Annie du Chassezac_La Thébaïde

Chapitre 16

Brocéliande, 8 h 11

GENS des villes, gens des campagnes ! Vous tous qui m'entendez, vous tous qui me lisez ! Je ne suis qu'un simple mortel, moi Loïc, et ce chapitre est sans doute un des derniers que je narre.

Mais nôtre aventure, pourtant, elle, ne fait que commencer. Et elle commence toujours, à l'heure actuelle, et je crois qu'elle ne finira jamais. Mais il en est ainsi. Et l'aventure avait déjà commencé lors de mon séjour à Brocéliande.

Mes appartements étaient composés d'un boudoir et d'une chambre, tous deux dans l'or le plus remarquable. Ils étaient reliés par une porte en bronze. Ici, j'étais comme un prince. Un prince, pourtant, dont nul ne soupçonnait l'existence.

Dans une armoire en chrysobéryl, se trouvaient ma baguette et mon écharpe. J'avais un bassin d'eau pure, dont je pouvais me servir quand je voulais pour des sortilèges, ou tout simplement la boire. Les autres initiés doivent avoir un logis bien humble, me disais-je quelquefois.

Je sortis de ma chambre après avoir comme d'habitude mangé mon petit-déjeuner qui était apparu sur ma table, par magie. Je suis un matinal. Les escaliers finement ciselés dans des diamants noirs n'attendaient que que je les gravisse. En bas, la reine m'attendait, soucieuse.

"Qu'est-ce qui vous inquiète ? demandais-je.

-Un homme du nom de Caleb Dulièvre nous menace tous. Il veut l'argent, le pouvoir, et il sait que nous pouvons le lui apporter. Il a déjà tué trois hommes, et les esprits maléfiques le protègent aveuglément.

-Pourquoi le protègent-ils ?

-Les serviteurs du mal ont le même but que leur maître : faire la guerre au bien. Ils profitent de toutes leurs occasions pour détruire, souiller, maudire, tuer, torturer, corrompre. Alors, lorsqu'ils en auront assez, Caleb ne sera plus qu'un pantin entre les mains de ce fameux maître : le diable ! Mais pour l'instant, le diable lui accorde tous ses privilèges, et bien malin qui pourrait trouver comment l'arrêter !"

Je sursautais.

"Oui, dit-elle en soupirant, Caleb est un sorcier. S'il le voulait, il ferait voler un balai ; s'il aimait les chapeaux noirs et pointus, il en aurait un qu'il aurait fait apparaître. Mais il ressemble en tous points à un homme ordinaire, si ce n'est la noirceur de son cœur. C'est lui qui a tué les personnes qu'on avait trouvé dans les bois : ton précédesseur, car tu exerces le même métier que lui : tu es un ambassadeur des humains et un allié du petit Peuple.

-D... Donc, c'est peut-être moi le prochain sur la liste ?"

Un vent froid caressait mes épaules.

"C'est possible," dit-elle simplement.