Ouvre les yeux

Chapitre 2 : Julien

Je repère au loin Emma, l'une de mes « amis ». Je me dirige vers elle en me demandant ce que les gens autour pensent de moi. Je me pose constamment la question.

‒Hey ! Me fait-elle.

Je souris.

‒Salut comment ça va ?

‒Ça va et toi ?

Je hoche la tête.

‒T'aurais pas vu... commence-t-elle.

Des mains se posent sur mes épaules. Je sursaute et me retourne. C'est Julien.

‒Tu m'as fait peur !

Il me fait un sourire en coin.

‒Désolé. Vous venez, ça va bientôt sonner.

Emma et moi le suivons jusqu'à la salle de mathématiques. Je me rappelle de l'an dernier, lorsque j'étais à côté de Damian dans cette même salle, avec ce même professeur. On parlait, on riait. Quelque chose de si anodin et qui pourtant me faisait aimer les cours de mathématiques...

Julien me tire de mes rêveries. Il agite la main devant mes yeux.

‒T'es là ?

Je ris. C'est incroyable comme je fais bien semblant.

‒Au fait, je voulais te parler d'un truc...

J'entends les éclats de rire de ma classe qui arrive, chahutant dans le couloir.

Je regarde Julien et hausse les sourcils, d'un air interrogateur.

‒Non, je te le dirai après, dit-il avec un semblant de déception dans la voix.

‒Rangez-vous ! Je veux une file bien carrée, ordonne M. Ranflet.

Je me place à côté de Julien. Nous entrons en silence dans la salle de classe. Je m'assoie au quatrième rang, à côté d'Emma.

Je sens le regard de mon amie peser sur moi. Ne sachant quoi dire, je lâche la seule chose qui me vient à l'esprit sur le moment.

‒Julien veut me parler.

Elle hausse un sourcil.

‒Je pense qu'il va enfin se décider... ajoutais-je.

Un sourire illumine son visage.

‒C'est cool alors ! S'exclame-t-elle.

‒Mais je ne ressens rien pour lui.

‒Ça va, il est pas mal. J'aimerais bien qu'un mec comme lui s'intéresse à moi.

‒C'est pas le problème...

‒Non mais t'as quel âge ? Ne me dis pas que t'attends toujours d'être folle amoureuse pour sortir avec un garçon...

Je rougis.

‒Bien sûr que non ! J'aime bien Julien, il est beau, sympa, tout ce que tu veux, mais...

Elle attend que je finisse ma phrase.

Je soupire.

‒Quoi, t'es déjà avec quelqu'un ? Me demande-t-elle d'un ton accusateur.

‒Non...

‒Alors quoi ?

J'ouvre la bouche pour lui répondre, mais les mots ne sortent pas. Je ne le sais pas moi-même. Pourquoi ne pas vouloir de Julien ? Beaucoup de filles aimeraient être à ma place, j'en suis consciente, mais il m'a choisit moi. Il n'a pas eu besoin de me le dire, je le sens bien. Son attitude, ses attentions. Peut-être que je devrais céder. Mais je ne veux pas. Pourquoi ? Je suis déjà sortie avec des garçons en vacances, ce n'est pas le problème.

‒Abygaëlle ?

Je regarde Emma et hausse les épaules.

‒Je ne sais pas. Sûrement que je le considère trop comme un ami.

‒Ouais.

Elle ouvre le livre et commence son exercice. Elle a l'air... vexée. Cela n'a aucun sens.

Nous ne nous parlons plus de l'heure, nous étudions chacune de notre côté.

La sonnerie retentit. Alors que la plupart des élèves se disent « enfin la liberté », moi je pense à Julien. Il va m'annoncer qu'il veut sortir avec moi, et j'aurai l'air bête à ne pas savoir quoi lui répondre. Qu'est-ce qui m'empêcherait de dire oui ? Après tout, nous nous entendons bien, et ça ne me ferait pas de mal d'avoir une personne à qui me confier. J'étouffe, je me sens mal.

Je range mes affaires et le vois s'approcher de ma table.

‒Toujours en retard, toi !

‒Peut-être que je ne suis pas pressée d'aller en récréation, dis-je d'un ton plus dur que je l'aurais souhaité.

Il ne relève pas. Je mets mon sac sur mon dos et sors de la salle. Je marche à côté de Julien, attendant qu'il prenne les devants.

‒Donc, je voulais te dire quelque chose...

Je l'encourage en souriant.

‒Je...

Il s'arrête et me regarde droit dans les yeux. Je lis de l'incertitude dans son regard. Je ne sais pas ce qu'il me prend, mais j'agis sans réfléchir, je l'embrasse. Il me rend mon baiser, puis s'écarte de moi. Un sourire illumine son visage, chassant ses peurs.

‒Je crois que je n'ai plus besoin de te le dire, me chuchote-t-il avec un sourire espiègle.

Je me mords les lèvres. La sonnerie marque la fin de la pause. Pour une fois que j'appréciais la récréation... J'ai option théâtre. Avec Damian. Génial.

‒On se voit tout à l'heure ? Me demande Julien.

‒Ouais.

Il m'embrasse sur le front et part en direction de la salle de sciences. Je ne sais pas quoi penser. Peut-être que je n'ai pas besoin de réfléchir, mais seulement de profiter. Je me sens mieux que vingt minutes plus tôt, cela me semble être un indice que j'ai fait le bon choix. Si une relation avec Julien peut m'apaiser, c'est que c'est une bonne chose.

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