Chapitre I.

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   1 k ça vaut bien le Chapitre I! =P

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   Glisser le grand pan dans la boucle. Tirer pour serrer. Ajuster le nœud et s'admirer. Résultat? Je hais cette putain de cravate. Et pourtant j'en porte de toutes les couleurs depuis plus de soixante ans. Une bleu marine pour aujourd'hui. J'ai des domestiques qui pourraient me la mettre mais j'ai toujours refusé. C'est en quelques sortes, mon moment à moi. Celui qui me replonge dans des souvenirs nostalgiques, ceux dans lesquels je me battais avec ma mère pour ne pas en porter. Un trait commun avec mon père. Enfin non, physiquement je lui ressemble énormément. Même regard noir, même mâchoire carrée, même sourire taquin sauf que j'ai une barbe de quelques jours. Seule ma couleur de cheveux rappelle celle de ma mère, un roux auburn. Très foncée. Machinalement, je me passe la main dans les cheveux et me fixe dans le long miroir à pied noir de ma chambre. Dans mon regard, il y a cette étincelle qui y apparaît souvent. Elle me manque. Maman me manque.

    Des souvenirs d'elle font surface dans mon esprit. Yris me serrant contre elle, me lisant des histoires avant d'aller dormir, fredonnant lorsqu'elle nous préparait à manger. Je la revois dans sa sublime robe de mariée lorsqu'elle s'est unie avec mon père sur Terre. Ses souvenirs ne représentent que quelques secondes mais ils sont heureux. Je ne veux pas oublier son sourire lorsqu'elle me surprenait en train de l'admirer. Ni son odeur ou son rire. Je ne veux pas l'oublier elle, tout simplement. Et plus les années passent, plus cette peur m'oppresse. Ses souvenirs laissent place à d'autres plus sombres, du jour où elle a cru avoir perdu mon père et des années où elle n'était plus que l'ombre d'elle-même après ce terrible événement. Je peux approcher de la soixante d'années, même si bien-sûr je n'en parais que 28 ans, je n'arrive toujours pas à me faire à l'idée qu'elle n'est plus là. Un enfant, qu'importe son âge, a éternellement besoin de sa maman. L'éternité, c'est le cas de le dire. Et là? Elle m'a laissée avec des tas de questions et les réponses semblent être inexistantes. Elle ne me manque pas par période, c'est constant. Et parfois, lorsque le manque me taillade la cage thoracique, je lui en veux. Elle a attendu que ma sœur et moi sommes en âge de nous occuper de nous-même pour se laisser mourir de chagrin. Elle a laissé celui-ci ressortir entièrement et gagner. Finalement, je n'ai plus de maman depuis la disparition de Lucian. Le jour où ses deux âmes sœurs ont été séparées. Et comble de l'ironie, Lucian est revenu mais Yris était partie. C'est trop douloureux d'aimer une personne et de la perdre. C'est pourquoi, j'ai décidé de ne faire entrer dans ma vie que de rares personnes. Et encore moins l'amour.

    Bien entendu, je n'exprime pas clairement mon opinion à mon père sur le sujet, lorsqu'il vient passer des vacances en enfer, sinon il m'étranglerait de ses propres mains. Bon, il reste majoritairement lui, un enfoiré, mais il s'adoucit lorsqu'il aborde le sujet de l'amour. A chacune de ses visites. Je tente toujours d'esquiver le sujet. A quoi bon? C'est impossible de lui expliquer que j'ai tenu le corps sans vie de son adorée pendant des jours en lui hurlant de ne pas me laisser, que mes potes ont du m'arracher à elle, que je me suis battu de toutes mes forces pour ne pas qu'ils nous séparent, que je l'ai portée dans mes bras jusqu'à sa tombe. Comment lui expliquer que ses mètres ont été les plus douloureux de ma vie? Que j'ignore comment mon corps a réussi à me porter jusque là? Que son corps était frêle dans mes imposants bras et que pourtant, elle était toute ma vie? Non, jamais je ne lui dirai cela. Je me contente de lui répéter tout simplement que mon temps est déjà bien comblé avec mon règne, ma sœur et mes potes. Je suis heureux. Vraiment. Je ne veux pas provoquer le destin et perdre une personne que j'aime. Car cela n'est pas hypothétique, c'est une évidence que cela arriverait. J'ai déjà eu mon lot de tristesse et cette fois, je ne m'en relèverai pas.

Lestan.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant