La quatrième catégorie [Jeff the killer]

Réponses

Yann Lawsford a été enlevé, Jane et l'inspecteur sont décédés.

Tu ne devrais pas rester ici ce soir.

Le doute est insidieux, Jeoffrey Smile s'inscrit sur la liste des suspects. Les détails convergent dans ce sens. Blessure à l'épaule, London Bridge, pourquoi il n'exprimait aucune opinion sur l'affaire.

Il serait dommage que je t'endorme maintenant, Imminence.

J'envoie valser mes feuilles, les crayons dégringolent sous le bureau, mes poings se fracassent sur le bois.
La colère me consume, la silhouette de Jane se juxtaposant au sourire de l'ange.

Lawsford avance trop vite sur l'affaire.

Mon pied percute la poubelle, déversant un flot de papiers froissés sur le sol.

L'un se déplie, mis en avant par un hasard grotesque.

Annabelle Stark.

A-S

Je me courbe, déplie le papier dans toute sa longueur.
La suite logique se dessine.

Annabelle Stark, Yann Lawsford.

A-S-Y-L

Les quatre premières lettres achèvent mon état. Le mot de passe de Jeff.

Asylum.

Pourquoi m'avoir donné toutes les pièces en main pour te démasquer ?

Sonnerie.

- Coucou Imminence !
- Bonsoir Myllie. Comment vas-tu ?

Mon souffle est calme, les mots sont impassibles.

- J'ai eu Jeff au téléphone.
- Passe moi de suite son numéro.

La réplique se fait sèche. La rancune est trop importante, apparaît dans chacune des phrases que je lâche. Silence à l'autre bout du fil.

- Désolée Myllie, je suis un peu sur les nerfs avec toute cette histoire.

- Ne t'inquiète pas. C'est moi qui suis désolée pour Jane. Mais je t'apporte une bonne nouvelle !

Je laisse filer la suite.

- C'est Jeff !!!

Contraction de la mâchoire.

- Il m'a avoué qu'il t'aimait plus qu'une amie il y a quelques jours, mais tu ne répondais pas. Et comme j'étais en voyage tu sais...

Ma main me chatouille, je crève d'envie de raccrocher.

***

Il arrive à l'avance, vaquant d'une place à l'autre sous les reproches d'un surveillant.
Nous avons deux longues heures de permanence.

Nos attentions se croisent.

Son sac avoisine le mien, il s'assied.

- Combien de personnes est-ce que tu as tué ?

Mes cordes vocales menacent de hurler, défaillir, mon ventre bouillonne de fureur. Ma voix posée marque la distance.

- Pourquoi m'as-tu laissé autant d'indices ?

Le stylo plume éclate, le métal prend une forme improbable. L'encre se propage sur la table, jusqu'à la manche de son sweet blanc.

- Tu le sais déjà.

tu sais ce qu'il m'a répondu ? QU'IL S'ENNUYAIT.

Le tissu blanc s'imbibe de bleu. Je prolonge le dialogue.

- C'est absurde. S'ennuyer du crime ?

Le susnommé sourit, victorieux de ma propre conclusion. Les yeux brillants, il balance sa chaise en arrière, s'approche.

- Pourquoi est-ce que tu n'as pas encore prévenu la police, Imminence ?

- Pourquoi est-ce que tu ne m'as pas encore tué Jeff ?

Les mots sont crus. Sa gorge tressaute, un rire sonne, c'en est presque devenu un réflexe.
Le visage se détend, sérieux, admet une faille.

- Je n'en sais strictement rien.

La manche tachée colore doucement ma joue de bleu, la main joue avec une mèche.

- Et toi ?

L'excuse mensongère est sur ma langue, mes lèvres se mouvant à peine qu'il m'interrompt.

-Attend !

Le jeu des doigts cessent, il ouvre des grands yeux.

- Laisse moi deviner.

La folie se découpe entre des pauses, ses inspirations. Les touchers me laissent indifférente, peut-être pas, sans importance du moins. Éclipser le subjectif.

- Je n'entre dans aucune de tes jolies petites catégories.

Un cheveu est arraché, enroulé autour de son index.

- Tu t'emmerdes d'eux, pas de moi.

L'horreur reprend la forme de son amusement, et il continue de propager son hilarité dans la salle.

Le rire sonne faux, triste, glas de la fin des enfantillages.

Chacun a sa réponse, la suite est incertaine. Je me surprends de désirer être ignorante, voulant continuer le jeu inoffensif de nos débuts.

- Eh Mi-mi-nence. Tu veux vraiment faire matt ?

Je me complais dans le silence, ma vue se voit perturbée. Il ne rit plus, son masque à moitié mis en place.

- Me voir perdre la partie ?

Les images sont moins nettes, les contours de ses traits se flouent.

Ma main sous la paupière, un goût salé sillonne entre mes lèvres.