Chapitre 3

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Forêt de Paimpont, 6 jours et demie plus tôt

Le commissaire Takisse suivait son adjudant.

Son nom étrange venait du fait qu'il avait eu un ancêtre africain, suite à une longue et sombre histoire de commerce triangulaire et d'un amour interdit, hélas bien moins romantique que ce qu'on aurait pu imaginer. De son héroïque ancêtre, le commissaire avait perdu la force et le teint ; mais son père avait pu en garder une bonne partie des deux. Il était d'ailleurs mort quelques années plus tôt, dans une manifestation sauvage des membres du Front National.

"Nous nous dirigeons vers la forêt , fit-il remarquer à son supérieur.

--Je vois que vous êtes perspicace, ironisa l'adjudant. Car c'est là qu'a été commis le meurtre.

--Les farfadets se mettent à agresser les touristes, maintenant ! fit-il sur le ton de la plaisanterie.

--Oui, si vous cnsidérez que les farfadets sont assez grands pour porter une Winchester," rétorqua l'autre en le toisant froidement.

La forêt de paimpont. La forêt de Brocéliande, si vous préférez. Pourquoi avait-on donné à ce sanctuaire de la culture celtique un nom si ridicule ? Même l'Église lors de l'Inquisition ne l'avait pas osé.

Ils arrivèrent près de la scène de crime. Un cadavre étalé au sol de tout son long, une balle dans le cœur, un énorme trou dans le ventre.

"Calibre 22, grinça l'adjudant. Ça ne pardonne pas.

--Ah ben ça..., dit Takisse. Je connais personne du coin qui ait une arme pareille.

--Ah, mais mon cher commissaire, les gens vous font les yeux doux ! Brocéliande n'est-elle pas la "forteresse de l'autre monde" ? Ne dit-on point que l'Ankou y avait son château ? (Il gonfla ses poumons pour faire semblant d'avoir l'inspiration artistique. Plaisanter en parlant d'un cadavre était une chose, devant en était une autre. Ce type n'était pas humain.) Et que dire des korrigans sournois ? Si vous voulez savoir, c'est une secte de pseudo-druides qui ont fait ça. À tout les coups.

--Navré de vous contredire, dit un policier de la brigade scientifique, mais j'aurais plus pensé à un meurtre de sang-froid qu'à un sacrifice humain. On aurait utilisé un poignard et sûrement une dague. Et puis regardez ses habits."

Ils étaient en lambeaux, usés par les intempéries, sales comme des torchons et pestilentiels.

"Nos analystes pensent qu'il est resté au moins un mois dans la forêt, en vivant comme un sauvage. Il n'aurait donc pas pu entrer en contact avec personne sinon des touristes, et si ça avait été le cas, je pense qu'ils l'auraient ramené illico à la civilisation. C'est d'ailleurs bizarre, qu'ils n'y en ait pas un seul qui l'ait vu. Qui plus est, personne d'ici ne connaît cet homme."

L'adjudant resta sans commentaires.

Takisse regardait encore le cadavre. Il avait une longue barbe sale et des dents noires comme la suie. De toute évidence, il avait passé bien plus qu'un simple mois dans cette forêt. Mais comment était-ce possible ?

Et puis, il y avait une anomalie dans sa barbe : elle était brun clair et fiché en plein milileu, il y avait un poil blond, enchevêtré là comme si de rien n'était.

C'était une sorte de cheveu...

Annie du Chassezac_La ThébaïdeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant