Chapitre 30

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En des lieux insoupçonnés des mortels


C'était un endroit assez désert. Le temps, m'avait-on dit, ne s'y écoulait pas réellement; mis à part le soleil et la Lune qui poursuivaient leurs cycles normaux, rien ne changeait réellement. Le printemps était là toute l'année, les nuages étaient complètement figés, et la végétation était quadiment inexistante, comme si on avait comme par magie stoppé leur croissance à un stade précis.

"Nous approchons," nous dit la reine des fées. Et il était temps. En effet, nous avions marché des heures durant et le soleil déclinait fermement. Pourtant, j'avais beau scruter l'horizon, je n'y voyais pas l'ombre d'un cabanon, dans ce pays de nulle part. À force de patience, je parvins à distinguer, à quelques kilomètres de là, la silhouette d'une tourelle branlante, seule et isolée, cachée par des rochers aussi vieux qu'elle. Je fis un rapide calcul : le temps d'y arriver, le crépuscule aurait déjà commencé. Si seulement le soleil ne pouvait pas plus bouger que tout le reste ! Pour le saisons, avec un peu de magie, on pouvait créer un microclimat qui durait toute l'année sans changer. De même avec les plantes, les nuages... Mais les astres, même les astéroïdes, étaient trop gros pour être contrôlés.

"Tu pense à quelque chose ? me demanda Loïc.

- Moi ? Non, à rien !"

En vérité, je pensais TROP à quelque chose.

Si je n'avais pas quitté mes parents.

Si je n'avais pas quitté mes parents, je n'aurais eu aucun souvenir de tout ce que j'avais vécu. Je serais devenue une ado normale, rêvant d'ailleurs et de garçons, une fille fantasmante. Je me serais plainte pour tout et rien sans savoir ma chance. Je n'aurais jamais eu peur face à Caleb.

Si seulement je n'avais pas quitté mes parents...

Et puis d'un coup, un autre sentiment.

Je les avais quittés, de toute manière. Et que je le veuille ou non, je vivais une aventure, un truc qui n'était pas prêt de m'arriver une nouvelle fois. Je devais regarder vers le futur. J'étais libre. J'avais appris des merveilles, découvert des choses incroyables. Je n'avais pas à me plaindre. Et à présent, je sauvais la reine des fées... Pourquoi s'apitoyer ?

Mon ego tenta une dernière tentative de séduction : mes parents, justement ! Je devais leur manquer. Ils devaient se ronger les sangs pour moi, ma tête devait figurer dans tous les commissariats.

Non ! Non, ça s'était passé comme ça devait se passer. C'était sûrement mieux comme ça. Oui, sûrement mieux comme ça...

Annie du Chassezac_La ThébaïdeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant