D i x - S e p t

201 45 38
                                    

Le ciel commençait à se couvrir légèrement, si bien que d'imposants nuages gris avaient fait leur apparition, empêchant presque les rayons du soleil noir de venir frôler le froid de leur peau. Rémi et Luna avaient traversé des rues attenantes à la place de la République afin d'atteindre le centre de la ville Lumière. Le point de non-retour, le lieu de toutes les rencontres et de tous les possibles.

Les montres affichaient toutes neuf heures et quart, y compris celle de Rémi.

Plus les minutes s'écoulèrent, moins les deux compères se souciaient de la raison qui les avait amenés à batifoler ensemble. Rémi faisait ce qu'il avait toujours eu pour habitude de faire, il observait. Mais à cet instant même, il l'observait, elle. Plus il la regardait, plus ses doutes s'évaporaient, mais ses inquiétudes grandissaient. Il ressentait cette même détresse dans son regard que la première fois qu'il l'avait croisé, debout sur ce quai. Il prenait en note sa manière de se comporter vis-à-vis de ce qui l'entourait, chaque geste, chaque regard, chaque parole. C'est ainsi qu'il remarqua que quelque chose semblait la tracasser lorsqu'un couple de jeunes s'était installé sur le banc d'en face, alors qu'ils avaient entrepris de faire une courte pause.

– Rémi... l'interpela-t-elle.

– Oui ?

– As-tu déjà aimé ? lui demanda-t-elle, sans qu'il ne s'y attende.

– Je n'en ai jamais eu l'occasion. avoua-t-il délibérément. Et toi ?

– J'aurais tant voulu.

Ses pupilles n'avaient pas quitté des yeux le couple d'amoureux quand elle prononça ses mots dans un souffle porté par la légèreté du vent. On sentait alors dans son regard, un regret éternel et une mélancolie immuable.

Dès lors, ils reprirent leur marche, bien qu'il s'avérât qu'ils ne savaient pas où aller. On dit souvent que ce n'est pas la destination qui compte le plus, mais c'est le voyage en lui-même.

Les pieds engourdis par de longues heures de marche à l'air libre, d'une part les fatiguèrent, mais également leur creusèrent l'estomac. Il était déjà midi et quelques. Le temps semblait filer aussi vite que les gouttes d'eau qui s'écouleraient d'un robinet. Déjà plus de quatre heures qu'ils piétinaient le sol dans un mouvement constant. Alors, ils franchirent les portes d'un centre commercial, réputée pour son grand choix de magasins dans des locaux larges et spacieux, et pour son cinéma, mais aussi pour son emplacement, dans le centre de notre dulcinée, Paris, en plein premier arrondissement.

– Le forum des Halles ? Qu'est-ce qu'on vient faire ici ? demanda Rémi, surpris d'avoir été conduit jusqu'à cette antre animée par les va-et-vient d'une société en expansion, drogué à la consommation.

– Un peu de shopping, ça te dit ?

– Sérieusement ?

– Non, je plaisantais. Tu as faim ?

Il lui répondit d'un hochement de tête réceptif. Visiblement, il préférait quand elle n'essayait pas d'être drôle. Alors, ils se postèrent dans un restaurant qui servait de délicieux bagel pour des prix abordables. Rémi se laissa tenter par la douceur au saumon fumé, alors que Luna s'éprit d'un bagel aux crudités de saison. Une fois leur déjeuné engloutit à pleine bouchée, leur excursion se poursuivit entre les façades de cet immense bâtiment en reconstruction.

Rémi suivait Luna tant bien que mal, tâchant de ne pas la perdre de vue au milieu de tous ses passants pressés et dont le porte-monnaie semblait vouloir se vider petit à petit et au fur-et-à mesure du temps.

Ils firent escale devant le cinéma, les yeux attirés par les affiches des derniers grands crus paraissant sur les écrans. En passant des blockbusters américains aux œuvres cinématographiques de réalisateur en pleine ascension, visant le fameux Oscar. Les yeux de Rémi restaient fascinés par cette sélection impressionnante du 7ème art. Pour cause, il adorait le cinéma, idolâtrait les plus grands dont Hitchcock, Stanley Kubrick, Woody Allen, ou encore, Clint Eastwood. Des films, il appréciait en regarder, mais aussi, il aimait comprendre comment les réalisateurs s'y prenaient pour ficeler une telle harmonie en quelques images, et comment les acteurs parvenaient à transmettre des émotions poignantes, fortes, touchantes, par l'intermédiaire d'un vulgaire écran. Si bien qu'étant plus jeune, il rêvait de réaliser son propre film. À l'époque, il avait même dû dépenser une petite fortune pour s'offrir une caméra. Il ne l'a pourtant jamais utilisé.

La fille du métroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant