Chapitre 8 : Dure réalité

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À midi, je retrouve Ana, Emma et Julien assis à une table dans la salle de déjeuner. Il fallait bien que j'affronte mon nouveau petit ami.

‒Salut, leur adressais-je en souriant.

‒Hey Aby, viens t'asseoir avec nous ! Me lance Emma.

Apparement, sa rancune envers moi a disparu. Je m'installe en face d'Ana, et à côté de Julien. Ce dernier me prend de cours en écrasant sa bouche sur la mienne. J'ouvre de grands yeux et tourne la tête afin de me dégager. Les autres n'ont rien remarqué et je fais mine de rien, mais je peux lire une expression de déception sur le visage de Julien. Lui non plus ne dit rien.

‒Au fait Ana, dis-je pour passer à autre chose, on a théâtre demain et on a toujours pas commencé !

J'espérais qu'elle me rassure en me disant qu'elle avait débuté le travail, mais l'expression de son visage dit tout le contraire.

‒On a qu'à le faire cet après-midi, tu peux venir chez moi si tu veux, me propose-t-elle.

Je lui fais un grand sourire.

‒Oui ça serait super merci Ana !

J'observe Julien. Il a les yeux dans le vague et garde le silence. Je m'en veux, car même si je n'éprouve pas de sentiments pour lui, il est un ami, et je n'aime pas le voir comme ça. Je lui prends alors la main et lui souris. Il me rend mon sourire en deux fois plus intense.

Nous avalons notre déjeuner sans conviction tout en discutant de choses diverses et variées. Je suis plutôt proche de Julien, je n'ai aucun mal à être tactile avec lui. Pour ce qui est de l'embrasser, c'est un peu plus gênant pour moi. Je le vois seulement comme un ami, ce qui crée un blocage. Je crois bien qu'on peut parler ici de la fameuse friendzone.

La mère d'Ana est venue nous chercher à la sortie du lycée. Je suis frappée par sa jeunesse. Je n'ose pas lui demander à quel âge elle a eu Ana, mais ça doit s'approcher des seize ans. Je remarque vite qu'elles sont très proches toutes les deux, c'est l'avantage d'avoir un écart d'âge relativement faible avec sa mère. J'aurais tellement voulu avoir cette relation avec la mienne, pouvoir me confier sur tout, parler de garçons, partager des choses de la vie, sans aucun tabou. Malheureusement, c'est tout le contraire. Ma mère est tellement absente que je n'ai pas le temps de lui demander quoique ce soit. Et si j'aborde un sujet aussi futile que les garçons, elle a vite fait de couper court à la conversation, ou bien de changer de sujet. Du plus loin que je me souvienne, ma mère a toujours été distante avec moi. Je suppose qu'elle n'a tout simplement pas le gène maternel. Mais est-il normal d'être mère et de ne pas avoir cet instinct ? Naît-on avec, ou se développe-t-il avec le temps ? Est-ce une histoire d'envie et d'amour ou tout simplement de hasard ? Puis-je en vouloir à ma mère d'avoir été loin de moi, de mes soucis, et de s'être contentée de rester à la surface de notre relation ? Peut-être qu'elle essaie malgré tout. Au fond elle m'aime, je le sais. Je l'espère. Mon père aussi a toujours été absent, il est médecin humanitaire. Toujours en voyage, à aider les autres plutôt que sa propre famille. Je suppose que c'est pour cela que j'ai toujours été différente des autres, à cacher mes sentiments et enfouir en moi ma sensibilité, si profondément que j'ai fini par me demander si elle existait réellement.

‒Aby ? Aby on est arrivées, m'annonce Ana en riant.

Je lève la tête, elle et sa mère sont déjà sorties de la voiture, garée devant la maison banlieusarde.

‒Désolée, on dirait bien que je me suis assoupie. J'ai eu une courte nuit, mentis-je.

En réalité je suis seulement préocupée par ma romance à sens unique avec Julien. Et lorsque je suis angoissée, je m'évade par le sommeil.

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