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Il était 7h15 du matin, lorsqu'un jeune homme à l'allure studieuse et aux cheveux bruns coupés court, s'aventura dans les rues presque vides de Paris. Il marchait d'un pas pressé comme si le temps lui manquait. Il bifurqua à gauche. Puis tourna à droite et continua tout droit. Cette matinée d'automne s'annonçait déjà fraîche, en témoignaient les quelques bourrasques de vent qui lui fouettaient le visage. Il enfonça sur sa tête un bonnet bleu, et ferma soigneusement son manteau de la même couleur pour mieux se protéger du froid avant de continuer sa route.

Le garçon cherchait de ses yeux, d'un vert clair éclatant, l'entrée du métro. Sa silhouette élancée et de taille modeste passaient inaperçues auprès des quelques individus qui marchaient à côté de lui. Il se fondait quasiment dans la masse.

Rémi s'engouffra dans le métro, celui situé à plusieurs mètres de chez lui, neuf cents mètres à pied pour être plus précis.

Chez lui, c'est tout près du canal Saint-Martin, à quelques pas de la place de la République, dans le Xe arrondissement de la grande métropole. C'est un coin où les différentes ethnies ne font plus qu'une, où tard les soirs d'été on peut entendre des jeunes chanter et danser dans les bars jusqu'au bout de la nuit, et où les discussions au bord du canal sont agréables. C'est un quartier populaire, authentique et paisible que Rémi affectionne tout particulièrement. Et qui au fil des années n'a pas perdu de son charme.

Comme chaque jour, il sortit le pass qui lui permettait d'aller légalement dans le métro, et le fit valider.

Une fois sur le quai, le train qui lui était destiné, venait tout juste de partir. Alors il soupira et partit faire quelques pas vers le fond de la station, il avait l'habitude. Puis, il s'arrêta et sortit d'une des poches de sa veste, des écouteurs enroulés autour d'un MP3. Il prit le temps de les dérouler et de défaire les quelques nœuds qui s'étaient formés, pour ensuite les enfiler tout en se hâtant de faire défiler son habituelle playlist. Tout un tas de musique aux mélodies pop rock n'attendaient plus que lui.

Il baissa les yeux sur ses vieilles Vans toutes usées, puis les leva vers l'écran d'information et constata que le prochain train n'arrivait que dans cinq longues minutes, mais ne s'en inquiéta pas plus que ça. La musique l'enivrait et le mettait dans une sorte de transe, Rémi était dans sa bulle et il souhaiterait ne jamais en sortir.

L'étudiant décida de s'asseoir sur une des chaises mises à la disposition des passagers, sentant la fatigue encore présente après un réveil précipité. Celle qu'il avait choisie était rouge comme toutes les autres de la rangée, et possédait quelques gravures sûrement laissées par d'autres voyageurs qui devaient, comme lui, patienter en attendant le prochain train.

Il commença à tapoter des doigts sur sa cuisse, se laissant emporter par le rythme de la musique qui emplissait ses oreilles.

Il finit par jeter un coup d'œil à l'heure qui affichait déjà 7h30, et tenta de se rassurer quant au fait qu'il n'arriverait peut-être pas en retard, et que si ça devait être le cas, il trouverait bien le moyen de s'expliquer auprès du professeur, et devant tous les autres étudiants tant qu'il y était. Il trouvait toujours une solution, malin comme il était, il saurait se débrouiller. 

Rémi regarda autour de lui, l'endroit salit et vieilli par le temps, le quai d'en face et les personnes qui s'y trouvaient. Certains sont des habitués, Rémi les connaît, il les croise tous les jours, en fait il a simplement capturé une image de chacun de leurs visages, à la façon d'un appareil photo, mais ne leur a jamais adressé la parole.

Pourtant, il s'imagine très bien que les hommes vêtus de leurs costumes fait sur mesure, doivent être des travailleurs, des hommes d'affaires pour qui chaque minute ne doit pas être gâchées. Ou encore, ces femmes qui tiennent fermement leurs enfants par la main, il est certain qu'elles partent  les accompagner à l'école, pour ensuite aller à leur tour travailler, ou bien pour rentrer chez elles vaguer à d'autres occupations.

Parfois il se dit, "oh tient, celui-là n'a pas bonne mine aujourd'hui, il s'est peut-être fait viré de son travail, ou bien, il a surpris sa femme avec un autre, qui sait."

Selon lui, chaque habitant de cette Terre est comme un livre ouvert, simplement, certains sont plus durs à déchiffrer que d'autres.

Il aime essayer de deviner la vie des gens, on pourrait croire qu'il s'agit seulement d'un divertissement. Mais pour lui, c'est juste une façon d'essayer de comprendre les autres et la société dans laquelle il vit. Cela doit expliquer le choix qu'il a fait d'étudier la psychologie, ou comme dirait son prof, la science de l'âme.

Quoi qu'il en soit, Rémi est un très grand observateur. Là où les autres voient de la pluie, lui voit une richesse infinie et une ressource vitale. Là où certains ne voient que du noir, lui voit le deuil, la tristesse, le désespoir et la peur. Là où l'on croit voir la lumière, Rémi voit la vie et l'espoir.

Ses yeux finirent par s'arrêter sur la silhouette d'une jeune femme qui se tenait debout à quelques mètres des rails.

De loin, il apercevait sa chevelure blonde qui retombait en cascade sur ses épaules et son apparence svelte, quelque peu négligée. Un manteau gris et large recouvrait sa silhouette, un jean troué lui tombait sur ses maigres jambes, et ses pieds étaient emmitouflés dans des baskets dont la couleur rose bonbon laissait à désirer.

C'était étrange, il ne l'avait jamais vu auparavant, mais il émanait d'elle une ombre vacillante en proie à la foule hurlante, et pour une raison qui lui échappait, ses yeux ne l'avaient pas lâché. Il se mit donc à croire qu'elle n'était peut-être que de passage, sans doute une touriste étrangère à l'atmosphère de son quartier. Mais à cet instant, son train arriva, alors il cessa de la regarder et détourna ses yeux sur le pavé.

La fille du métroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant