Masque

3.9K 343 274
                                    

_ "Mais de quoi tu parles ? Tu sais je ne m'intéresse pas au statut de mes amis, ce qui compte c'est ce qu'il y a à l'intérieur. Je ne me rappelle pas t'avoir demandé ton nom, au fait.

- C'est Jeff. "Répond-il d'une voix neutre.

Je me félicite presque pour cette dernière intervention et récupère bien vite mon sang froid. Il n'a pas pu suivre le cheminement de mes pensées.

Il doit être un adolescent un peu paumé qui ne sait plus à qui faire confiance à cause du statut impressionnant de ses parents. Les vautours sont assez nombreux de nos jours. Oui, cela doit être la trace d'une ancienne blessure, d'une trahison.
J'en pleurerai presque.

Je m'empêche de tortiller nerveusement une de mes mèches brunes tandis qu'il me fixe silencieusement. Un malaise évident s'installe, je me concentre sur l'attitude de mon interlocuteur.
Celui-ci s'affale sur son bureau, ses yeux brillant d'une curiosité non dissimulée.

- "Jolie comédie, belle improvisation. Tu joues aux échecs ? "Déclare-t-il soudain.

Panique renouvelée, et peu de temps pour répondre.

- "Bien sûr qu'elle joue aux échecs. Elle a d'ailleurs gagné le championnat régional l'année dernière, Immi est un véritable petit prodige. "Déclare mon petit ami, derrière nous.

Mickaël, je pense n'avoir jamais été aussi heureuse d'une de tes interventions. Je me retiens cependant de parler à voix haute.

- "Vraiment ? J'y joue aussi. "Affirme mon nouveau voisin en se penchant subtilement en avant.

- "Je ne suis pas si douée que ça.... "Je me dépêche d'ajouter. Fausse modestie, évidemment.

Considérant avoir à présent suffisamment d'intimité, je me décide à le questionner sur le port de son masque. Indirectement, bien sûr.
La sonnerie résonne, nous sortons.

- "Au fait Mickaël ! J'ai changé la photo de mon carnet de correspondance. Tu la trouves comment ?

- Elle est superbe. Avec un tel modèle, il est difficile de rater une photo. "Commente-t-il.

Je baisse les yeux, un semblant de gêne apparaissant sur mes joues. Attendre que Mickaël fasse le lien, espérant que ce ne soit pas trop long.

- D'ailleurs Jeff ! Il faut que tu colles une photo de toi au dos de ton carnet et.... Oh. Cesse soudainement mon petit copain.

Enfin.

- Il faudra que tu en prennes une sans ton masque. Si ce n'est pas trop indiscret, pourquoi est-ce que tu en portes un ? Continua-t-il.

Victorieuse, je me félicite intérieurement. Voyant la réaction de notre interlocuteur, ma joie s'estompe assez rapidement.
Je connais mieux que quiconque le regard ridiculement triste qu'il dirige vers le sol, sans oublier les épaules qui s'affaissent légèrement, plus fragile qu'il ne l'est.

- Je... J'ai .... J'ai eu un accident. Un accident grave qui a meurtri une bonne partie de mon visage.

Bégaiement maitrisé, calculé. Je me retiens de lui faire ravaler sa voix tremblotante.
Bon sang Mickaël, utilise le peu de neurones que tu possèdes, la supercherie est flagrante. Il ment.
Au lieu de cela, je vois le visage de mon ami se liquéfier.

- Je suis désolée, je ne voulais pas.... Je parlerai au directeur, ne t'en fais pas. Appuie-t-il, et je pourrai presque discerner l'amusement du garçon sous son masque.
Je suis hors de moi.

Je me retrouve seule avec Smile, Mickaël devant se rendre à la musculation.
Préparation mentale à la discussion de personnes désobligeantes.

Je profite de ces quelques secondes pour me tourner vers le nouvel élève.

- Je ne suis pas prêteuse.
Si il parvient à comprendre que je parle de Mickaël, je n'aurai plus aucun doute quant à son précèdent mensonge.

- J'avais remarqué. Réplique-t-il. Je n'aime pas non plus que l'on touche à mes affaires.

Le couloir est étrangement vide d'étudiants, je décide de ne pas y prêter garde. Brusquement, Jeff se penche vers moi et retire son masque. Il s'amuse.
Je vois sur son visage d'une pâleur cadavérique se former une expression démentielle, accentuée par une cicatrice morbide en arc de cercle formant un sourire. Macabre vision.

- Ne t'inquiète pas, j'aurai bientôt mes propres pions. J'espère sincèrement que tu es douée aux échecs.

Sous-entendu latent, promesse d'un affrontement. La réaction la plus saine serait d'être en proie à une peur panique, je ne parviens qu'à sentir vibrer un trop grand intérêt pour l'individu.
Intérêt dangereux, certes.

Je sens mon visage se détendre, à ma façon je laisse aussi tomber le masque tandis que je lui réponds d'une voix plus grave que d'ordinaire.

- Avec plaisir.

La quatrième catégorie [Jeff the killer]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant