Pansements

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La main s'agrippe aux barreaux de métal, abandonne sa prise pour appuyer sur la plaie.

Il est encore conscient, trop fier pour demander de l'aide. Un rire soulève sa poitrine douloureusement.

- C'est amusant, non ? Juliette... Et Roméo... Sur un balcon...

La voix se casse, il tousse.

Appeler les urgences me semble la solution la plus raisonnable, bien que sa venue témoigne le refus de s'y rendre.

- Où sont mes fleurs ?

Je me reprends.

- Et accessoirement, que veux-tu que je fasse ?

Je connais déjà la réponse, pure provocation.

Il désigne vaguement l'endroit rougeoyant, pressé par son bras. Assez mal en point pour ne pas relever la pique.
Une inquiétude inattendue me pousse à agir, ses paroles devenues chuchotements.

- S'occuper... De ça.

Une pause. Il reprend son souffle, je lui intime de ne pas continuer, déchargeant le contenu médical de ma trousse sur le sol. Précipitation.

- J'ai... Bien mieux à... À offrir... Que des fleurs.

- Silence maintenant. Écarte ton bras.

Une coupure profonde, sans gravité si soignée assez rapidement.
Les instruments entre les doigts, remerciant la profession de mon paternel, je répare. 

Pansement final, appliqué avec soin.

Je daigne enfin à regarder l'intrus, ayant craint les rictus douloureux qu'il devait arborer quelques secondes plus tôt.

J'hésite, finis par soulever son corps difficilement, le dépose sur ma chaise de bureau. Sommeil assez lourd, apparemment.

Mon téléphone trône sur le plan de travail, la solution toute trouvée.

- Imminence ?

- Bonsoir, Jane.
Je m'excuse de te déranger si tard, j'ai un énorme problème sur les bras.

- Je t'écoute.

Une tâche ardue que de mentir à ma professeur de stratégie, les expressions calculées, dosage idéal de soupirs.

- Une soirée illégale où il s'est fait agresser ? Pas ton genre de fréquentations.

- Il n'a pas la vie facile, si ses parents l'apprennent... Ou si les miens le surprennent à la maison, je...

Je ne finis pas ma phrase, en suspens, enchaîne sur une autre.

- Même si immature sur certains points, il est brillant Jane. J'envisage de l'inscrire au club, tu verras par toi-même.

La dernière précision achève de la convaincre.

- J'ai compris, je passe le prendre. Qu'est-ce que je ne ferai pas pour mon élève préférée... ? Ne réveille pas tes parents, ce serait bête d'avoir fait tout ça pour rien.

Je ris légèrement au ton employé, soulagée sans vraiment l'être.

Situation merdique.

La fatigue m'affecte, amplifie les émotions.

Une colère sourde envers moi-même, pour être incapable de le laisser se débrouiller aux mains de la justice, comme je l'aurai fait avec d'autres individus.
Peut-être même la totalité de mes connaissances.

Et ça m'éclate à la figure, le lien que nous entretenons trop étrange, l'intérêt quasi-obsessionnel que nous nourrissons réciproquement.

Insanités agréables.

La quatrième catégorie [Jeff the killer]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant