C A S S I O P E I A
Plus d'une semaine est passée depuis que Kal m'a emmenée voir la mer. J'ai passé d'incroyables moments durant nos deux jours d'excursion, surtout car c'était avec lui. J'ai aussi découvert une nouvelle facette de lui, le Kal protecteur. Il me demandait toujours si j'allais bien, si j'avais besoin de quelque chose, il s'assurait toujours que je mette bien de la crème solaire et il me tenait tout le temps la main dehors. C'était adorable de le voir comme ça, de le voir autant attentionné et doux avec moi alors qu'il a tendance à se refermer en compagnie d'autres personnes. Un peu comme une huître que moi seule peut ouvrir et voir la perle qui se cache à l'intérieur.
Je sors de ma chambre et descends les escaliers sur la pointe des pieds. Ma tante est dans le salon, en train de regarder son feuilleton à l'eau de rose. Je la regarde un instant, adossée dans l'encadrement de la porte. Maisie m'a élevée comme sa propre fille et je la considère comme ma mère. Elle m'a prise sous sa tutelle malgré son jeune âge —elle n'avait que 19 ans quand mes parents sont décédés, et elle ne m'a jamais laissée tomber. Elle est ma seule famille, du moins la seule que je connaisse.
Elle doit sentir ma présence, car elle se retourne et m'adresse un sourire.
- Ne rentre pas trop tard ma belle, dit-elle.
Je hoche la tête et lui envoie un baiser imaginaire qu'elle fait mine d'attraper. J'éclate de rire puis je sors de la maison. Ce soir, il ne fait pas trop chaud et une douce brise rafraîchit l'atmosphère. On sent bien que c'est bientôt la fin de l'été.
La chambre de Kal est vide et sa porte est grande ouverte. Je m'aventure dans le couloir et remarque que la porte de la chambre d'ami est ouverte. Kal m'a expliqué que c'est la chambre qu'occupe sa mère lorsqu'elle lui rend visite, ce qui est rare. Elle habite à Los Angeles avec son nouveau mari et elle semble vivre très aisément. C'est pourquoi Kal vit tout seul dans une immense maison alors qu'il n'a que 19 ans.
La fenêtre du plafond est ouverte et une chaise est posée en dessous. Je me hisse sur le toit et découvre Kal assis sur les tuiles, en train de fumer. Je m'approche de lui, mais il ne lève pas la tête, visiblement concentré sur une feuille qu'il tient entre ses mains.
- Salut, dis-je en m'asseyant à côté de lui.
Il finit enfin par me regarder et je vois immédiatement qu'il est contrarié. Il grommelle un "salut" presque inaudible et se re-concentre sur son papier en tirant une longue taffe. J'essaie de le lire par-dessus son épaule, mais il fait sombre et je ne vois rien.
- Mon père veut reprendre contact avec moi, annonce Kal en rompant le silence brutalement.
Il écrase sa cigarette avec force. Il est en colère, mais je sais que ce n'est pas contre moi.
- Ton père ? Je croyais qu'il était mort, dis-je en fronçant les sourcils.
- J'ai menti, avoue-t-il en secouant la tête. Je voulais pas te dire que ce connard m'a abandonné et que tu mettes à me regarder avec pitié.
- Kal, dis-je en posant ma main sur son avant-bras. Je pensais que tu me connaissais. Tu sais que je n'aurais pas fait ça.
Il pose sur moi son regard attristé et mon cœur se brise. Je n'ai plus en face de moi ce jeune homme taciturne et solitaire mais ce petit garçon apeuré et délaissé.
- C'était un jour comme les autres. Il avait pas si l'air différent que ça, et de toute façon j'étais un gosse, j'aurais pas remarqué... Il est juste parti au travail et il n'est jamais revenu, m'explique Kal. J'avais moins de cinq ans, j'ai mis du temps à comprendre qu'il nous avait abandonnés, ma mère et moi.
Du bout du doigt, je trace les traits de son visage et il se détend. Il ferme les yeux et lâche un soupir.
- Il veut me voir, il veut voir ce que je suis devenu, dit-il avec un soupçon de panique dans la voix. Il a la putain d'audace de m'abandonner puis de vouloir revenir dans ma vie comme si c'était rien.
- Hé, t'es pas obligé d'accepter, au contraire, t'es pas censé accepter. Qu'il aille se faire foutre.
Kal hoche la tête et l'ombre d'un minuscule sourire passe sur ses lèvres. Je pose mon front contre sa tempe et me blottis contre lui. Son odeur m'envahit, un mélange de menthe, d'after-shave et de cigarette. J'embrasse sa pommette, puis l'arête et le bout de son nez et enfin sa bouche. Ses lèvres sont insistantes, avides et une once de désespoir se fait sentir dans ses baisers. Il m'embrasse comme s'il manquait d'oxygène et que j'en étais la seule source.
Bientôt, il me fait passer sur ses genoux et je me colle contre lui en laissant échapper un gémissement étouffé. Ses doigts agrippent fermement mes hanches et il m'embrasse avec une telle ferveur que j'en ai le souffle coupé.
- Cass, dit-il, faut qu'on descende.
Je me rends compte que nous sommes encore sur le toit. Je soupire et me détache de lui, mais il attrape ma main, noue nos doigts et m'aide à redescendre. Rapidement, on atterrit dans sa chambre puis dans son lit. Il s'installe au-dessus de moi et colle son corps contre le mien. Ses lèvres abandonnent ma bouche pour trouver mon cou et je cambre les reins sous ses baisers. Il me fait perdre tous mes moyens. Son souffle saccadé et sa bouche chaude contre ma peau me rendent folle.
D'une main impatiente, je tire son t-shirt par dessus sa tête et il se débarrasse du mien aussi rapidement. Nos pantalons connaissent le même sort et nous nous retrouvons peau contre peau, avec une dernière barrière de tissu.
- Kal, je... Je suis prête, dis-je dans un souffle.
Il se redresse légèrement et plonge ses yeux chocolat dans les miens. Instantanément, la légère angoisse que je ressentais s'envole.
- Tu es sûre ? demande-t-il.
Je hoche la tête. Sous son regard ardent, mon cœur s'emballe et mon corps s'embrase. Il me veut autant que je le veux.
- Je n'ai jamais..., dis-je d'une petite voix en espérant qu'il comprenne.
- Je sais. Moi non plus, avoue-t-il. Je serai doux, je te le promets.
- Je t'aime.
- Et moi encore plus.
Comme si c'était possible. Il dégrafe mon soutien-gorge et je me retiens de rire en voyant la tête qu'il fait. Quand il finit de loucher sur ma poitrine, il fait glisser le reste de nos habits et il m'embrasse tendrement. Puis je rabats la couverture sur nos corps brûlants de désir et nous enferme dans notre monde rien qu'à nous.