Chapitre 22

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Leurs valises avaient été déposées dans leurs chambres, sans doute par des elfes de maison, et c'est avec soulagement qu'ils purent s'écrouler sur l'immense lit. Les deux pièces étaient attenantes, si bien qu'enfants il n'était pas rare qu'ils s'endorment dans la chambre de l'autre en pleine discussion. Aujourd'hui encore, la présence de son ami le rassurait et lui conférait une sorte de courage qui lui faisait défaut dans cet immense manoir sombre.

- Ça va pas être de la tarte de pouvoir aller dans le salon quand personne n'y sera, soupira Blaise.

- Cette nuit ça devrait être bon.

Le métisse lui jeta un regard en coin en se redressant, pressentant que le ton qu'il avait employé ne signifiait rien de bon.

- On y va ensemble, n'est-ce pas ?

- Non.

La réponse avait claqué, sèche et sans appel. Il était toujours allongé sur le lit, les yeux rivés au plafond blanc qui les surplombait, tournant obstinément le dos.

- Tu recommences mec, grinça le brun. Arrête de vouloir porter tout le malheur du monde sur tes épaules.

- Écoute Blaise, on aura pas de deuxième chance. Si on se fait choper c'est la mort, après une bonne tournée de torture bien-sûr, alors autant qu'un de nous deux s'en sorte. Maintenant excuse-moi, je vais prendre une douche.

Il se leva, coupant court à la discussion, plantant là le métisse qui soupira longuement quand la porte de la salle de bain lui claqua au nez.

Il entra dans la douche par automatisme. Un jet d'eau gelé jaillit du pommeau engourdissant chacun de ses muscles puis peu-à-peu l'eau se réchauffa mais son corps resta frigorifié. Frigorifié de l'intérieur. Il était fatigué. Fatigué de cette vie. Fatigué de se battre contre les gentils, contre les méchants, contre ses amis et contre lui-même. C'était sans cesse la même chose, chaque choix entraînait une conséquence, chaque conséquence entraînait un nouveau choix. Encore et encore. Il pourrait rester là, sous l'eau chaude, jusqu'à ce qu'il ait entièrement disparu. Il pourrait tout abandonner et s'enfuir en Afrique ou en Asie, là où personne ne saurait qui il était. Il pourrait aussi juste suivre les ordres et arrêter cette stupide mission suicide, devenir un robot sans conscience et sans émotion. Après tout n'était-il pas à Serpentard, réputé pour sa lâcheté ? Sa belle détermination était restée dans le salon, dans les iris émeraudes qui le fixait narquoisement.

Sa tête tapa durement sur le mur carrelé. Non ! Il ne pouvait pas abandonner, il l'avait promis à cet idiot de Potter et ses amis, il l'avais promis au vieux fou qui lui faisait confiance malgré le tatouage sur son bras et surtout il lui avait promis à elle.

Il coupa l'eau et sortit de la douche. La buée avait envahit la pièce créant une atmosphère tropicale et étouffante. Il enfila un jean noir et saisit une chemise blanche. Dans moins d'une heure il serait à table entouré de tous les adeptes mais il ferait bonne impression, parce que bon il était un Malfoy tout de même.

Il sortit de la salle de bain et toujours plongé dans ses pensées il ne remarqua pas l'ombre qui se dessinait dans l'embrasure de la porte. Il n'avait pas fermé sa chemise ce qui laissait voir son torse parfaitement taillé par le quidditch où dégoulinait quelques gouttes d'eau qui tombaient de ses cheveux encore humides. Arrivé à son lit, il s'affala dessus et ferma les yeux en proie à de profondes réflexions. L'ombre se détacha du mur et dans une démarche féline s'avança vers le lit où reposait le jeune homme. Quelques mèches rebelles retombaient sur son front. L'ombre tendit la main et, délicatement, replaça les cheveux bonds. Il sembla le sentir car ses paupières s'ouvrirent brutalement dévoilant ses yeux azurs, légèrement tintés de gris. L'ombre avait appris à analyser les variations de couleurs de ses prunelles et s'amusait à en deviner la signification. Là, elle pariait pour la fatigue et l'inquiétude. Ses prédictions se révélèrent exactes quand il passa une main lasse dans ses cheveux blonds, essayant de leur redonner un semblant de coiffure et se releva en position assise sur son lit, un pli soucieux barrant son front.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

L'ombre, qui n'en était plus vraiment une, s'éloigna pour s'asseoir dans un large fauteuil en bois massif et posa ses pieds sans aucune gêne sur le dessus de lit.

- Tu ne m'as pas dit bonjour tout à l'heure.

Il n'en revenait pas. Elle était juste devant lui et il dût se pincer discrètement pour être sûr de ne pas nager en plein rêve. Sans rien laisser paraître de son trouble, il lui envoya un sourire en coin et répondit d'une voix traînante.

- Je ne t'avais pas vu.

- Menteur.

Elle était tellement elle-même qu'il se demanda si ces quatre derniers jours étaient bien réels. Sa voix glissait sur lui comme des milliers de petites perles nacrées et il sentit tous ces soucis s'envoler. Comment était-ce possible ? Comment une simple voix pouvait lui faire cet effet ? C'était tout bonnement improbable surtout que la dernière fois qu'ils s'étaient vus, elle avait faillit le tuer. Il balaya ces pensées perturbantes dans un recoin de son cerveau, préférant profiter du joli sourire qu'il avait en face de lui.

- Je ne peux que remarquer que c'est toi qui est venue me dire bonjour.

Elle afficha une moue contrite en se rapprochant dangereusement du lit. Elle se pencha vers lui, son souffle mentholé s'écrasait sur sa joue et il fut enveloppé par son parfum entêtant de vanille. Il ne pût s'empêcher de penser qu'il n'aurait qu'à incliner la tête pour que leurs lèvres entre en contact, mais il était comme tétanisé par cette proximité soudaine. Il sentit sa bouche sur sa joue remonter jusqu'à son oreille et murmurer.

- Tu m'as manqué.

Avant qu'il ait pu esquisser le moindre geste, elle se recula et disparut dans l'encadrement de la porte, le laissant seul, le souffle court et les mains tremblantes.


Personne n'est mauvais.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant