C A S S I O P E I A
Je ne suis pas surprise quand je vois Kal arriver lors de ma pause déjeuner. Ses cheveux sont encore mouillés et il a l'air fatigué, plus que d'habitude. Ses yeux semblent prendre vie à la minute où il me voit et mon cœur s'emballe. Il me fait toujours cet effet.
Sa démarche est sûre, mais ce n'est qu'une mascarade. Il se cache derrière son allure confiante et son regard insouciant, mais au fond, il est sensible et pas aussi fort qu'il souhaite le montrer. Et ça, ce n'est pas le genre de chose qu'il veut dévoiler, je l'ai bien compris. Mais il m'a laissé découvrir ce qui se cachait derrière sa carapace et je n'ai pu que tomber encore plus amoureuse de lui.
Kal est le genre de garçon qui intrigue les esprits et qui attire les regards. Peut-être parce qu'il est beau, peut-être parce qu'il est mystérieux. Je ne sais pas vraiment. Mais je sais qu'il ne laisse pas les filles indifférentes et qu'il s'en fout. Il est loin d'être le mec arrogant et prétentieux qui enchaîne les filles sans scrupule et qui se la raconte devant ses potes. De toute façon, il n'a pas de potes. C'est plutôt le genre de gars qui reste dans son coin, tout silencieux, mais qu'il ne faut pas déranger.
- Tu ne peux vraiment donc pas te passer de moi, dis-je quand il s'approche de moi.
Il acquiesce, un petit sourire sur ses lèvres, et il m'embrasse doucement, comme si j'étais une petite chose toute fragile. C'est un peu ce que je suis, fragile. Mais pas plus que Kal.
Le soir, quand j'arrive dans la chambre de Kal, je le trouve assis sur son lit, dos à moi. Sa tête est baissée, comme s'il regardait ses mains. Je m'approche de lui et il sursaute. Ce n'est pas normal. En m'accroupissant devant lui, je remarque son regard effaré et fuyant. Sa respiration est saccadée et ses mains tremblent fortement. Merde.
- Hé, je chuchote doucement en essayant de capter son regard.
Je pose délicatement mes mains sur son visage et relève sa tête. Il me regarde, complètement paniqué, et mon cœur se serre douloureusement. Ça faisait longtemps que ça ne lui était pas arrivé. Kal souffre d'anxiété et d'un léger trouble de la personnalité borderline. Il a du mal à gérer et à réguler ses émotions, même si ça s'arrange quand il prend ses médicaments, il est souvent occupé par un sentiment de vide et il est sujet à des insomnies chroniques. C'est ça qu'il cache derrière sa carapace.
- Ça va aller, dis-je en caressant sa joue, ça va aller.
- Ça ne... ça ne s'arrête pas, ça ne veut pas s'arrêter, dit-il d'une voix faible.
Il ferme les yeux et presse fortement ses paupières. Je prends ses mains dans les miennes et, peu à peu, les tremblements se calment. Kal inspire et rouvre les yeux. Ils sont remplis de larmes.
- Regarde, ça s'est presque arrêté, dis-je en lui montrant ses mains. Tout va bien, je suis là.
Il jette un coup d'œil à ses mains puis me regarde. Je les lâche en m'assurant qu'elles ne se remettent pas à trembler, puis je grimpe doucement sur lui et le serre dans mes bras. Son cœur bat à la chamade contre le mien et il me serre de toutes ses forces. Il enfouit son visage dans mes cheveux et je sens son souffle haletant dans mon cou.
- On va aller prendre une douche et ensuite, tu prendras tes médicaments, d'accord ? je demande contre sa peau chaude.
Il hoche lentement la tête. Les battements de son cœur se régularisent petit à petit et sa respiration redevient normale. Il semble s'être détendu, son corps n'est plus crispé et ses mains, agrippées à mes hanches, sont complètement calmes. Je n'avais pas réalisé que je pouvais le calmer si facilement.
- Je t'aime, chuchote-t-il faiblement dans mes cheveux.
Mon cœur s'arrête de battre un instant. Sa voix n'était qu'un murmure à peine audible mais ses mots résonnent intensément en moi. C'est la première fois qu'il me le dit. C'est la première fois que quelqu'un me le dit.
- Je t'aime aussi Kal. Plus que tout.