H u i t

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Flottant dans les airs à la frontière de notre monde, comme si son âme avait quitté son enveloppe charnelle, voguant entre les mers, au creux du coussin nuageux et du manteau terreux. Seule ces sensations l'habitaient. Jusqu'à ce qu'il reprenne enfin connaissance.

Rémi ouvrit les yeux, avec une énorme difficulté à retrouver une vue nette, car ce qui l'entourait restait flou, comme ses idées. Sa rétine se laissa lentement stimuler par la lumière qui perçait sa pupille verte. Il avait mal au crâne et avait perdu tous ses repères dans une pièce qui ne lui était pas familière. Mais il distingua une silhouette, un visage qu'il reconnaîtrait entre mille, penché juste au-dessus de lui.

« Eh Rémi, ça va mieux ? »

Il reconnut de suite la voix de son ami Quentin, mais ne lui répondit pas, ses lèvres étaient encore scellées par le choc. Il était trop occupé à découvrir le paysage qui l'entourait au fur et à mesure que sa vue revenait. Son corps reposait sur un lit au matelas épais, dont les draps blancs dégageaient une odeur neutre et propre. Les murs de la pièce, dépersonnalisés, immaculés de blancs, témoignaient du manque de chaleur. Un appareil qui semblait mesurer son pouls était accroché à l'un de ses doigts, et une aiguille s'enfonçait douloureusement dans une de ses veines du bras. Le Bip répété des machines comptait les battements de son cœur. Les booms de cet outil placé juste sous sa cage thoracique, qui au-delà de sa fonction sentimentale, lui permettait de rester en vie en irriguant son corps, noyant ainsi ses organes dans un bain de sang chaud.

Et voilà que son malaise venait de lui coûter un séjour entre les murs de l'hôpital.

Il se tripota machinalement le visage et sentit au toucher qu'on lui avait bandé la tête. Il se releva et tenta de quitter sa position allongée pour la troquer avec une assise sur le lit.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? parvint-il à demander.

- T'es tombé mon pote, dans les escaliers. Rien de grave, mais tu t'es quand même pris un sacré coup sur la caboche. Les médecins disent que t'es hors de danger, faut juste que tu te reposes maintenant. »

Rémi n'osa pas poser plus de questions, il était encore tout chamboulé par ce qu'il avait vu et entendu juste avant de sombrer, cette image le tourmentait encore. L'image de l'inconnue s'adressant à lui.

Il se leva précipitamment, arrachant les fils qui l'enlaçaient, faisant cesser le bruit interminable des machines, puisant la force nécessaire dans ses muscles inexistants. Puis, enfila ses habits déposés sur une chaise, quittant ainsi la tenue réglementaire qu'on lui avait donner, puis il se dirigea vers la porte.

« Attends, tu vas où comme ça ? lui lança Quentin, avec une pointe d'inquiétude dans la voix.

- Je dois la retrouver. articula-t-il, déterminé.

- Qui ça ?

- Laisse tomber. lui répondit Rémi, préférant garder cette histoire pour lui.

- T'es fou ou quoi ? T'as vu ton état, tu peux à peine marcher droit ! s'écria son camarade.

- Ça va aller, t'en fais pas pour moi. » rétorqua-t-il.

Quentin s'apprêta à répliquer, mais trop tard son ami avait déjà franchi la porte de la chambre et l'avait claqué d'un coup sec, cette fois il était parti pour de bon.

Rémi n'en avait que faire des conseils de son ami, il n'avait qu'une seule idée en tête, c'était cette fille. Elle le hantait et le déboussolait au point qu'il en perdait le nord.

Il marcha dans les couloirs aseptisés de l'hôpital rencontrant des médecins, des infirmiers, des patients, des proches, des malades et des blessés. Croisant des regards incertains, affolés, attristés, neutres, désespérés ou au contraire, rassurés. Une atmosphère mêlant parfum de vie et dernières heures face à la mort, s'était emparé de cet établissement public pris dans les dédales de l'instabilité et du mouvement.

Rémi continuait sa route, et personne n'avait l'air de l'avoir remarqué dans ce tourbillon d'urgence et de précipitation. Il boitait, mais semblait ne pas s'en soucier, il oublia sa douleur tant il était obnubilé par son seul et unique but à atteindre.

Il parvint au métro plus vite qu'à son habitude, sûrement grâce à l'adrénaline qui montait en lui plus il se sentait proche d'elle. Il n'avait aucune idée de l'heure qu'il était, mais s'en contrefichait, puisque le temps lui glissait entre les doigts à chaque pas.

Il s'avança dans les couloirs, et quand il sentait qu'un haut-le-cœur le prenait, il s'arrêtait et s'appuyait quelques minutes sur un mur. Des bruits grésillait dans sa tête, un bourdonnement dû à son malaise. Il ne s'était pas encore tout à fait remis de sa chute, tout était encore flou dans sa tête. Mais psychologiquement, son obstination était tel qu'il réussit à faire abstraction de tous ses antécédents. Son état maladif lui passa très rapidement, il finit par retrouver sa force et sa vigueur d'antan.

Rémi arriva enfin au quai de la jeune femme dans le métro de la ligne onze, essoufflé, il s'avança d'un pas pressé. Il avait des tas de questions à lui poser qui trottaient dans sa tête comme les aiguilles d'une montre. Il se trouvait à quelques mètres d'elle, peut-être quatre ou plus, mais assez pour parvenir à capter son attention. Il savait que c'était maintenant ou jamais.

« Qui êtes-vous ? » commença-t-il par demander, d'une voix rauque et assez élevée pour qu'elle puisse l'entendre.

La femme tourna la tête vers lui, ses yeux vairons se plongèrent instantanément dans ceux de Rémi. Il voulut lire entre les lignes de sa bouche, et les contours de ses yeux, mais seul un mot fut prononcé, franchissant la barrière de ses cordes vocales et glissant à travers ses lèvres rosées.

« Personne. »

Ce mot sonnait comme une percussion, s'effritant dans l'antre de ses tympans. Rémi se laissa envoûter par cette voix, la même que dans son souvenir, douce et rude à la fois. Il la dévisageait comme s'il la redécouvrait.

« Comment ça, personne ? On est tous quelqu'un, on mène tous une existence quelle qu'elle soit...

- Il y a une différence entre vivre et exister. »

Le jeune homme fut surpris par sa réponse, il ne s'attendait pas à cela, elle avait été rapide, claire et succincte. Alors, il se risqua à vouloir lui tendre une main amicale.

« Laissez-moi vous aider ! s'exclama-t-il, sûr de lui.

- Personne ne peut plus rien pour moi. lui dit-elle en décidant de lui faire face.

- Mais...

- C'est trop tard, Rémi. le coupa-t-elle.

- Quoi ?! s'exclama-t-il.

- Notre vie n'est jamais celle que l'on croit qu'elle est. Il y a toujours bien plus encore derrière. » répondit-elle, sans raison apparente.

Rémi ne comprit pas ses paroles, il sentait quelques gouttes perler sur son front, il avait des coups de chaud à répétition, il était perdu, tracassé, tout se mélangeait dans sa tête.

Il restait sous le choc, seule une chose l'avait vraiment interpellé, comment connaissait-elle son prénom ? Il s'apprêtait à lui demander de vive voix, lorsque son téléphone vibra. Il le saisit de ses mains moites, et lu le message qui lui était destiné, c'était ses parents qui souhaitaient l'inviter à un dîner de famille. Il ne s'en soucia pas pour l'instant, il avait d'autres préoccupations. Ce n'était pas le bon moment, et son rythme cardiaque qui s'affolait de plus en plus, le lui faisait bien sentir.

Mais quand il leva la tête, son interlocutrice avait disparu, elle s'était comme envolée, évaporée, disparut dans un nuage de fumée.

***

Nous sommes au huitième chapitre de l'histoire et enfin, Rémi a parlé à cette mystérieuse fille... Que pensez-vous d'elle ? Que signifie ces paroles ? Que cache-t-elle ?

J'espère sincèrement que ce chapitre vous aura plus ! J'ai hâte de vous faire découvrir la suite, alors à la semaine prochaine pour un nouveau chapitre 😘

D'ici là, prenez soin de vous 🌟

La fille du métroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant