Je me retourne en me demandant qui cela pourrait bien être. Mes yeux s'écarquillent à la vue de Damian.
‒Non, pas ça, pitié... marmonnais-je.
Avais-je précisé qu'en plus d'être la reine des situations honteuses, j'étais aussi la plus malchanceuse au monde ? Je n'aurais pas pu imaginer pire scénario.
Je serre les dents et force un sourire crispé.
‒Eh Aby, monte, je ne vais pas te laisser rentrer sous la neige, me crie-t-il.
Je ne réfléchis pas une seconde avant de répondre sèchement :
‒Non, ça ira, merci.
Après ce qu'il vient de se passer, c'est la dernière chose dont j'ai envie. Je prie pour qu'il me laisse et s'en aille.
‒Allez, ne fais pas l'idiote.
‒Vraiment, je préfère marcher.
C'est vrai. Ou plutôt, je préfère ne pas passer une seule seconde de plus en sa compagnie.
‒Monte, je t'ai dit.
Damian passe d'une humeur joyeuse à mécontente. Ou bien anxieuse.
‒Je ne sais pas si c'est une bonne idée.
Comme il ne dit rien, je continue :
‒Après...
‒Abygaëlle, sérieusement. Je ne partirai pas tant que tu ne te seras pas montée, me coupe-t-il.
Je ferme les yeux et prends une longue inspiration. Je m'apprête à contester, mais il ne me laisserait pas le dernier mot. Je choisis alors de continuer mon chemin et de l'ignorer. J'ai toujours choisi la fuite plutôt que l'affrontement. Je baisse la tête et accélère, le vent en plein front. J'avance, rythmée par le bruit de mes pas. Mais à en croire le son, je ne suis pas la seule à marcher dans la neige. Je m'arrête et défigure le visage harmonieux de Damian. Je fronce les sourcils.
‒Quoi ? Me demande-t-il, tu ne veux pas que je t'amène, très bien. Je marcherai avec toi.
Je ris doucement.
‒Tu vas laisser ton scooter ici ?
Il hoche la tête et croise les bras, faisant ressortir ses muscles.
‒Tout à fait.
Je fais quelques pas supplémentaires, mon ancien camarade continue de me suivre.
‒Okay, t'as gagné, je veux bien que tu me ramènes.
Un large sourire éclaire le visage de Damian. Je me surprends à admirer sa beauté.
Il détache la bride de son casque, le retire et s'approche de moi, avec un petit sourire angélique. Je souris à mon tour et lève les mains pour attraper le casque, mais Damian me prend de cours en le posant délicatement sur ma tête. Je retire mes mains qui s'étaient retrouvées posées sur les siennes. Il plonge son regard dans le mien. Ses yeux sont d'un bleu enivrant.
‒Et voilà, on est prêts à partir, murmure-t-il.
Je baisse les yeux, légèrement troublée, et monte sur le scooter à la suite de Damian. Je repense au contact de ses mains douces lorsque j'ai essayé de prendre le casque. Je secoue la tête afin de chasser cette pensée de mon esprit.
‒Tu peux t'accrocher tu sais, je ne vais pas te mordre.
J'entoure de mes bras son buste puissant. Je me serre contre lui et appuie ma joue contre son dos.
Nous ne disons pas un mot pendant les premières secondes du trajet, tous les deux perdus dans nos pensées. La gêne que je ressentais au début s'est estompée. C'est lui qui brise finalement le silence :
‒Tu sais, pour tout à l'heure...
‒Aïe, n'en parle pas s'il-te-plait.
‒Ce n'est rien, tu n'aurais pas dû te mettre dans un tel état, personne ne t'a vue de toute façon.
Je fais un sourire en coin.
‒Si tu m'en parles ça fait déjà une personne !
‒Oui mais moi je ne compte pas.
J'entends son sourire s'étendre dans sa voix. En seulement cinq minutes, j'ai l'impression de ne jamais m'être éloignée de lui. Je peux redevenir moi-même le temps d'un trajet. Pourquoi nous sommes-nous perdu de vue ? Pourquoi ne nous sommes plus adressé la parole ? Je me dis intérieurement que je vais essayer de regagner son amitié à l'avenir.
‒Je suis vraiment désolé, dit-il.
‒Désolé pour quoi ?
‒Ce matin. Ton regard... je...
‒C'est bon, c'est oublié.
‒Non. Non ce n'est pas bon. Je me suis moqué de toi, j'ai laissé mes amis te ridiculiser. Aby, tu es mon amie aussi. Même si nous nous sommes éloignés cette année. Je n'aurais pas dû agir comme je l'ai fait. Je m'en excuse.
Je voudrais lui dire que ce n'est pas grave, que je le pardonne, qu'il est mon ami aussi et qu'il l'a toujours été. Mais aucun son ne sort de ma bouche. Je pensais avoir effacé cet épisode de ma mémoire, mais j'avais apparemment tord. À la place, je me contente de sourire dans le vide et d'acquiescer.
Damian ralentit et finit par s'arrêter quelques mètres devant ma maison. Je n'ai pas le souvenir de lui avoir donné mon adresse. Je retire mes bras d'autour de lui et détache le casque de protection. Je serais bien restée quelques temps de plus. Je descends du scooter et tends le casque à mon chauffeur.
‒Bon, ben merci...
‒Tu vois que j'ai bien fait d'insister !
Je fais la moue.
‒J'aurais pu rentrer à pieds... m'entêtais-je.
On reste là quelques secondes ne sachant quoi dire, puis il finit par s'en aller. Je secoue la main pour le saluer. Je le regarde quelques temps s'éloigner puis me décide moi aussi à rentrer chez moi.
J'ouvre la porte de ma chambre, retire mes chaussures puis m'écrase sur mon lit. Je reçois la notification d'un message sur mon téléphone portable. C'est Julien qui me demande si je vais bien. Je souffle et fais la grimace en me rappelant que je sors avec lui.
‒C'était du café ou de la drogue ce que t'as bu ce matin ? Me questionnais-je moi-même.
Je grogne et m'enfouis la tête sous l'oreiller.
Je pensais avoir atteint un stade élevé de faire-semblant mais désormais ce sera le summum. Embrasser une personne que je n'aime pas et prétendre le contraire quotidiennement, ça s'annonce épuisant.
Je ferme les yeux quelques secondes et me décide à répondre. Je ne veux pas être sèche mais je le suis malgré moi. Rien de plus antipathique qu'un "oui" par texto. Malgré tout, Julien trouve le moyen de me faire la conversation. Je ne lui parle pas de comment je suis rentrée chez moi, j'ai beau de pas m'y connaître en amour, mais je doute que de se faire raccompagner par un autre garçon fasse plaisir à un petit ami.
Nous discutons encore quelques minutes de choses plus ennuyantes les unes que les autres jusqu'à ce que le sommeil me gagne.
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Ouvre les yeux
Storie d'amoreJe m'appelle Aby. Les gens me voient comme une ado joyeuse, gentille, et heureuse. Mais tout ça n'est qu'une apparence, un masque, que je me suis confectionné et que j'améliore de jours en jours. Je suis douée pour faire semblant. Mais toute personn...