Perturbations

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Plantée dans le fauteuil peu confortable du bus, je réfléchissais.
Jane, l'enlèvement de la gamine, la chanson. Smile.

Sa réaction brusque, un indice quant à un futur coup bas ? Non. Pas assez surjouée, trop honnête.

Soudain, le ciel se cisaille en deux. Un éclair. La pluie se déverse violemment, la vitesse du véhicule ralentit, jusqu'à se stabiliser presque. Je soupire, risquant d'être en retard chez moi.

Vibration dans ma poche.
Je regardai l'écran de mon téléphone, mon fil d'actualité s'affole.

Je parcours des yeux les dizaines de nouveaux articles parus, tous traitant de la gamine disparue et d'un nouvel élément.
Je glisse mes recherches vers les médias indépendants trop curieux, de l'inédit fiable pour certains.

Cet élan de panique est dû aux lettres anonymes, barbouillées de "London Bridge", reçues par la police la veille.

Alors que je n'étais pas encore au courant de la signification de la musique.

Instinctivement, j'envoie un message.

- Bonsoir Jane, je pense être la seconde à te poser la question après la police. Tu as parlé de cette chanson autour de toi ?

- Rebonsoir Imminence, la réponse est non. Personne d'autre, sauf au commissariat qui n'a pas communiqué l'information aux médias.

Donc personne d'extérieur n'était au courant.
Deux possibilités ; des fuites de la part des officiers de police, ou l'auteur des lettres est directement impliqué dans l'affaire. Et est possiblement le criminel.
Ma réponse ne s'envoie pas. Plus de réseau.

J'essaie de ne pas enrager contre le temps.

La tempête ne semble pas prête de cesser, le manque de visibilité pousse le chauffeur à stopper le véhicule. Évacuation d'urgence.

On nous demande de rester calme, et les enfants gigotent et crient, en tout sens, leurs cartables sur le dos. Gosses de primaire.

Alignés, nous sortons sous la pluie, en direction d'un espèce de foyer tout public, en bois.
D'autres personne y ont trouvé refuge, je m'agace déjà d'être en présence d'autant de monde. Tous sont regroupés autour d'un feu de cheminée improvisé, leurs ombres étranges sur le parquet.

Deux ou trois têtes me sont connues, je m'enfouis sous ma capuche pour ne pas avoir à supporter leur attention.

- On a contacté vos parents, ils savent que vous êtes à l'abri.

J'acquiesce par politesse à l'officier bienveillant.

Toujours emmitouflée dans ma veste, je mime de regarder la fenêtre. Ma joue contre la vitre glacée.

Je fronce les sourcils, une forme se découpe dans la pluie. Un sweet blanc, les mains dans les poches.
Je pense en connaître l'identité.

Impulsivement, je m'éclipse vers les toilettes, assez habituée des lieux pour connaître une autre sortie que la principale.
Mes chaussures trempées crissent sur le tapis.

Silencieusement, je pousse la porte métallique qu'on a cru bon de dissimuler derrière les cartables. Aucune surveillance, j'avance rapidement.

Les gouttes s'écrasent sur la capuche, une bourrasque m'agresse. Il est toujours dehors, à peine visible.

Il marche calmement, entre les feuilles volantes et les copeaux de bois. Je suis mon instinct en restant à bonne distance.

Il avance. Je continue à le suivre.
Il bifurque à droite, puis à gauche, se perdant dans des sentiers peu connus.

La végétation se fait plus abondante, il est difficile de le suivre et de se repérer.

Un pont, il descend sous un vieux pont de pierre abandonné dominant une rivière morte, se place en dessous de celui-ci afin de ne pas être atteint par la pluie.
Jeff sort un marqueur de sa poche, inscrit sur la pierre une phrase ou un mot invisible de là où je le surveille.

Il abandonne son air calme et pousse un grand rire, dérangeant.
Mon souffle se saccade, je me plaque derrière un arbre et un buisson assez dense pour ne pas être remarquée.

J'attends quelques minutes après son départ pour sortir de ma planque, les ronces me griffant le bras et les mollets.

J'enjambe le tout, vérifie une dernière fois d'être esseulée et me presse vers l'inscription.

En lettres majuscules, repassées plusieurs fois, deux énormes lettres surplombaient le dessous de l'édifice, s'adressant définitivement à moi. Enflure. Je me retiens de hurler de frustration.

"VU"

La quatrième catégorie [Jeff the killer]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant