Le lendemain, Rémi parvint à se réveiller deux minutes avant que son réveille ne se mette à sonner. Il bondit de son lit, prit une douche rapide au même moment où l'alarme de son réveil se déclencha, fila se changer, engloutit son petit déjeuné, et tout cela en un éclair, persuadé qu'il était déjà en retard.
Lorsqu'il se décida enfin à jeter un regard à l'horloge de la cuisine, il ralentit la cadence et émit un soupir de soulagement. Lui qui n'avait pas l'habitude d'être un lève-tôt, se surprit pleinement en ce jeudi matin d'automne.
Alors, il partit vers le métro, comme à son habitude, mais cette fois d'un pas tranquille, ni trop lent ni trop pressé, comme s'il prenait son temps.
Il savait qu'aujourd'hui, une longue journée l'attendait, ses cours à la fac n'étaient pas de tout repos, et le boulot de serveur qu'il faisait à côté pour pouvoir payer les frais de ses études ne lui facilitait pas la tâche. Depuis que ses parents étaient endettés, ils ne pouvaient plus aider leur fils unique dans son accomplissement sur le plan professionnel. Alors, Rémi se débrouillait comme il pouvait, jonglant entre petits boulots, études et examens de fin d'année. Sa routine pourrait même se définir par ces trois petits mots : métro, boulot, dodo. Et pas un de plus !
Jusqu'ici, il a toujours su s'en sortir, et est même parvenu à trouver une colocation dans Paris, ce qui n'est pas chose facile lorsque l'on constate les prix et la difficulté à trouver un appartement dans la capitale.
Il se contentait de sa vie banale, cette routine infernale, où jamais rien d'extravagant ne semblait se manifester dans son petit monde tranquille d'étudiant en faculté.
Arrivé sur le quai de la ligne 11 de son métro, il se posta debout droit comme un piquet sur le quai, puis vérifia machinalement les dernières nouvelles de l'actualité sur son téléphone à la pointe d'une technologie révolutionnaire.
Rémi se racla la gorge, un peu bouleversé par les quelques phrases qui venaient de défiler sous ses yeux. Il apprit avec tristesse qu'un tragique accident de la route avait eu lieu dans les Pyrénées, un car avait perdu le contrôle de ses freins et s'était violemment percuté à un poids lourd, résultat : cinq morts et onze blessés.
Une fois qu'il eut terminé de lire l'article, il éteignit son portable et l'engouffra dans sa poche, prenant certainement conscience de la fragilité de la vie qui ne tenait qu'à un fil. Il ne souhaitait pas en lire plus, il en avait assez vu pour aujourd'hui.
Les mauvaises nouvelles avaient toujours tendance à le mettre d'humeur morose, comme si cela l'affectait au plus profond de son être, comme s'il connaissait personnellement quelqu'un qui avait péri dans cet accident, comme si lui-même était mort là-bas au beau milieu de toutes ses victimes encore avides de vie.
Oui, Rémi est fragile, c'est vrai. Et tout le monde dit qu'un garçon comme lui n'a rien à faire dans le métier de psychologue ; selon eux, il faut un homme au moral d'acier et au coeur de pierre pour ne pas verser de larmes à chaque entrevue avec ses patients. Mais Rémi n'est pas d'accord avec ça, il ne l'a jamais été, et c'est sa volonté de réussir et son ambition de prouver le contraire, qui ont convaincu ses proches. Devenir psychologue, pour lui, c'était tout ce à quoi il aspirait, c'était comme une évidence, c'était la raison de sa venue sur cette Terre.
Car oui, Rémi n'est peut-être pas capable de retenir ses larmes face à une tragédie, il n'est pas non plus antipathique et indifférent aux sentiments des autres.
D'ailleurs, l'empathie est quelque chose de naturel chez l'être humain, le fait de voir quelqu'un souffrir, nous fait réagir comme si c'était nous, d'une certaine façon.
Et justement, Rémi est capable de les comprendre, de voir au-delà des apparences, de ressentir ce que ces personnes tentent d'enfouir au plus profond d'elle. Sa fragilité, c'est sa force.
Il inspira, puis expira, tentant tant bien que mal de se vider la tête de ces quelques images qui embrumaient déjà son esprit.
C'est alors, qu'il l'aperçut, elle, la femme d'hier. Elle se trouvait exactement au même endroit, comme si elle était restée là durant tout ce temps, immobile comme une statue de glace, elle n'esquissait même pas un geste, ce qui en devenait déstabilisant.
Elle était habillée un peu près de la même façon que l'autre jour, mais cette fois, bien qu'il ne s'y connaisse pas en mode féminine, Rémi dirait qu'elle était beaucoup plus élégante.
Elle était vêtue d'un long manteau gris resserré par une grosse ceinture noire au niveau de la taille, d'un jean troué aux genoux - le même qu'hier - et était perchée sur des bottines noires à talons hauts. "Ça change des baskets bubble gum." pensa-t-il de suite. Sa chevelure blonde était soigneusement coiffée en un chignon un peu fouillis, mais qui mettait parfaitement son visage en valeur.
Rémi la dévisagea à plusieurs reprises, il tenta d'apercevoir plus en détail les traits de son visage, mais de là où il se trouvait, aucune parcelle du masque faciale de l'inconnue ne lui parvenait. Alors, il s'approcha prudemment du rebord du quai pour pouvoir un peu mieux la voir.
Elle fixait un point dans le vide, mais Rémi en était sûr, elle ne le regardait pas, il ne pensait même pas qu'elle l'ait vue.
Soudain, le train du quai d'en face entra en gare, il continua malgré tout à apercevoir la silhouette de la jeune femme de l'autre côté des vitres du wagon, mais celle-ci ne bougeait toujours pas. Le bruit assourdissant de l'alarme qui annonçait la fermeture des portes résonna, puis le train démarra, partit sur les rails et disparut au fin fond du tunnel souterrain.
Rémi soupira déjà quant au fait qu'il n'avait pas pu entrevoir le visage de la jeune femme avec plus de précision. Elle commençait fortement à l'intriguer. Mais ce qu'il vit juste après le perturba.
Elle n'était pas montée dans le train.
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La fille du métro
Mystery / ThrillerQuand Rémi aperçoit pour la première fois de l'autre côté du quai une jeune femme douteuse, il va se lancer dans la plus troublante des énigmes. Cette femme en est une à elle seule. Le métro est un moyen de transport des plus commun et très pratiqu...