C A S S I O P E I A
Je passe le restant de la journée dans mon lit. Je n'ai pas la force de me lever ni de faire autre chose. À midi, Maisie me force à manger sans me poser de questions, ce à quoi je lui suis grandement reconnaissante.
L'après-midi, j'alterne entre somnoler et fixer le plafond et le temps passe très lentement. Je m'attends à voir Kal débarquer dans ma chambre pour s'excuser à chaque instant, mais il ne vient pas. Je n'arrive pas à croire qu'il ait tout ramené à lui-même et qu'il ait pensé que j'allais l'abandonner. Au moins, Maisie était contente pour moi et elle n'a pas pété un plomb quand je lui ai annoncé.
En fin de soirée, je n'en peux plus. J'ai besoin de sortir et de respirer de l'air frais. J'enfile un pull et je sors de la maison. Je vais m'allonger en plein milieu du jardin pour regarder les étoiles. La nuit est claire et elles sont bien visibles, ce soir. Je remarque directement Cassiopée et mon cœur se brise une énième fois en repensant à une conversation entre Kal et moi sur les astres. Elle avait fini par un "Tu es mon étoile préférée" de Kal et des tonnes et des tonnes de baisers. Je lâche un son bizarre, à mi-chemin entre un soupir et un sanglot. Je tire les manches de mon pull, car il fait frais et je m'arrête quand je vois sa couleur, éclairée par la lumière de la lune. C'est le sweat de Kal. Je n'y avais même pas fait attention.
- Putain, je souffle dans le silence.
Je me frotte les tempes et secoue la tête quand une idée me vient. Non. Oh et puis mince. Sans réfléchir, je me relève et avant que je ne m'en rende compte, je suis devant la maison de Kal. Elle n'est pas éclairée, en même temps, elle ne l'est jamais. Je m'avance vers le seuil et attrape les clés, coincées au-dessus de la porte dans un petit trou. En ouvrant la porte, je suis accueillie par le silence et l'obscurité. Génial.
J'avance à tâtons dans le noir puis je trouve un interrupteur et je fais le tour du rez de chaussé mais, il n'y a personne. Je grimpe à l'étage, qui est tout autant désert que le reste de la maison. J'aurais dû remarquer que la voiture de Kal n'était pas devant la maison. Il est parti, mais il n'a rien pris, en tout cas, il ne manque rien dans sa chambre. Je m'affale sur son lit et hume son parfum imprégné dans les draps. Son oreiller se retrouve dans mes bras et je le serre contre moi comme si c'était lui. C'est ridicule, mais je suis fatiguée et accablée. Et je m'endors.
Brrr. Brrr. Brrr.
Je me réveille en sursaut et, durant un instant, je suis complètement perdue. Puis je me rappelle que je suis dans le lit de Kal et qu'il est parti. Je me souviens douloureusement de notre dispute et mon cœur se serre.
Je sors mon portable de ma poche en grognant. C'est Maisie. Mince, elle doit s'inquiéter.
- Allô ? Oui, je vais bien. [...] Non, je ne suis pas morte. [...] D'accord, j'arrive dans cinq minutes.
Je raccroche et sors du lit en m'étirant. Je me suis endormie tout habillée et je n'ai qu'une seule envie, prendre une douche. Et manger.
Maisie m'a toujours dit qu'une bonne douche bien chaude résolvait tous les problèmes et elle avait raison. Enfin, pas vraiment, mais après m'être lavée, je me sens légèrement mieux. Et après m'être nourrie, encore un peu mieux. Mais c'est tout et je passe la journée à trainer dans la maison comme une âme en peine. Maisie doit commencer à s'inquiéter car elle me propose de regarder son feuilleton avec elle. J'accepte, même si je n'ai pas envie de m'assoir, et, malgré-moi, je me commence à m'intéresser à la série et j'oublie temporairement le reste. C'est débile et mal joué, mais je continue à regarder et nous nous enfilons trois épisodes. À la fin du dernier, quand James annonce à Shannon qu'il a un cancer et qu'il va bientôt mourir, j'explose en sanglots. Toutes les larmes que j'avais réussi à retenir se mettent à couler abondamment sur mes joues sans que je puisse les arrêter. Maisie éteint la télé et me prend tendrement dans ses bras, de la même manière qu'elle l'a toujours fait quand je craquais.
- Pourquoi la vie est aussi injuste ? je pleurniche contre son épaule. Pourquoi on ne peut jamais être heureux quand on est amoureux ?
- Oh ma belle, ne dis par n'importe quoi. Bien sûr qu'on peut être heureux en étant amoureux, tu le sais très bien. Repense à tous ces moments que vous avez vécus. (Elle a deviné. Elle me connait tellement bien, c'en est presque effrayant.) C'étaient des moments heureux, non ? Parfois, il arrive que les choses ne se passent pas comme on les avait prévues et ça peut causer du malheur, beaucoup de malheur. Mais votre amour est plus fort que ça Cass, vous surpasserez tout ça. Je te le promets.
Je hoche la tête et renifle bruyamment. Elle a sûrement raison, mais je ne sais même pas où est Kal. Comment allons-nous surpasser ça ?
- Je ne te l'ai jamais dit, mais je voyais quelqu'un quand tu étais adolescente, m'annonce Maisie. Tu devais avoir treize ou quatorze ans. Tu te rappelles, quand je partais plus tôt et que je rentrais plus tard ?
- Quoi ?! Mais je croyais que c'était parce que tu travaillais plus pour avoir une augmentation !
Je suis surprise qu'elle m'ait caché ça.
- Bah, c'était un peu ça car il travaillait avec moi. C'était Wade Terrence, le gars de la compta.
- QUOI ? Wade comme dans Wade le mannequin-comptable ultra sexy ? NON !
- Je n'ai jamais compris pourquoi il avait abandonné le mannequinat pour la comptabilité, mais bref, oui c'était lui. On s'est vus pendant quelques semaines avant que je ne me rende compte qu'il n'était pas intéressant et que je m'ennuyais avec lui, même s'il était assez sexy. Très sexy.
Ses yeux se perdent un peu dans le vide et elle semble replonger dans des souvenirs que je ne veux surtout pas connaitre. Puis elle revient à la réalité en soupirant.
- Hum, c'était quoi la morale de l'histoire ? je la questionne en essuyant mes dernières larmes.
- Oh, il n'y en avait pas. C'était juste pour te changer les idées, répond-elle en haussant les épaules.
Je lève les yeux au ciel et souris un peu. Au moins, je n'ai pas pensé à Kal pendant quelques instants.
- Cassiopeia, mon chat, tout ira bien. Et si tout ne va pas bien, je serai toujours là.
- Je sais. Merci Maisie, dis-je en l'étreignant étroitement
Elle me serre contre elle et, dans ses bras, j'arrive à retrouver un peu d'espoir. Kal et moi nous aimons trop pour que notre histoire se termine stupidement comme ça. Mais, d'abord, il faut que je le retrouve.