La fille du métro

V i n g t

Le crépuscule venait d'atteindre son point culminant, là où le jour s'exténue et là où la nuit entre en scène, à une heure habituelle en plein milieu de cette saison proche de l'hiver et de son éternelle ère glaciaire. Le soleil, dans toute sa splendeur, s'en venait à disparaître minute après minute, et seconde après seconde vers l'autre côté du globe. Déjà 18h, et voilà que la nuit enfilait son manteau noir de jais, saupoudrant les premiers soupçons de pénombre sur tout Paris éveillé. Les lampes et les lampadaires s'illuminèrent sous le clair firmament.

Les yeux fixés sur son portable, il ne lâchait plus des yeux le plan qui les mèneraient à la mystérieuse adresse. Obnubilé par ces mots, il ne daignait plus lever ses pupilles pleines d'une vision exacerbée de sa destinée. L'adrénaline grimpait les échelons de sa curiosité, et ne faisait que l'égayer. Tandis qu'à ses côtés, les pas de Luna s'emboîtaient à contre cœur dans ceux de Rémi. Visiblement, elle n'était pas ravie à l'idée de se lancer à l'assaut de cet énième indice dont raffolait le jeune homme. Ils erraient dans des ruelles toutes plus sombres les unes des autres, à l'instar de deux âmes égarées cherchant ne serait-ce qu'un éclat de lumière vive, pourtant invisible à l'œil nu.

– Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Cette phrase n'a aucun sens. s'entêta-t-il à se répéter de manière machinale en relisant le bout de papier, tout en marchant dans l'ombre des bâtiments.

Rémi réfléchissait, pensait, tergiversait, philosophait, et inconsciemment, il perdait de vue tout le reste. La note qu'il avait dénichée dans la boîte faisait fonctionner ses neurones et tout son système cérébral à plein régime, car il en cherchait désespérément le sens et l'issue, mais c'était cause perdue. Il était pourtant sûr d'une chose : cela avait forcément un lien avec sa mère, et rien que la date - 1995 - le mettait sur la voie, puisqu'il s'agissait de l'année de mort d'Ardea.

– C'est sûrement quelqu'un qui s'est inspiré de l'œuvre d'un auteur pour laisser une citation pareille. Ce n'est rien d'autre que de la fiction, des mots jetés à la volée sur du papier pour faire peur aux petits curieux comme toi. tenta de lui expliquer Luna avec dédain.

– Non, je suis certain qu'il s'agit de bien plus, je crois même que...

– Rémi, écoute. le coupa-t-elle brusquement.

Elle s'était avancé vers lui après l'avoir doublé pour le stopper net d'un geste fébrile de la main. Son attention était désormais tout ouïe, prête à faire face à la méfiance de la jeune fille.

– Je pense que c'est une mauvaise idée... Nous ne devrions pas nous rendre à cette adresse. lui avoua-t-elle.

– Mais pourquoi ? s'exclama-t-il.

– Parce que tu ne sais pas ce que tu vas y trouver. Réfléchis un peu, c'est peut-être un piège.

– Il n'y a qu'un moyen de le savoir... souffla Rémi, en levant ses yeux vers une ruelle assombrie, où seul un lampadaire brillait encore de sa lueur.

La jeune femme suivie des yeux le regard luisant de son interlocuteur. Ils étaient arrivés à destination, et Luna eut soudain conscience que Rémi n'était pas prêt à faire demi-tour, plus maintenant en tout cas. Son obstination était telle qu'il ne faisait même plus attention à elle. Pour la première fois, il fonçait tête baissée, sans se préoccuper du danger. Alors, ils s'aventurèrent au cœur de la rue des vertus qui abritait sous son aile le numéro vingt-cinq. Cette adresse correspondait à un vieil immeuble, peu accueillant à première vue, et basé sur trois étages. La façade en pierre, vieilli par le temps et délavé par les intempéries, avait perdu de sa blancheur d'antan, et les innombrables fissures qui lui rongeaient l'extérieur, lui donnaient une mine déplorable. S'ajoutaient à cela, les quelques fenêtres, quatre au total, toutes fermées, qui ne laissaient passer aucun faisceau de lumière, sûrement signe du manque de vie à l'intérieur. Pour compléter ce tableau des plus lugubres, la porte d'entrée en vieux bois poncé, n'avait pas été verrouillée.