'apprête à te dire n'est pas facile pour moi. Je... promets-moi que l'image que tu as de moi ne changera pas.
Je fronce les sourcils. Qu'y a-t-il à dire de si grave ?
‒ Aby... me supplie-t-il.
Je secoue la tête.
‒ Non. Désolée, mais je ne peux pas te promettre ça.
‒Alors je ne peux rien te dire.
‒ Tu n'as pas le droit de me faire promettre ça ! C'est quelque chose qui ne se contrôle pas.
‒ S'il-te-plait, tu dois me faire confiance.Il me regarde maintenant dans les yeux, ce qui me déstabilise.
‒ Et si tu m'avouais être un meurtrier, je devrais toujours te faire confiance ?
Stan penche la tête sur le côté et fait rouler ses yeux avec un sourire en coin.
‒ Tu crois vraiment que je suis un meurtrier ?
‒ Non...Il pose ses mains sur mes épaules, et je sursaute légèrement, ce qui semble l'amuser.
‒ Écoute. Il y a un an, j'ai connu une fille. Elle était... exceptionnelle. C'était une des rares personnes à me faire rire, et à me faire sentir bien tout simplement. Tu vois, quand tout ce qui t'entoure te fait penser à une personne en particulier, quand ton humour ne dépend que d'elle, quand tu penses à elle en permanance, tu dois te résoudre à l'évidence. Cette personne, tu l'aimes. Alors quand j'ai réalisé cela, j'ai d'abord essayé de résister, je l'ai fuie. Mais tu ne peux rien contre l'amour. Tu as beau te battre, le repousser et l'ignorer, il te fouette en plein visage et ne revient que plus fort. Tu dois te demander quel est le problème, pourquoi est-ce que j'ai réagit de cette manière. Cette fille était déjà prise. Elle appartenait... à Julien. À chaque fois qu'elle venait à la maison, je les observais ensemble. Je voyais bien qu'elle était plus heureuse avec moi qu'avec lui. Ses yeux brillaient beaucoup plus lorsqu'elle parlait avec moi. J'ai lutté, mais mes sentiments m'ont rattrapé. Un soir on s'est embrassé. Elle m'a embrassé. Tu vois, l'amour c'est comme un aimant. Tu peux essayer de le séparer de la surface qui l'attire, mais tôt ou tard, lorsque tu relacheras la tension, il se ré-aimantera. Elle et moi c'était pareil. Au début, nous nous sommes dit que ce n'était qu'une erreur qui ne devait pas se reproduire, puis nous avons cédé à la tentation. Lorsque Julien prenait sa douche, lorsqu'il sortait les poubelles, chaque occasion était à saisir. Mais comme chaque chose a une fin, il a fallu qu'il découvre la vérité. Je t'épargne les détails. Blesser quelqu'un, le trahir, c'est affreux. Mais lorsque c'est ton propre frère... tu ne t'imagines pas à quel point la souffrance a été forte. Nous avons arrêté de nous voir, j'y ai mis un terme, mais Julien ne m'a jamais pardonné. Depuis, il n'arrête pas de me faire payer.
Je le regarde, une véritable émotion se dégage de ses paroles. Je sens que cette histoire touche Stan, et je suis touchée qu'il me la raconte. Au lieu de lui témoigner ma compassion, je me tourne et me redresse sur mon siège.
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Ouvre les yeux
RomanceJe m'appelle Aby. Les gens me voient comme une ado joyeuse, gentille, et heureuse. Mais tout ça n'est qu'une apparence, un masque, que je me suis confectionné et que j'améliore de jours en jours. Je suis douée pour faire semblant. Mais toute personn...