Angel & Marie - T. 2

2. Bataille (1ère partie)

Ils étaient au milieu de l'océan atlantique, à quelques pieds au-dessus de l'eau. Les Juges avaient convoqué tous les anges Gardiens et Tentateurs libres, c'est-à-dire tous ceux qui étaient entre deux missions ou qui pouvaient abandonner la leur quelques temps sans risque. Ils formaient une armée impressionnante, innombrable, de silhouettes lumineuses. Ils se tenaient en ligne compacte sur un nombre de rangs incalculable.

Au centre de la première ligne, les deux Juges encadraient Angel et Marie. Ces derniers se pressaient la main. Les visages de tous étaient tendus, concentrés. Ils faisaient face à un point noir de l'horizon d'où bourgeonnaient des nuages menaçants. L'obscure nuée croissait d'instant en instant. Les flots s'agitaient, l'océan paraissait pris de spasmes violents et roulait des vagues de plusieurs mètres de haut. Les vents se levaient, hurlaient et tournoyaient entre les deux camps. La bataille n'était pas encore engagée qu'elle s'annonçait déjà dantesque, à en juger par le tumulte des éléments. Un cyclone d'une puissance inouïe se préparait et les enveloppait. On pouvait s'inquiéter de ses répercussions sur les terres côtières.

Le vieux juge prit la parole :

— Anges des Cieux, tenez-vous prêts à livrer bataille ! L'affrontement direct entre forces du Bien et forces du Mal risque d'être d'une violence extrême et d'engendrer le plus terrible des cataclysmes. Nous mènerons ce combat s'il le faut. Mais, d'abord, pour la survie de l'humanité, nous devrons tenter de l'éviter. Vous savez tous que notre confrontation directe avec le Mal libère des énergies destructrices pour l'ensemble du monde vivant sur terre. Pour protéger la vie, nous devrons, comme de tout temps, essayer de trouver un compromis. Quand nous saurons exactement qui nous attaque, je tenterai de négocier avec l'ennemi. Tenez-vous prêts mais attendez mon ordre pour entrer dans la bataille.

La tension grandissait, chacun était aux aguets. L'espace devant eux était zébré d'éclairs de plus en plus rapprochés. Soudain, précédée d'un vent résonnant tel une masse de cris atroces et aigus, la sombre nuée parut fondre sur eux, elle s'éleva jusqu'au ciel en un noir bouillon à quelques mètres d'eux. Bientôt, à leur hauteur, les brumes se dissipèrent peu à peu et laissèrent apparaître l'armée des Ténèbres. Elle était composée d'une multitude de bataillons. A la tête de chaque bataillon se tenait une diablesse aux traits déformés par la haine. Angel les reconnut immédiatement :

— Leurs chefs, ce sont toutes mes anciennes missions ! annonça-t-il aux Juges.

Et avant même que les juges aient eu le temps d'acquiescer, il s'adressa à elles :

— Créatures de l'Enfer, je sais ce que vous êtes venues chercher. Vous réclamez vengeance contre celui qui a œuvré à votre damnation. Votre haine a soif. Je me livre à vous, mais à une condition...

Marie ne le laissa pas en dire davantage. Elle savait ce qu'il allait dire : à condition que la bataille n'ait pas lieu. Il était prêt à se sacrifier pour éviter le cataclysme. Il devait sans doute se dire que condamné pour condamné, autant que sa damnation serve à quelque chose en la devançant. Il s'assurait ainsi que sa triste fin permettrait au moins de sauver l'existence de son aimée et la vie de nombreux humains.

— Angel, non !!! hurla-t-elle, en le retenant par le bras.

Il tourna son visage vers elle, avec un sourire triste :

— Marie, c'est mieux ainsi. Nous n'avons pas le choix. J'ai pris ma décision. Elle est irrévocable.

Le vieux Juge abonda dans le sens d'Angel :

— C'est un choix sage, Marie. C'est sans doute la meilleure solution.

De leur côté, Elodie et Sandra jubilaient :

— C'est pas un mec pour toi, Marie ! On te l'a déjà dit, t'as pas encore compris ? C'est un meurtrier ! Un assassin ! Sa place est parmi nous ! brailla la première.

— Retourne près de ta maman, petite fille ! ironisa la seconde. Il est à nous !

Les voix de toutes les anciennes victimes d'Angel formaient une mélopée lugubre :

— Viens, Angel, viens ! psalmodiaient-elles en chœur.

Marie se tourna vers les anges gardiens pour chercher du soutien. Aucun n'osa ou ne voulut la regarder. Ils avaient l'œil rivé sur l'armée des Ténèbres. Marie ne semblait pas exister pour eux. Elle était seule contre tous. Tout le monde semblait se moquer éperdument de sa protestation. Son avis était tenu pour rien.